D'ailleurs, nous sommes tout aussi opposés à la rédaction que vous nous proposez, monsieur le rapporteur.
Au fond, ce qui me paraît intéressant, c’est d’essayer de comprendre où nous en sommes, à partir de ce que M. le Premier ministre a déclaré tout à l'heure.
Le constat que nous sommes obligés de faire – j’invite le Gouvernement et le Président de la République à regarder les choses en face –, c’est qu’il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour retenir le critère de double nationalité et qu’il n'y en a pas, au Sénat, pour le repousser. Nous sommes donc dans une situation de blocage.
La logique voudrait que nous passions à autre chose, considérant qu’il y a, dans le pays, d’autres enjeux à traiter. Cependant, il est intéressant de se demander pourquoi l’on aboutit à ce blocage. En réalité, même si personne ne l’a évoqué, la question est tout simplement mal posée.
On ne définit pas la Nation en regardant en arrière. Le débat sur l’identité nationale l’avait montré voilà quelques années : ses impasses et ses ambiguïtés évidentes ont mis mal à l’aise toute la nation française.
On ne définit pas non plus la Nation « contre », et encore moins « contre les terroristes ». Comment définir la Nation en mettant sur le même plan quelques criminels animés par une foi quelconque et ce que représentent notre État et notre République ? Comment penser que l’on renforcera la communauté nationale simplement en en soustrayant les éléments certainement les plus redoutables, mais aussi les plus pervers, et ceux que nous ne pouvons pas accepter ? La France ne dépend pas des terroristes pour exister comme une force, d'autant que ces individus se sont retranchés de la communauté nationale par leur acte même.
Le problème, c’est que le débat sur la déchéance a été organisé de cette manière.
Nous devons définir la Nation en regardant vers l’avant, en lui construisant un avenir. Si nous voulions mettre en place une mesure symbolique, il ne fallait pas exclure les terroristes de la communauté nationale ; il fallait intégrer dans la communauté nationale, à l’instar de ce qu’ont fait nos ancêtres au moment de la Révolution française, avec la formule des citoyens d’honneur, ceux qui se battent contre Daech dans des conditions épouvantables.
Par exemple, pourquoi ne pas donner la citoyenneté d’honneur à ces femmes kurdes qui se battent contre Daech en Syrie et en Irak ? Cela aurait un sens ; ce serait un symbole ; cela donnerait l’image d’une France qui va de l’avant, qui regarde loin devant elle et qui ne cherche pas uniquement à régler des comptes avec ceux qu’elle doit seulement sanctionner, punir, et non exclure. En effet, la République n’exclut pas : elle se définit d’une autre manière.