… qui nuit, à n’en pas douter, à la fluidité et à la circulation de l’information, et, surtout, le manque d’effectifs du renseignement intérieur.
En effet, les services souffrent non pas d’un déficit normatif, mais d’un manque de moyens humains et matériels. Or c’est bien ce manque qui est mis en avant dans ce rapport d’information, avec, notamment, la première recommandation.
Ainsi – nous l’affirmions déjà au moment de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme –, les hommes constituent la meilleure réponse aux menaces auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. Il s’agit non pas d’accroître à outrance les pouvoirs exceptionnels dévolus à l’État, mais bien de densifier le maillage humain de notre renseignement. Or, selon votre rapport d’information, monsieur Dominati, le personnel du service central du renseignement territorial ne représentait « à la veille des attentats de janvier [2015] que 60 % des effectifs des renseignements généraux avant la réforme de 2008 ».
Cela suscite des questions, d’autant que les chiffres évoqués à propos de l’évolution de la menace terroriste ces dernières années sont inquiétants. La France semble particulièrement exposée, avec près de 1 700 combattants partis pour l’Irak et la Syrie entre 2014 et 2015. Pis encore, le Premier ministre a récemment estimé que ce sont désormais près de 3 000 personnes qui nécessitent une surveillance.
Face à cette menace d’une nouvelle forme, les annonces, en 2013 et 2015, de l’augmentation des effectifs des services concourant au renseignement intérieur vont dans le bon sens, et nous soutenons cette initiative ; nous resterons toutefois vigilants quant à l’évolution réelle des effectifs.
De manière générale, nous sommes beaucoup plus inquiets des évolutions du dispositif juridique qui entoure à présent l’action de ces services, dans la mesure où nous considérons qu’elles peuvent présenter un danger pour les libertés individuelles et qu’elles participent à l’inscription dans la durée d’un état d’exception, ce à quoi nous nous opposons formellement. Vous connaissez, monsieur le ministre, notre position sur ce sujet ; je n’y reviendrai pas davantage.
Plus d’hommes, cela signifie également une meilleure gestion et une meilleure analyse de l’information récoltée.
En effet, tous les professionnels s’accordent à dire que la priorité est non pas la quantité d’informations que vous pourrez intercepter, mais bien l’analyse que vous en ferez. Cela passe d’abord par une meilleure circulation de l’information. Or la France possède l’une des architectures les plus complexes d’Europe en matière de renseignement intérieur. Les conséquences sont nombreuses : un coût de fonctionnement certain, une déperdition des moyens, une moindre efficacité des services et une fragilité du dispositif de lutte contre le terrorisme dans son ensemble.
J’ai été surprise, à la lecture du rapport d’information, par la subsistance de conflits d’attribution aussi importants. Ainsi, une simplification du partage des compétences et un regroupement des services semblent en effet souhaitables. Parallèlement, nous devons renforcer la coopération européenne en la matière. Peut-être qu’un FBI européen serait opportun, comme l’ont très justement suggéré Alain Lamassoure et le président Larcher, même si cela implique une délégation de souveraineté de la part des États membres.
Par ailleurs, l’amélioration du traitement de l’information, source de qualité, passe par une mutualisation et un rapprochement avec le monde universitaire. En cela, nous souscrivons à la recommandation n° 8 du rapport d’information.
Le renseignement intérieur doit en effet pouvoir se nourrir pleinement de la société civile. Vous préconisez, monsieur Dominati, davantage d’échanges avec les universitaires dans le cadre de la formation des agents, ainsi que l’élargissement du recrutement de contractuels. Soit, mais nous devons aller encore plus loin, mes chers collègues. Nous devons favoriser le contact direct et durable avec les acteurs locaux, qui sont au plus près des réalités sur le terrain et sont à même d’apporter une réponse complète et adaptée.
Je l’ai dit au début de mon intervention, le volet préventif du renseignement est la clef de cette réponse. Il s’agit de la priorité absolue, les récents événements en sont malheureusement une nouvelle preuve.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai souligné la semaine dernière lors du débat portant sur les conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population, je rappellerai, en conclusion, combien il est important que le contrôle parlementaire soit également renforcé pour ce qui concerne les renseignements intérieurs. Dans la mesure où ces services opèrent sur le territoire national, les parlementaires doivent pouvoir en contrôler le fonctionnement et les orientations budgétaires, tout en respectant le secret lié à leur activité.
Si, selon nous, ce débat va dans le bon sens, notamment dans sa dimension préventive, ne faisons néanmoins pas l’économie d’engager une réflexion plus large, plus globale, sur les sources mêmes du terrorisme, et ce d’autant qu’elle suscite des interrogations prégnantes sur les relations internationales. Pouvoir les déceler est une chose, mais y remédier à long terme et chercher à les contrer au travers d’une réponse multidimensionnelle en sont une autre.