Intervention de Jean-Noël Guérini

Réunion du 23 mars 2016 à 14h30
Moyens consacrés au renseignement intérieur — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la commission des finances

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, la barbarie a encore frappé l’Europe ; c’est une réalité que je ne souhaite pas vivre comme une habitude.

D’abord en janvier, puis en novembre, la France a été la cible d’actes d’une violence inimaginable, inacceptable dans notre monde moderne, et a été submergée par la peine et l’émotion.

Aujourd’hui, les Turcs, les Maliens et les Belges connaissent eux aussi la sidération, la douleur d’être agressés par des fanatiques, qui manipulent et dénaturent leur religion pour mieux servir la faiblesse de leur âme.

Chacun a exprimé avec justesse et dignité notre solidarité pleine et entière avec le peuple belge. Quoi de plus normal ? Quoi de plus juste ?

Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est malheureusement d’actualité ; il est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Nous débattons du rapport d’information sur les moyens consacrés au renseignement intérieur. Oui, nous sommes en guerre, et les terroristes entendent également mener une bataille médiatique en conduisant sur tous les terrains une guerre des nerfs.

Nous avons eu l’occasion de débattre du terrorisme et des moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre ce nouveau fléau. Nous avons eu des discussions théoriques sur les causes de cette nouvelle guerre et sur les libertés publiques ; nous avons débattu de la déchéance de nationalité et de l’état d’urgence ; et, finalement, nous avons peut-être voulu oublier la réalité aveuglante et cruelle de ces actes terroristes.

Nous avons tous le souhait – et l’obligation – de poursuivre le renforcement de la lutte contre le terrorisme au travers de moyens tant humains que financiers.

Mes chers collègues, quel est l’objet de notre débat d’aujourd’hui ? Poser la question de l’efficacité de l’organisation administrative du renseignement français ? Condamner le manque de moyens consacrés au renseignement ? Il s’agit pourtant là des conséquences de la réforme de 2008 visant à restructurer le renseignement français et ambitionnant la création d’un FBI à la française, mais qui a sacrifié le renseignement territorial.

Nous sommes désormais convaincus de l’impérieuse nécessité de restaurer la confiance dans l’information de proximité : rien ne vaut le renseignement humain !

Oui, le maillage fin du territoire par les agents est indispensable à la qualité et à la précision de l’information, comme l’a cruellement rappelé la cavale de Salah Abdeslam durant ces quatre derniers mois.

Les progrès indéniables de la police scientifique, les avancées informatiques et les écoutes ne remplaceront jamais le travail de terrain. Mais chacun de nous connaît le coût de cette présence et les difficultés qu’elle peut entraîner.

J’en conviens, l’heure est trop grave pour céder à la polémique vaine, stérile, voire, parfois, irresponsable. L’heure n’est pas aux petites phrases, aux petits tweets déplacés visant à faire le buzz.

Oui, nous le savons tous, le contexte national et international impose des moyens humains et matériels supplémentaires pour les services du renseignement français.

Dès le 21 janvier dernier, le plan antiterroriste a permis, d’abord, le déploiement de près de 4 700 policiers pour la surveillance des 717 écoles juives en France et de 10 000 militaires pour assurer le contrôle des points sensibles du territoire et, ensuite, la création de 2 680 emplois, dont 1 100 ont été alloués aux seuls services de renseignement intérieur.

Le Président de la République, lors de son intervention devant le Congrès réuni le 16 novembre dernier, a annoncé les différentes décisions budgétaires engendrant un surcroît de dépenses et consacrant « la primauté du pacte de sécurité sur le pacte de stabilité ». C’est dans ce cadre que nous avons voté, à l’unanimité, monsieur Dominati, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, près de 815 millions d’euros de moyens supplémentaires consacrés à la mission « Sécurités », ainsi que vous l’avez rappelé.

Monsieur le ministre, outre du matériel de pointe, des logiciels et des armes, ce vote a permis la création, sur deux ans, de pas moins de 8 500 postes, dont 5 000 dans la police et la gendarmerie, décidée par le Gouvernement : 3 150 de ces postes seront créés dès 2016, avec 1 763 emplois alloués à la gendarmerie, 1 366 à la Police nationale et 21 postes de démineurs à la sécurité civile. Enfin, 252 emplois seront dédiés au contrôle des armes, à la lutte contre la fraude et la prévention de la radicalisation. À cela s’ajoutent les mesures annoncées hier par le ministre de l’intérieur.

Mes chers collègues, cette période est lourde d’émotions. La tension est palpable. Les Français sont inquiets, à juste titre.

Demeurons à la hauteur de la qualité des débats qui se sont tenus à l’occasion de la discussion du projet de loi de révision constitutionnelle.

À titre personnel, je suis sensible au poids des mots, et personne, je l’espère, ne me reprochera de rappeler ceux, pleins de sagesse et de gravité, qui ont été prononcés dans cet hémicycle la semaine dernière : « la France, dans un élan spontané d’unité nationale » ; « valeurs républicaines », « protection de la Nation », « détermination de la représentation nationale et, au-delà, […] du peuple français lui-même à vaincre ce mal absolu. »

Alors, mes chers collègues, ne cédons pas à la pression des terroristes. Ne décevons pas les attentes des Français. Soyons fermes, déterminés, mais restons vigilants quant à cet équilibre délicat, toujours à réinventer, entre besoin légitime de sécurité et préservation des libertés individuelles.

Attachons-nous à ce qui nous unit, à ce qui conforte les valeurs fondamentales qui font la France et que tant de pays nous envient.

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