Intervention de Alain Joly

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 18 février 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture des outre-mer — Audition du ministère de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt

Alain Joly, délégué ministériel aux outre-mer :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous indique dès maintenant que vous recevrez par écrit les réponses détaillées au questionnaire qui nous a été adressé.

S'agissant des grandes caractéristiques des économies agricoles des outre-mer, je peux vous apporter les éléments suivants.

En 2010, les 43 000 exploitations recensées des cinq départements d'outre-mer occupaient 131 600 ha, soit une superficie moyenne de 3,3 ha par exploitation. Ce résultat cache de grandes disparités entre les grandes plantations de canne à sucre à La Réunion et de banane aux Antilles et les petites exploitations de quelques ares à vocation vivrière que l'on trouve fréquemment à Mayotte et en Guyane.

Une partie seulement des agriculteurs exerce son activité à titre professionnel principal et bénéficie des aides publiques. Depuis 1988, nos analyses révèlent une réduction de 53 % du nombre des exploitations et une surface agricole utile (SAU) en diminution de 20 %, ce qui traduit une concentration des exploitations. Il nous faut mettre en évidence le cas particulier de la Guyane où l'agriculture est en développement avec une augmentation de 23 % de la SAU et de 33 % du nombre des exploitations, ce qui reste cependant modeste au vu des potentialités et de la croissance démographique du territoire, la première de France.

En 2010, pour les cinq départements d'outre-mer, l'emploi agricole représente 47 000 emplois annuels à plein temps dont 32 000 actifs familiaux et 8 000 salariés permanents. La tendance est à la baisse, sauf en Guyane où l'emploi agricole gagne 44 % depuis 1988.

En 2010, l'agriculture représentait 1,7 % du produit intérieur brut des cinq départements d'outre-mer (DOM) pour une valeur ajoutée évaluée à 735 millions d'euros. Si les grandes productions d'exportation, la banane, le sucre et le rhum, tirent toujours vers le haut les économies agricoles ultramarines, les productions végétales se diversifient et l'élevage se développe. On note un accroissement significatif du taux de couverture des productions de diversification végétale (cultures vivrières, fruits et légumes) et animales destinées au marché local. La croissance continue et forte de la population des DOM doit cependant être considérée comme un facteur atténuateur des effets mesurés. Les filières se structurent, particulièrement dans le domaine des productions animales à La Réunion et en Guadeloupe, où les interprofessions sont devenues des acteurs incontournables au bénéfice du consommateur local.

Vous trouverez dans les documents que nous vous ferons parvenir un certain nombre de chiffres révélant les tendances.

Vous avez souhaité connaître les ambitions pour l'outre-mer de notre ministère.

Le cadre politique que se fixe le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt au regard des dynamiques en cours dans les secteurs agricole, agro-alimentaire, forestier et de la bio-économie se traduit par cinq ambitions pour les outre-mer :

- une production agricole, agroalimentaire, forestière et une bio-économie qui contribuent à la croissance économique des outre-mer ;

- une agriculture d'outre-mer qui rayonne et crée de la valeur par ses produits et ses services ;

- un secteur attractif avec des actifs qui bénéficient d'un revenu équitable ;

- une agriculture d'outre-mer résiliente et robuste ;

- une croissance économique qui pérennise les ressources naturelles des outre-mer.

Les soutiens du ministère ciblent ces objectifs pour appuyer les stratégies de filières qui ont été adoptées l'année dernière en conseil d'administration de l'ODEADOM et les plans régionaux d'agriculture durable adoptés localement.

Des indicateurs ont été définis qui permettront d'apprécier la réalisation de ces ambitions. Ils portent sur :

- la croissance annuelle du produit intérieur brut cumulé des secteurs agricole, forestier, agroalimentaire et de la bio-économie ;

- la croissance en valeur de la commercialisation des produits agricoles, forestiers et agroalimentaires bénéficiant d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) sur les marchés locaux et internationaux ;

- le revenu agricole moyen par actif par rapport à celui des autres secteurs économiques ;

- le nombre d'emplois directs de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt et de la bio-économie ;

- le nombre d'exploitations et d'entreprises qui cessent leurs activités en raison de crises d'ordre sanitaire, climatique, environnemental ou économique.

