Si l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution ne semblait pas absolument indispensable, celui-ci fonctionne en effet depuis quatre mois sans difficulté d’ordre constitutionnel, l’incorporation de la déchéance de nationalité dans la Constitution est une disposition à la fois inutile et dangereuse.
Inutile, parce que la possibilité de déchéance existe déjà dans notre code civil pour les personnes ayant acquis la nationalité par naturalisation ou pour ceux qui se comportent comme des nationaux d’un pays étranger.
Face à l’objectif de lutte contre le terrorisme, l’extension de la déchéance de nationalité n’aura aucune efficacité préventive ou dissuasive. Elle pourrait même avoir un effet pervers vis-à-vis de nombreux jeunes à la frontière de la radicalisation en suscitant non pas de l’indifférence, mais une certaine fierté dans leur démarche de défiance à l’égard de notre société et de nos institutions. Gardons-nous de prendre le risque de pousser les jeunes dans les bras des recruteurs djihadistes !
Enfin, sur le plan opérationnel, si les autres pays font la même chose, va-t-on se repasser les djihadistes d’un pays à l’autre ? Cela n’a aucun sens !
Dangereuse, parce que cette disposition émet des signaux négatifs de suspicion, de division et de repli.
Suspicion à l’égard de binationaux, qui, seuls, pourraient en fait être frappés de déchéance puisque la création d’apatrides n’est pas retenue. Ce texte consacre la séparation des Français en deux catégories : les détenteurs de plusieurs nationalités et les autres. Cette distinction irait à l’encontre même de l’esprit de la Constitution, qui prévoit une République indivisible assurant l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Division entre les Français, auxquels on voudrait faire croire que cette mesure peut contribuer à la protection de la Nation, alors qu’elle ne pourra générer que des désillusions dans ses effets comme dans son application.
Repli sur une vision théorique de la lutte contre le terrorisme, alors que nous avons besoin de renforcer nos moyens de renseignement et d’intervention opérationnelle, ainsi que la panoplie de nos sanctions effectives, jusqu’à la perpétuité incompressible. Rappelons-nous tout de même que la vocation de la peine est de punir et non pas de faire plaisir à celui qui l’inflige.
Ce débat a assez duré. Cessons d’exorciser notre mauvaise conscience en essayant de contenter ou de tromper l’opinion publique sur les réponses à apporter au terrorisme ! Les Français attendent des mesures concrètes et efficaces, de l’action non seulement sur le front de la sécurité, mais aussi sur celui de l’emploi et des réformes.
Une loi constitutionnelle inutile et dangereuse ne peut qu’abîmer la République et affaiblir la cohésion nationale. L’urgence est donc de mettre fin à ce débat et à ce projet de révision constitutionnelle. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’article 2.