Selon nous, la déchéance prononcée à titre de peine complémentaire est sans doute la bonne manière de répondre aux terroristes mis au ban de la République, qui pourra peut-être tendre la main de nouveau, après un délai de dix ans. Il s’agit donc non pas d’une mort civile, comme vous le craignez, mais du seul compromis possible, bâti avec vos collègues députés.
En second lieu, vous ne souhaitez sanctionner que les crimes attentatoires à la vie de la Nation, tandis que le Gouvernement et l’Assemblée nationale entendent aussi sanctionner les délits les plus graves. C’est un débat que l’on peut avoir et l’on pourrait sans doute élaborer un compromis à ce sujet : cette mention figurait dans le projet initial, le Conseil d’État nous a proposé de la retirer, l’opposition à l’Assemblée nationale a souhaité la réintroduire et nous avons avancé ensemble en ce sens.
Je veux néanmoins rappeler que les délits visés – l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste – dissimulent parfois les terroristes les plus dangereux, ceux-là mêmes qui organisent les scénarios barbares que vous évoquiez. Ainsi, c’est justement parce que nous prévoyons l’intervention du juge judiciaire que nous pouvons inclure ces délits dans le dispositif, dans le strict respect des exigences constitutionnelles ; le juge pénal est en effet ici le garant de l’impartialité et de l’individualisation nécessaires d’une sanction juste, équitable et efficace.
J’en viens maintenant à la déchéance elle-même. Vous ne voulez pas que l’on puisse déchoir un individu des seuls droits attachés à la nationalité. Vous invoquez pourtant à cette fin l’exigence de cohérence et de proportionnalité de la sanction. Mais la privation des droits attachés à la nationalité doit pouvoir être envisagée en même temps que la déchéance de nationalité et par le même juge. Ce dernier disposera ainsi de toute la palette des sanctions possibles. Telle était la position forte construite à l’Assemblée nationale.
Enfin, vous préférez – là est le cœur de la discussion – une déchéance de nationalité prononcée seulement contre certains terroristes, les binationaux, alors que le Gouvernement et les députés visent tous les terroristes sans distinction. Je ne peux pas vous suivre dans ce sens, messieurs Bas et Retailleau. Vous devrez expliquer à nos concitoyens cette exigence à géométrie variable, si j’ose dire, selon que l’on est ou non mononational, bien que nous parlions de terroristes ayant commis des actes barbares.
Le Gouvernement et une majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale ont proposé une solution qui limite considérablement le risque de créer des apatrides, lesquels – cela a été rappelé hier – bénéficient d'ailleurs, en France, d’un statut protecteur des droits élémentaires.
Le débat est là : soit la déchéance vise les seuls binationaux, au nom d’un principe que je peux comprendre et que je ne remets pas en question – la volonté de ne pas créer des apatrides –, soit on considère, au nom même de l’égalité, que tout terroriste français, qu’il soit binational ou pas, peut être déchu de la nationalité, avec la possibilité de créer des apatrides, mais sur la base des conventions internationales, qui réduisent les cas d’apatridie.
Sur les quatre sujets qui ont enregistré des avancées à l’Assemblée nationale – la déchéance de nationalité, la déchéance des seuls droits attachés à la nationalité, le rôle de l’autorité judiciaire et de l’autorité administrative et les délits –, nous n’avons jamais pensé, le garde des sceaux, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ou moi-même, que la première lecture du présent texte donnerait lieu à un vote conforme du Sénat. Jamais ! En effet, nous savions, d’une part, que le Sénat souhaitait avancer sur l’article 1er