Intervention de Manuel Valls

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Rappel au règlement, amendement 14

Manuel Valls, Premier ministre :

Nous voilà arrivés à un moment important de notre discussion et je vais tâcher, mesdames, messieurs les sénateurs, sinon de vous convaincre, au moins de vous présenter les arguments qui amènent le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 14.

Le débat est nourri, riche, et les interventions sont d’une très grande qualité. Nous l’avons, les uns et les autres, compris – même si ce n’est pas partagé sur toutes les travées, ce que je respecte parfaitement – et chacun l’a dit avec ses mots : ces attentats terribles ont sans doute amené nos compatriotes à se demander ce qu’être français veut dire et à réfléchir à cette belle idée si française, la Nation.

Au-delà bien sûr des symboles – j’en parlais hier au cours de la discussion générale, de même que certains d’entre vous, notamment M. Retailleau –, il y a également les actes, ceux que le Président de la République a évoqués le 16 novembre dernier. Cela inclut l’action contre le terrorisme – les moyens de la police, de la gendarmerie, des services de renseignement et de la justice – et la mobilisation de la société contre les phénomènes de radicalisation.

Je l’indiquais hier à la fin de la discussion générale, cette question et les moyens considérables afférents nous engagent pour plusieurs années. Quel que soit le choix des Français en 2017, il y aura une continuité en la matière, que ce soit pour les moyens affectés à nos forces armées, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, ou pour ceux qui sont octroyés à nos forces de sécurité et à la justice – le garde des sceaux y veille.

La mobilisation de la société est aussi en jeu, car plusieurs milliers de nos jeunes sont gagnés par la radicalisation. Ainsi – un exemple parmi d’autres –, deux jeunes filles âgées de quinze ans interpellées il y a quelques jours s’imaginaient – je ne sais pas si elles s’apprêtaient à le faire, l’enquête le déterminera – provoquer des attentats comme ceux du 13 novembre. Des arrestations et des interpellations de ce type ont lieu toutes les semaines, le ministre de l’intérieur le rappelle régulièrement.

Cela montre que nous sommes confrontés à un phénomène nécessitant, au-delà des mots et des postures, un engagement de toute la communauté nationale et donc de ceux qui la représentent dans cette enceinte. Je suis pour ma part convaincu que, au-delà des différences des histoires individuelles, nous partageons une même idée de la Nation – nous l’avons tous souligné – et, face à ce défi terroriste sans précédent, le Président de la République a considéré qu’une modification de la Constitution était nécessaire.

On peut certes se renvoyer les uns aux autres, monsieur Malhuret, des citations, d’ailleurs parfois tronquées. Toutefois, à cet égard, sans vouloir ouvrir aucune polémique, je souligne que le débat sur la déchéance de nationalité concernant des actes terroristes, d’une part, et celui qui porte sur la déchéance de nationalité à propos d’autres actes criminels sans doute effrayants, comme le meurtre d’un policier ou d’un gendarme, mais pour lesquels l’intention n’est pas la même, d’autre part, sont très différents.

Ainsi, je le répète, au terrorisme que nous connaissons actuellement et qui veut nous détruire, le Président de la République a voulu apporter la présente réponse. Celle-ci reprend d’ailleurs une ancienne proposition de l’opposition, que nous avions nous-mêmes rejetée ; mais il y a eu, M. Guillaume le rappelait, ces actes terroristes, un choc pour la société.

Aussi, oui, nous évoluons, nous changeons. Ne soyez pas si caricatural, monsieur le sénateur, sur ces sujets. On peut évoluer, le pays a subi un choc !

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