Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 22 mars 2016 à 15h15
Protection de la nation — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la barbarie de Daech a, une nouvelle fois, frappé ce matin en Europe, à Bruxelles. Nous nous inclinons devant les victimes de ces attentats et exprimons toute notre solidarité au peuple belge.

Ce que nous redoutions est arrivé : des attentats suicides, des attentats aveugles ont tué ou blessé des innocents par dizaines, au nom d’une idéologie fanatique.

Le drame de Bruxelles illustre la violence terrible qui secoue des régions du monde et pénètre dans notre société. Oui, notre pays doit être mobilisé pour repousser les agressions terroristes de Daech et de ses alliés.

Or, le projet de loi constitutionnelle que nous nous apprêtons à adopter ou à repousser ne répond pas au légitime besoin de sécurité, à la peur de notre population.

Le vote de cet après-midi ne porte pas sur le point de savoir s’il faut ou non combattre Daech. Notre détermination à cet égard est totale et nous avons, en particulier, toujours combattu les choix diplomatiques et guerriers qui ont créé le chaos.

Le vote porte sur une révision de la Constitution qui, selon nous et beaucoup d’autres, porte atteinte à des principes démocratiques, à des principes républicains.

Notre opposition à cette révision constitutionnelle porte sur le fond comme sur la forme.

Sur la forme, les deux dispositions essentielles de ce texte, la constitutionnalisation de l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité, sont parfaitement inutiles et inefficaces.

Comme les partisans du projet de loi et M. le Premier ministre lui-même le reconnaissent, ces dispositions relèvent du symbole.

L’état d’urgence dispose déjà d’une valeur pleinement constitutionnelle. Sa constitutionnalisation n’apportera rien, sauf – et là réside l’une de nos critiques majeures – qu’elle le placera au sommet de la hiérarchie des normes, donc hors de portée d’éventuels recours. Ce que M. le Premier ministre appelle une sécurisation n’est rien d’autre, en réalité, qu’une sacralisation.

Or, la lecture de l’article 1er, même corrigé et rendu un peu plus présentable, nous inquiète fortement.

Cet article assure la consécration de l’ordre public dans la Constitution, mais en oubliant, au passage, son corollaire pourtant exigé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : le respect des libertés.

Certes, le Sénat a introduit le rappel de la compétence du juge judiciaire, mais nous aurions préféré qu’il soit signifié clairement qu’il n’y a pas d’ordre public sans respect des libertés.

Vous avez conservé, monsieur le rapporteur, la référence si floue, si temporellement incertaine, au « péril imminent » comme facteur déclenchant de l’état d’urgence.

La correction apportée n’écartera pas la possibilité d’un état d’urgence permanent, ad vitam aeternam. Une fois un attentat perpétré, une menace terroriste avérée, le péril imminent sera permanent.

L’empilement de vingt lois « antiterroristes » depuis 1986 n’a finalement pas permis et ne permet pas de remédier au phénomène des violences liées à l’islam radical.

Que, dans les jours qui ont suivi la tragédie survenue à Paris, le pouvoir ait affiché son autorité face à la menace, nous le comprenons. Mais que, quatre mois après, son discours n’évolue pas, alors que le Premier ministre évoquait ici même, le 17 mars dernier, des milliers de jeunes tentés par la radicalisation, cela nous inquiète fortement.

Ramener la paix dans une région dévastée par près de trente ans de conflits est la priorité absolue. Il faut éteindre ce foyer de haine.

L’élimination de Daech et des autres djihadistes exige une action résolue. La France doit user de toute son influence pour faire cesser le jeu dangereux de certains États avec les groupes armés islamistes. C’est le cas de l’Arabie saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis, mais aussi de la Turquie de l’autoritaire Erdogan, qui consacre plus de temps et d’énergie à combattre les démocrates kurdes qu’à faire cesser les livraisons d’armes et le trafic de pétrole en faveur d’Al-Nosra ou d’Al-Qaïda.

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