Je ne voterai pas cet article. Premièrement, parce que le code civil nous donne déjà les moyens d’atteindre l’objectif du projet de loi constitutionnelle. Deuxièmement, parce que personne aujourd’hui ne peut croire que la menace de se voir déchu de sa nationalité française est un message envoyé aux terroristes potentiels, qui, au contraire, seront ravis de ce titre de gloire qu’on leur décerne.
Tout le monde le sait, le message est adressé non pas aux terroristes, mais à l’opinion publique, autant dire aux futurs électeurs de 2017. Faute d’autre bilan, on leur offrira donc une transformation de la Constitution en code pénal. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, même si, de modifications en tortures de la langue française, bien informé celui qui reconnaîtra la peine de déchéance de nationalité pour tous les Français dans la rédaction de l’article 2 issue de l’Assemblée nationale, d’autant que, dans le même temps, le Gouvernement fait savoir qu’il fera tout pour rendre opposables les engagements internationaux interdisant la création d’apatrides.
Que cette révision constitutionnelle soit purement et simplement une opération de communication serait insignifiant si elle ne risquait d’avoir des conséquences fâcheuses. Jusqu’à présent, les terroristes n’ont pas réussi à allumer la guerre civile en France par un clivage idéologique du pays sur des bases religieuses ou d’origine, ce dont on peut se féliciter et ce qui montre la solidité de notre République. Maintenant, c’est fait : la nationalité n’est plus une et indivisible, mais diverse.
Toutes les arguties juridiques, toutes les rédactions ampoulées, pas plus que l’argument selon lequel seul un nombre limité d’authentiques criminels est concerné n’y feront rien : c’est ainsi que le message sera compris ! Il y a ceux qui sont menacés d’être déchus de la nationalité française, qui sont fâcheusement souvent musulmans ou présumés tels, et les autres.
Outre qu’elle se heurte à l’impossibilité de créer des apatrides, de sinistre mémoire, la solution adoptée par l’Assemblée nationale, qui étend la mesure à tous les Français pour essayer de sortir du guêpier, ne change rien à l’affaire. Dans les esprits, on aura créé deux catégories de Français, et je ne pense pas que le moment soit particulièrement bien choisi pour le faire, si tant est qu’il existe un bon moment.
Cette proposition est symbolique, nous dit-on, et il n’y a rien de scandaleux à retirer à quelqu’un une nationalité qu’il refuse. Certes, sauf que la moindre des choses, pour une grande nation, c’est de ne pas se laver les mains de ses criminels, sauf que nous risquons de moins apprécier si d’autres pays se mettent à nous renvoyer les binationaux qu’ils auront déchu de leur nationalité.