Tout d’abord, je tiens à rappeler que, si nous nous trouvons réunis en pouvoir constituant, ce n’est pas sur notre propre initiative ; c’est parce que le Président de la République l’a voulu. La question de l’opportunité du débat renvoie donc à la responsabilité du Président de la République lui-même.
Par ailleurs, la question de la déchéance de nationalité – cela a été souvent souligné depuis le début de nos débats – n’est pas nouvelle. Depuis au moins 1803, on prononce des déchéances de nationalité et le gouvernement actuel, à juste titre d'ailleurs, l’a fait.
En la matière, disons-le d’emblée, il n’y a pas de bonne solution. Que personne dans cet hémicycle n’imagine pouvoir trouver la solution exceptionnelle ; elle n’existe pas. Il nous faut choisir la solution la moins mauvaise.
Bien que nous voudrions que ce soit le cas, tous les Français ne sont pas égaux, et nous n’y pouvons rien. Il y a, dans l’état même des personnes, des différences sensibles. Certains sont français de naissance, d’autres par acquisition de la nationalité. Certains ne sont que français, d’autres ont une nationalité supplémentaire. Dans ces circonstances, qui peuvent introduire de la confusion, laquelle existe au regard des dispositions actuelles du code civil, il est nécessaire de clarifier les choses. C’est pourquoi nous pensons que cette réforme constitutionnelle est indispensable de ce point de vue.
Premièrement, il faut rappeler que la nationalité relève de cette part de souveraineté nationale qui est exercée par le pouvoir exécutif.
Deuxièmement, la déchéance ne peut concerner qu’une personne ayant été définitivement condamnée pour un crime. Nous avons eu l’occasion, au Sénat, de préciser que les actes les plus graves en matière de terrorisme doivent être criminalisés.
Troisièmement, enfin, la déchéance ne peut viser qu’une personne ayant une autre nationalité, car nous, législateur, ne pouvons pas prendre la responsabilité de créer des apatrides. Ce serait une aberration au regard de la tradition républicaine réaffirmée ; ce serait nous exposer à des problèmes évidents au regard du contrôle de conventionnalité ; et, tout simplement, ce serait inefficace, car créer des apatrides que l’on ne pourrait expulser et qui, de surcroît, bénéficieraient d’un régime privilégié serait une absurdité.
La rédaction retenue par les députés n’est pas solide. On sait bien qu’elle est la résultante d’un compromis très difficilement acquis au sein du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. C’est pourquoi, bien qu’ayant écouté avec beaucoup d’attention ceux qui, au sein même de notre propre groupe, avaient beaucoup de réserves quant à la modification de la Constitution sur ce point, certains de mes collègues et moi-même avons déposé le présent amendement. Toutefois, il est si proche de celui de la commission des lois que nous le retirons.