Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 2

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce :

La déchéance de nationalité, on l’a bien compris, pose des problèmes de principe. Comme l’a dit le Conseil d’État, en indiquant qu’il fallait en passer par une modification de la Constitution si l’on voulait l’étendre, elle revient à retirer un élément constitutif du statut juridique de la personne. Elle conduit donc à une sorte de mise à mort civique de l’individu visé.

Conscient du problème, le Gouvernement a souhaité dans un premier temps limiter cette déchéance aux binationaux, ne voulant pas créer d’apatrides. Cependant, les binationaux étaient déjà concernés, en tout cas ceux dont la nationalité avait été accordée par naturalisation ou par un autre mécanisme. Il s’agit donc d’élargir la déchéance aux binationaux de naissance, ce qui change totalement la donne.

Pour ceux qui se sont vu attribuer la nationalité française, on peut considérer qu’un contrat a été passé entre eux et la France et que ce contrat a pu être rompu à un moment donné, justifiant ainsi la déchéance. En revanche, pour les binationaux de naissance, qui ont été élevés dans la culture française et qui n’ont obtenu une autre nationalité le plus souvent que par une loi étrangère qui s’est appliquée automatiquement à eux – c’est le cas pour les ressortissants franco-algériens et franco-marocains –, cela signifie que nous les soustrayons au terreau dans lequel ils ont grandi, au cadre dans lequel ils ont pu s’affirmer. Bref, nous les excluons de la communauté nationale à laquelle ils ont toujours appartenu non pas aux termes d’un contrat, mais du fait des circonstances de leur vie.

Le législateur est bien conscient de cette situation puisque la loi, plusieurs fois modifiée, relative à la déchéance de nationalité des binationaux par attribution de la nationalité indique que cette déchéance n’est possible que dans un délai compris entre dix et quinze ans après l’acquisition de la nationalité. Cela démontre bien que, passé un certain temps, l’enracinement dans la société française est tel qu’on ne peut pas imaginer priver quelqu’un de sa nationalité française.

C’est donc une mesure injuste que vous nous proposez. Alors pourquoi souhaitez-vous la mettre en œuvre, de surcroît, si l’on suit les propositions qui sont faites, en envisageant la possibilité de créer des apatrides ? J’ai le sentiment, comme l’a dit Bariza Khiari, que nous faisons face à une sorte de déni de réalité. Il s’agirait au fond de dire que ces terroristes sont exclus de la communauté nationale symboliquement, comme s’ils n’y avaient jamais appartenu. Mais ces terroristes sont souvent des Français, qu’ils soient binationaux ou non ; ils ont été élevés, ils ont grandi dans la société française, et c’est un problème que nous devons assumer et traiter. Nous ne le réglerons pas symboliquement en les excluant de la communauté nationale.

Qu’y gagnerait la collectivité à les exclure de la communauté nationale ? Rien, ni en cohésion ni en force ! Est-ce que nous fragiliserions le terroriste en le frappant de cette manière ? Aucunement, et chacun reconnaît que cette mesure n’est pas efficace. La seule chose que nous fragilisons, c’est la personne humaine qui reste derrière chaque individu, chaque terroriste. Et ce n’est pas acceptable !

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