J’ai toujours été opposée à la déchéance de nationalité, a fortiori quand elle vise des Français nés français. Pour moi, c’est un vieux combat. Je l’ai mené quand l’extrême droite a voulu relancer cette thèse et quand une partie de la droite a essayé de nous expliquer qu’il fallait inscrire une telle mesure dans la Constitution. Je le mène aujourd’hui, plus encore qu’hier, parce que, s’il est vrai que la lutte contre le terrorisme doit mobiliser toute la Nation, la manière de combattre ce fléau procède de trois exigences.
La première, c’est l’efficacité de la prévention, en renforçant les moyens de la police, de la justice et des services de renseignement. Chacun en convient : la déchéance de nationalité n’a aucune efficacité en la matière.
La deuxième exigence, c’est de ne rien céder de nos principes. On peut avoir des désaccords entre nous, et ils existent ! Le débat peut avoir lieu, mais à un moment où tout est fait pour essayer d’ouvrir des brèches à partir de ces désaccords – par ailleurs légitimes en démocratie –, ce n’est pas le moment de remettre en cause ces principes, surtout quand cela n’a aucune efficacité.
La troisième exigence, c’est de rassembler les Français. On nous dit que la déchéance le permettra. En aucune façon ! Voyez déjà les débats entre nous ! Et, dans l’histoire, une telle mesure ne nous a jamais rassemblés !
Allons plus loin et reprenons l’alternative que M. Malhuret vient d’évoquer : soit on crée des apatrides, soit on aboutit à une différenciation.
J’ai toujours été contre l’apatridie, notamment pour des raisons liées à l’histoire. La France, pays des droits de l’homme, doit tout faire pour la combattre.
Si on aboutit à une différenciation, on crée un mécanisme qui produit une inégalité de droits. C’est donc un autre principe de la République que l’on met en cause. Or il n’y a aucune nécessité de le faire. En outre, on affaiblit la cohésion nationale.
Voilà pourquoi je suis contre l’article 2 et que je voterai les amendements visant à le supprimer.
On nous dit que la déchéance de nationalité est un symbole. Or il n’y a jamais rien eu de bon en France quand on a mis en œuvre cette mesure. Il y avait une autre réponse, celle du général de Gaulle à la Libération : l’indignité nationale. C’est un tel dispositif qu’il aurait fallu envisager, sans modifier notre texte fondamental.
Mes chers collègues, notre jeunesse, nos concitoyens qui doutent d’eux-mêmes ou de la Nation doivent savoir que, la force de la Nation, ce n’est pas le repli identitaire, en éjectant les pires de nos concitoyens ; c’est l’intégration fondée sur des valeurs, sur un même projet, sur une destinée commune. Voilà le débat qu’il nous faudrait avoir !