Merci pour la diversité de vos questions. Conséquence du caractère choral du texte, une grande partie est en fait adressée au ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé au Sénat d'examiner ses dispositions par blocs : avec le ministre de l'intérieur dès le 29 mars, le ministre de l'économie ensuite, sur les questions de financement du terrorisme et de blanchiment d'argent, et moi-même enfin.
Tirons-nous parti d'un arsenal juridique solide ou sommes-nous pris de court par les événements ? Sans doute un peu les deux. Il existe un modèle français, celui de l'association de malfaiteurs à but terroriste, infraction créée en 1986, qui s'est révélée très efficace. Mais la situation a changé : Daech n'existait pas en 1986, et les technologies ont profondément muté. Voyez les difficultés qu'a le FBI pour obtenir d'Apple les informations utiles à la lutte antiterroriste - problème impensable il y a encore cinq ans, et qui est devenu un défi quasi quotidien. L'application la plus utilisée par Daech, Telegram, évolue elle-même rapidement. Le texte parfait n'existe donc pas. J'ai toujours considéré que le droit était moins affaire de connaissance que d'interprétation ; la discussion pourrait durer longtemps - pour preuve, dix-neuf amendements ont été déposés au Sénat alors que la discussion à l'Assemblée nationale remonte à peine à quinze jours...
La position du Gouvernement comme celle du Parlement s'enrichit chaque jour de l'expérience de ceux dont la lutte antiterrorisme constitue le quotidien, et je me félicite que nous ayons renforcé leurs moyens : les 302 millions d'euros débloqués sur trois ans après les attentats de Charlie Hebdo, dont 190 en 2016, ont en effet permis de mobiliser davantage de personnel. Six des neuf juges d'instruction du pôle antiterroriste travaillent par exemple sur les attentats du 13 novembre ; la section antiterroriste du parquet de Paris compte désormais onze magistrats ; la dernière promotion de l'École nationale d'administration pénitentiaire comptait, en juillet, 980 surveillants pénitentiaires, financés sur les programmes du plan de lutte antiterroriste ; 228 magistrats, autant de greffiers, 15 assistants spécialisés dans l'antiterrorisme ont également été rendus opérationnels.
Un nouveau couple, formé par le procureur et le JLD, est en train de naître. La responsabilité donnée à l'un doit être équilibrée par le pouvoir de contrôle octroyé à l'autre. C'est une question de statut, mais aussi de moyens : le tribunal de grande instance de Paris compte plusieurs JLD à temps plein, tandis que le président de celui de Saint-Omer exerce cette fonction à titre subsidiaire... Sur ce point comme sur la collégialité de l'instruction - applicable au 1er janvier 2017, ce qui implique de prévoir les moyens appropriés ou de réduire le champ d'application, car je ne veux pas reporter une quatrième fois l'échéance - il est temps d'avancer, car chaque nouveau texte modifiant la procédure pénale donne au JLD des compétences supplémentaires. Les présidents de TGI ne sont pas favorables à ce que les JLD soient nommés par décret ; le Gouvernement y voit pourtant une garantie pour celui qui exerce cette responsabilité.
Monsieur Vasselle, l'arsenal juridique relatif au financement du terrorisme permet de combattre aussi la contrefaçon, ne l'alourdissons pas.
Madame Tasca, la rapporteure de l'Assemblée nationale, Colette Capdevielle, avait déposé en commission un amendement qui aurait élargi les possibilités d'accès au dossier, mais l'analyse par nos services a montré que cela aurait concerné près de 375 000 procédures... Elle s'est donc rangée à notre position - qui demeure toutefois, j'en suis certain, perfectible.
Le Gouvernement reste prudent sur l'attitude qu'il convient d'avoir à l'égard des personnes de retour d'un théâtre d'opération de groupements terroristes, mais persiste à privilégier la retenue administrative car elle présente des avantages opérationnels et demeure conforme à nos canons juridiques. J'ai eu l'occasion de le dire aux présidents des juridictions administratives que j'ai reçus à la Chancellerie.