Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes de nouveau réunis pour parler d’agriculture.
Vous le savez, je le rappelle à chaque fois que nous débattons de ce sujet, notre agriculture, en particulier l’élevage, traverse l’une des crises les plus graves, par sa profondeur et par sa durée, de son histoire. Cette crise touche l’ensemble de l’agriculture européenne. J’ai réussi, me semble-t-il, à faire prendre conscience à la Commission européenne et à chacun des pays de l’Union européenne qu’il s’agit d’une crise de surproduction, liée à des facteurs spécifiques et conjoncturels : l’embargo russe et la très large surestimation de la demande – je pense en particulier, s’agissant du secteur du lait, au marché chinois.
Force est pourtant de constater que la production européenne continue de progresser de manière plus rapide que la demande. J’en veux pour preuve que, depuis le début de l’année 2016, soit en deux mois et demi, 52 000 tonnes de poudre de lait ont déjà été stockées, ce qui est d’ores et déjà supérieur aux quantités de poudre de lait stockées sur l’ensemble de l’année 2015, lesquelles s’élevaient à 40 000 tonnes ! Si l’on ne s’attaque pas à cette surproduction, la baisse des prix, avec l’effet que l’on connaît sur le revenu des agriculteurs, continuera. Vous serez tous d’accord ici, j’en suis sûr, pour dire qu’il nous faut endiguer ce phénomène.
C’est la raison pour laquelle la France a fait des propositions à la Commission européenne, qui les a reprises. Hier, nous avons réuni l’ensemble de la filière laitière française, afin de réfléchir à des procédures et à une méthode susceptibles de résoudre la crise à l’échelle de notre pays, l’objectif étant bien entendu de faire partager ces procédures et cette méthode à l’échelle européenne, sans quoi cette réflexion serait inutile. Avec mon homologue belge, à qui j’ai adressé hier, après les attentats, ma solidarité et mon soutien, nous avons ainsi saisi le président de la commission de l’agriculture au Parlement européen, afin que s’organisent rapidement des discussions sur le sujet. Ce qui vaut pour le lait vaut aussi pour la viande porcine et, de manière indirecte, pour la viande bovine.
À cette situation est venue s’ajouter la baisse des prix des céréales, avec une production mondiale record en 2015 et donc des stocks très importants. Sur le marché de Chicago, le prix à terme de la tonne de céréales est d’ores et déjà passé sous la barre des 140 euros – à l’été 2012, lorsque j’ai pris mes fonctions, ce prix était supérieur à 250 euros.
La volatilité des prix sur les marchés agricoles nécessitera à coup sûr des adaptations de notre législation en faveur d’approches plus contracycliques, susceptibles d’aider les agriculteurs à traverser les moments difficiles et, à l’inverse, de les laisser gérer les choses quand les prix sont plus attrayants.
Le débat que vous avez initié ici au Sénat, messieurs Lenoir et Gremillet, avec le dépôt de cette proposition de loi, porte avant tout, comme son titre l’indique, sur la compétitivité de l’agriculture. Or je rappelle qu’avec le pacte de responsabilité et le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les baisses de charges pour l’agriculture dépasseront 1, 8 milliard d’euros en 2016. Le Premier ministre a en outre annoncé une baisse supplémentaire de 7 points des cotisations sociales, qui est venue s’ajouter à la baisse de 3 points déjà décidée, ce qui équivaut à une baisse de 10 points, soit plus de 700 millions d’euros. Cette décision répond à une demande de la profession agricole pour favoriser la compétitivité de l’agriculture.
Avec ces mesures, nous avons ramené le niveau des cotisations sociales des agriculteurs à la moyenne européenne. L’effort accompli est sans précédent : plus de 1, 8 milliard d’euros pour l’agriculture ! J’ajoute que l’effort concerne aussi la filière agroalimentaire, pour 1, 8 milliard d’euros également. Au total, cela fera environ 4 milliards d’euros – ceux-ci seront dépassés en 2017. La baisse des charges pour l’agriculture et dans le secteur de l’agroalimentaire sera donc supérieure au montant total du budget du ministère de l’agriculture, qui sera d’environ 4 milliards d’euros pour 2017.
Le Gouvernement a donc bien engagé, au travers de ces baisses de cotisations sociales, la restauration d’une compétitivité de notre agriculture, dont la dégradation était l’un des facteurs de la perte de parts de marché à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. C’est bien ce que vous souhaitiez, mesdames, messieurs les sénateurs. Sachez d’ailleurs que le décret instaurant cette baisse de 7 points de charges sociales a été signé de ma main ce matin.