Si je ne suis pas favorable à la déchéance de nationalité, c’est parce que les effets d’une telle mesure pour lutter contre le terrorisme restent à démontrer, comme d’autres l’ont dit avant moi. En effet, elle serait difficilement applicable et non dissuasive, car, si la mesure est punitive, elle n’est en aucun cas préventive : le fait de déchoir ou de menacer de déchoir une personne de sa nationalité française aura-t-il un impact sur ses intentions terroristes ou sur son caractère belliqueux ? Je n’en suis pas certain.
Par ailleurs, malgré les modifications rédactionnelles apportées par l’Assemblée nationale, cet article vise toujours, en pratique, les binationaux, qui vivent comme une stigmatisation cette idée qu’il pourrait y avoir dans notre Constitution deux catégories de Français.
Adopter cette mesure, c’est considérer qu’une personne issue de l’immigration ayant une double nationalité peut être traitée différemment devant la loi. Pis, le présupposé d’une telle disposition est que les djihadistes radicalisés en France sont forcément issus de l’immigration. Or, nous le savons, tel n’est pas le cas, puisque, à l’exception d’un Franco-Belge, aucune autre des personnes de nationalité française identifiées comme terroristes ne disposait d’une autre nationalité. C’est bien la raison pour laquelle cette mesure n’atteint pas l’objectif qu’elle vise.
En outre, en fonction de la deuxième nationalité de la personne, la déchéance n’aura aucun effet. Prenons le cas de ce terroriste franco-belge : dans les faits, le déchoir de la nationalité française ne l’aurait pas empêché de se rendre sur le territoire national, puisque l’espace Schengen reste une zone de libre circulation.
Enfin, d’un point de vue purement juridique, la déchéance de la nationalité française pour les terroristes est déjà possible. Dans le code civil, la déchéance de nationalité française d’un individu est rendue possible « s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ».
Aussi, pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’article 2 de ce texte.