Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 2

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Nous avons beaucoup débattu de la nécessité, de l’utilité, de l’opportunité de modifier notre Constitution sur deux aspects : l’état d’urgence et la déchéance de nationalité.

Concernant l’état d’urgence, même si son introduction dans la Constitution n’est peut-être pas une nécessité impérieuse, nous avons bien vu, lors des débats, qu’elle sera utile pour deux raisons principales : elle donnera un fondement incontestable aux mesures de police administrative et elle encadrera la déclaration et le déroulement de l’état d’urgence, lequel ne pourra plus être modifié par une loi ordinaire.

Je n’ai donc eu aucun état d’âme à voter l’article 1er. En revanche, je me suis longuement interrogé sur l’article 2. Pour être clair, je ne conteste pas l’idée d’une sanction forte et exemplaire à l’égard des terroristes. Mon interrogation porte sur la nécessité d’inscrire une telle disposition dans la Constitution.

Je suis arrivé à la conclusion que, à partir du moment où la déchéance de nationalité n’est plus une mesure administrative, mais, de fait, une peine complémentaire prononcée par le juge – c’est ce qu’a validé le Gouvernement avec la rédaction de l’Assemblée nationale –, l’article 34 de la Constitution suffit largement. Cet article précise en effet que « la loi fixe les règles concernant […] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ».

Alors, pourquoi faire bégayer l’article 34 ? Pourquoi inscrire cette notion dans la Constitution si ce n’est pas nécessaire ? J’avoue que, s’il y avait eu un large consensus, j’aurais peut-être pu oublier l’argument juridique au bénéfice de la recherche du rassemblement et de l’unité nationale. Mais, on l’a vu, tel n’est pas le cas.

Loin de rassembler, l’article 2 divise, à gauche comme à droite, et il est perçu comme une stigmatisation par nos concitoyens binationaux. De plus, nos débats depuis deux jours ont bien montré qu’il n’y aurait pas de compromis envisageable entre le texte de l’Assemblée nationale et la proposition de la majorité sénatoriale.

Aussi en ai-je conclu que, si nous souhaitons aboutir sur l’article 1er, il faudra en passer par l’abandon de l’article 2, d’où l’amendement de suppression que je propose, en insistant sur la non-nécessité d’inscrire une telle disposition dans la Constitution. Si le Gouvernement estime par la suite que cette peine complémentaire de déchéance ou toute autre peine – déchéance de citoyenneté, indignité nationale – est utile, une loi ordinaire pourra largement suffire pour modifier l’article 25 du code civil. L’avantage sera évident : on ne stigmatisera pas les binationaux et on n’inscrira pas dans « le marbre » de la Constitution une distinction entre Français qui ont une nationalité et Français qui sont binationaux.

Je le répète, si nous voulons aboutir sur l’article 1er, il me semble raisonnable de nous délester d’un article 2 qui n’a rien à faire dans la Constitution et qui nous divise. Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose de voter sa suppression.

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