Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Rappel au règlement

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Je voudrais faire trois observations.

Premièrement, c’est bien avant tout la lutte contre le terrorisme qui explique notre présence aujourd’hui dans cet hémicycle : sur ce point, nous sommes d’accord avec M. le Premier ministre.

Ce terrorisme sera long à vaincre. Nous pourrons, le plus vite possible, je l’espère, éradiquer Daech ; mais une fois neutralisés les hommes, il reste – et cela est beaucoup plus difficile – à réduire à néant l’idéologie, qui leur survit.

Le point de départ de ce texte, c’est la déclaration du Président de la République devant le Congrès, et sa proposition de modifier la Constitution. Nous n’avions rien demandé, comme l’a rappelé tout à l’heure François Zocchetto !

Mais, deuxièmement, nous avons jugé que cette idée de la déchéance de nationalité pouvait être intéressante. Elle nous renvoie en effet à ce que nous sommes. Si la lutte s’annonce longue, notre capacité à mener le combat dépend notamment de notre capacité à réinvestir les raisons qui font que nous vivons ensemble, que nous formons un peuple.

En démocratie, on lutte avec des armes, avec des arsenaux juridiques ; mais on lutte aussi et d’abord avec des volontés, lesquelles ne sont pas seulement individuelles : la France, vous le savez, n’est pas une juxtaposition d’individus. Et la France n’est pas non plus un archipel de communautés, ou un archipel de tribus.

Ce débat est donc important, dans un contexte où, trop souvent, encourageant la dépolitisation de la vie des peuples et sa réduction aux conditions de leur existence matérielle, on a négligé de leur parler de ce qu’ils sont.

Or nous sommes une nation civique. La France a inventé cette forme particulière d’être ensemble fondée sur le consentement. C’est fondamental ! Et le débat sur la déchéance a été notamment l’occasion, sur ce terrain, d’une reprise de conscience.

Troisièmement, vous avez tenté hier, monsieur le Premier ministre, d’enfermer le Sénat, en particulier sa majorité, dans la posture d’une opposition pavlovienne. Rien de plus faux !

Lors de l’examen de la réforme pénale, vous avez trouvé au Sénat, et y trouverez encore, une assemblée attentive, une assemblée bienveillante, dès lors qu’il s’agit de la protection des Français.

Mieux même, nombre d’entre nous n’étaient pas du tout convaincus de la nécessité de la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Nous l’avons pourtant votée, après en avoir amendé les termes, en adoptant l’article 1er.

Vous ne pouvez donc pas soutenir, monsieur le Premier ministre, que nous ne voulons pas vous tendre la main. Vous l’avez dit vous-même hier : le Président de la République, en reprenant une proposition de l’opposition – la déchéance –, faisait un geste en sa direction.

Nous sommes prêts à discuter de nombreux sujets, par exemple des modalités de la procédure retenue pour prononcer la déchéance, ou de son extension aux délits. Mais, comme le Président de la République l’a déclaré lors de son discours devant le Congrès, et comme nous l’avons dit aussitôt, il existe une ligne rouge, sur laquelle nous n’avons jamais transigé : c’est l’apatridie !

Vous le savez parfaitement, et je souhaitais le rappeler solennellement : l’apatridie, que l’ONU, d’ailleurs, s’emploie à faire reculer, est contraire à notre tradition ; elle nous rappelle de bien mauvais souvenirs. En ouvrant la porte à la possibilité de l’apatridie, la France adresserait au monde un signal terrible ! Voilà le cadre de nos réflexions.

Mais vous ne pouvez pas, monsieur le Premier ministre, rendre comptable la majorité sénatoriale, qui est très soudée, des divisions de votre propre majorité à l’Assemblée nationale qui ont conduit à dénaturer l’engagement solennel du Président de la République.

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