Intervention de Alain Néri

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 2

Photo de Alain NériAlain Néri :

Monsieur le garde des sceaux, face aux attaques terroristes que notre pays a connues et peut encore connaître, pour dissuader ces terroristes fanatiques, vous les menacez de la déchéance de nationalité, laquelle, j’en conviens, est une sanction forte pour des citoyens raisonnables et respectueux des règles de la République. Mais qui peut penser qu’une telle menace peut être dissuasive pour des individus fanatiques et déshumanisés au point de commettre des attentats aussi lâches qu’odieux et des atrocités aussi barbares qu’inhumaines ? Votre proposition s’avère donc inefficace et, par là même, inutile. C’est pourquoi je ne la voterai pas.

Par ailleurs, la déchéance de nationalité est en contradiction flagrante avec les fondements mêmes de la République et son texte fondateur, la Constitution.

D’abord, parce que la France est le pays des droits de l’homme. Nous avons bien vu après les attentats de janvier et de novembre le soutien venu du monde entier dont ont bénéficié la République française et les Français, parce que nous sommes la République, parce que nous sommes porteurs des valeurs de liberté.

Ensuite, parce que la France est une République une et indivisible. Ses citoyens naissent libres et égaux, au moins en droits. C’est pourquoi toute discrimination est inacceptable et toute stigmatisation insupportable.

Si l’inscription de la déchéance de nationalité s’adresse aux seuls binationaux, alors elle est discrimination et stigmatisation ; si elle s’adresse à tous les citoyens, alors elle va créer des apatrides, en contradiction avec les accords internationaux. Dans les deux cas, elle est en opposition formelle avec les fondements mêmes de la République. Oui, monsieur le garde des sceaux, quelle que soit la façon dont on est ou dont on devient français, quand on est français, on n’est pas français à moitié, on n’est pas plus ou moins français : on est français avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Aussi, pour répondre à ce problème et rester fidèle aux valeurs fondamentales de la République qui font la grandeur de la France partout dans le monde, je vous propose de supprimer la déchéance de nationalité ; dans un souci de consensus, je vous proposerai un amendement pour la remplacer par la déchéance de citoyenneté.

Je voterai la suppression de l’article 2 pour rester fidèle à mes convictions humanistes, fidèle aux valeurs de la République ; mais, si cette déchéance de nationalité était finalement inscrite dans notre Constitution, sachez qu’elle pourrait se révéler encore plus dangereuse entre les mains de gouvernants plutôt moins que plus respectueux des droits de l’homme et de la République – personne ne maîtrise l’avenir. Je ne veux pas être complice de ce qui pourrait être alors un crime contre les citoyens de France !

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