L’idée de déchéance contient une forme d’« autoéxoneration ». On entend deux discours, celui qui affirme que ces terroristes ne sont pas de vrais Français et celui qui soutient qu’ils ne sont pas de vrais musulmans. D’un côté comme de l’autre, il y a à la fois du vrai et du déni. Or, pour combattre le terrorisme, nous avons besoin de percer le fonctionnement du terrorisme djihadiste. En brandissant la déchéance, nous enclenchons un engrenage de solidarités absurdes.
La déchéance est la plus mauvaise des réponses symboliques, car elle dessine des frontières juridiques au cordeau, en assignant en fonction de l’identité le camp des bons et celui des suspects. Ces suspects, par leur patronyme, leur aspect physique, leur foi réelle ou supposée, se retrouvent dans une injonction paradoxale : lorsqu’ils se taisent, ils sont forcément dans la complicité ; quand ils s’expriment, ils signent leur duplicité.
Pour ma part, je dénonce depuis des années la « wahhabisation » de l’islam mondial. Plus l’islam traditionnel, culturel, spirituel est mis en cause – la déchéance de nationalité a été vécue comme une mise en cause de cette nature pour les Français de confession musulmane –, plus les arguments des promoteurs du fondamentalisme prospèrent.
Je remercie Jean-Pierre Sueur de s’être élevé ici contre les propos de Jean Louis Masson, grand professionnel de l’amalgame, pour qui les binationaux seraient une cinquième colonne.