Dans la droite ligne de beaucoup d’interventions que nous venons d’entendre, nous proposons sans hésitation de supprimer cet article, qui vise à inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité. C’est en effet de cela dont nous parlons et non de l’existence de la déchéance.
La diversité politique de nos collègues qui viennent de s’exprimer en ce sens devrait logiquement conduire à l’adoption de notre amendement. En effet, ce n’est pas un sujet sur lequel on peut se permettre de passer en force quand une telle diversité politique s’exprime pour s’opposer à une telle décision.
Accepter que la question de la nationalité soit introduite dans la Constitution par le biais de la déchéance nous paraît fondamentalement contraire non seulement aux idéaux de gauche, mais aussi, tout simplement, aux idéaux républicains. Inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution, c’est introduire un facteur de division dans un texte censé rassembler.
La Constitution est fondamentalement – depuis deux siècles – un texte de droit positif. On définit dans la Constitution le droit à la liberté. C’est dans le code pénal, et non dans la Constitution, que l’on définit les conditions de privation de cette liberté. La Constitution est faite pour énoncer ce qu’est la nationalité française et non pour énoncer les conditions dans lesquelles on peut la perdre ! Ce serait la première fois depuis la IèreRépublique que nous introduirions un élément de restriction des droits dans la Constitution.
Insérer dans le cadre constitutionnel un tel concept suscite un tout autre débat que la présence ou non de la déchéance de nationalité dans le code civil. C’est confondre la Constitution et la loi. Que cela ait été volontaire ou non de la part des initiateurs de ce texte, cela tend à conférer – contrairement à ce que je viens d’entendre – un caractère collectif à la déchéance, qui pèserait en quelque sorte comme une menace sur l’ensemble de nos concitoyens, alors que cette déchéance doit rester une mesure individuelle qui intervient dans le cadre d’une procédure de justice à l’issue de laquelle elle doit être prononcée et mise en œuvre par un juge.
Lorsqu’il a été décidé d’utiliser la Constitution comme vecteur de la déchéance de nationalité, le Président de la République a commis une lourde erreur. Je veux ajouter que nous proposons évidemment la suppression de la constitutionnalisation, que la déchéance concerne les binationaux ou tous. C’est en effet le même sujet pour tous les Français. Faire une différence reviendrait à faire le lit d’idéologies et de conceptions de la nationalité désastreuses portées par l’extrême droite ou des forces de droite qui se rallient à de telles thèses.
Nous entendons d’excellents arguments sur les travées de la droite contre l’apatridie, des arguments que nous partageons. Le refus de l’apatridie ne peut toutefois pas être un alibi pour justifier la déchéance de nationalité des binationaux, laquelle porterait atteinte de manière grave aux droits fondamentaux de la personne et de la nationalité.