Les cibles qui seront adossées à chacun de ces indicateurs sont en cours de définition.

En matière de différentiel de compétitivité des productions ultramarines, vous trouverez dans le document que nous vous ferons parvenir un certain nombre de chiffres sur les grandes cultures exportatrices. Nous avons réalisé une analyse de compétitivité, calculée au niveau de l'amont des filières banane et canne-sucre-rhum.

Pour cela, nous disposons des données comptables des exploitations, collectées via le Réseau d'Information Comptable Agricole (RICA). À partir de ces outils, nous mesurons le revenu moyen des exploitations de canne et de banane des départements d'outre-mer.

Nous disposons également des données techniques via les enquêtes pluriannuelles « pratiques culturales » et « phytosanitaires ». Ces enquêtes sont réalisées auprès des producteurs par les services statistiques départementaux. Cet outil permet de disposer d'une connaissance actualisée des itinéraires techniques et de l'usage des produits phytopharmaceutiques, et ainsi de reconstituer les coûts de production.

D'autres sources de données existent au sein des filières et du CIRAD, qui communiquent régulièrement sur les différentiels de coûts de production, mais ces données ne sont pas toujours accessibles.

En ce qui concerne la compétitivité de la filière banane, les données du réseau RICA permettent d'estimer les principaux coûts de production des bananeraies en France. La main d'oeuvre représente environ 27 % des coûts de production, contre 17 % pour le transport et 8 % pour les emballages. À titre de comparaison, le salaire d'un employé de bananeraie est 15 fois moins élevé en Afrique et en Amérique centrale qu'en France. De plus, les normes nationales engendrent des surcoûts non compensés par les prix, compte tenu de la libéralisation des normes économiques européennes.

Pour la filière canne à sucre, l'analyse comparée de la compétitivité des exploitations de canne ultramarines avec les exploitations spécialisées de grandes cultures en métropole s'avère inopérante compte tenu de la différence de taille. Les exploitations betteravières en métropole représentent 20 à 30 fois la taille moyenne d'une exploitation cannière des DOM et des différences importantes existent dans les systèmes de production et la conduite des exploitations. Toutefois, nous essayons d'objectiver au maximum les données dont nous disposons.

Nous analysons également la compétitivité au niveau de l'aval de la filière canne-sucre.

Le ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt dispose des données relatives aux coûts de production de l'industrie ultramarine et de la valorisation économique des sucres (prix de vente, coûts de transformation, d'achat, de transport, montant d'aide reçu...) qui permettent d'estimer les marges opérationnelles des entreprises sucrières.

Des comparaisons sont également possibles pour des débouchés équivalents (sucre blanc) avec la filière betterave-sucre qui fait l'objet d'un suivi approfondi, notamment dans la perspective de la fin des quotas sucriers en 2017.

L'analyse comparée des coûts de production avec des pays tiers (Brésil, PMA) qui sont en concurrence directe avec les DOM sur leurs débouchés (sucres destinés au raffinage, sucres roux) est compliquée, les données des pays tiers étant plus difficilement accessibles, à l'exception de celles du Brésil. Avec les données dont dispose la filière betteravière sur les coûts au Brésil, on peut estimer que les coûts de production (achat de matière première et coûts de transformation, hors coûts de transport et de raffinage) sont trois fois plus élevés dans les départements d'outre-mer qu'au Brésil.

Les estimations d'écarts de compétitivité conduisent le ministère à porter une demande d'exclusion des sucres spéciaux à chaque début de mandat de négociation. On notera toutefois que les sucres spéciaux, comme la banane et le rhum, peuvent se trouver moins prioritaires que d'autres productions agricoles hexagonales qui ont aussi des intérêts défensifs à faire valoir.

S'agissant des accords avec le Vietnam, par courrier en date du 10 février 2016, la Commission européenne a informé la France de l'exclusion de la ligne tarifaire 1701 1490 du contingent tarifaire de 20 000 tonnes agréé par le Vietnam et de l'ouverture d'un contingent tarifaire séparé de 400 tonnes sur la même ligne tarifaire.

Nous serons vigilants pour les négociations à venir avec le Mexique.

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