J’interviens non seulement en tant que sénatrice socialiste, loyale vis-à-vis du Gouvernement, mais aussi en tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, dont 40 % au moins possèdent une seconde nationalité.
Je reconnais volontiers que, lorsque le Président de la République a annoncé la révision constitutionnelle, il ait pu sembler cohérent de signifier aux terroristes qu’ils se mettaient hors de notre communauté nationale. Une fois l’émotion passée, il apparaît assurément que la déchéance de la nationalité est tout simplement une fausse bonne idée.
Fausse bonne idée, parce que nous avons tous conscience que cette mesure est inefficace : bien entendu, elle ne saurait être dissuasive. Comme l’a rappelé Mme Taubira, les terroristes « ne meurent ni Français ni binationaux, ils meurent en morceaux » ! En l’occurrence, seul un binational franco-belge, terroriste survivant de 2015, aurait pu faire l’objet d’une déchéance de nationalité.
Fausse bonne idée aussi, parce que, si cette mesure ne peut être tout au plus qu’un symbole, c’est un symbole qui manque sa cible. En effet, comment notre Constitution peut-elle ainsi rompre la cohésion sociale en créant plusieurs catégories de Français ?
Quoi qu’on en dise, et malgré la nouvelle rédaction de l’article 2 – qui ne résout rien –, pour les Français qui ont cette chance de détenir une double culture, pour ces Français qui sont aussi une chance pour notre pays, son ouverture au monde et son rayonnement, la binationalité est désormais vécue comme un fardeau. Ne plus pouvoir se définir « comme des Français à part entière », tel que les socialistes représentant les Français établis hors de France l’ont toujours prôné, est ressenti comme une insupportable stigmatisation par ces concitoyens que je représente.
Fausse bonne idée, enfin, parce que, après les attentats, nous avions résolu de montrer au monde entier que nous continuerions à vivre librement, tous ensemble, sans distinction d’origine ou de religion, conformément à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. En choisissant de modifier notre loi fondamentale pour y créer plusieurs catégories de Français, nous renions tout simplement cet engagement, et je ne puis m’y résoudre.