Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme bon nombre d’entre nous ici, je suis élu d’un département où l’agriculture est une composante majeure de l’activité économique. Depuis des mois, nous rencontrons des exploitants excédés, dans la détresse.
Cette détresse est d’abord matérielle : les prix qu’ils perçoivent ne compensent même pas les coûts de production. Ils ne dégagent plus de revenus. Ils produisent à perte, victimes notamment des luttes terribles que se livrent transformateurs, intermédiaires et distributeurs.
Cette détresse est aussi morale. Fiers de leur métier – comment ne le seraient-ils pas, alors qu’ils produisent pour nourrir leurs concitoyens ? –, ils doivent au quotidien affronter un empilement de normes, fruit d’une suspicion croissante qui s’est installée au fil des ans, créant un climat de défiance à leur encontre.
Qu’il y ait eu des excès par le passé, il ne saurait être question de le nier, pas plus qu’il ne saurait être question de nier aujourd’hui les efforts importants accomplis depuis de nombreuses années par la profession pour produire en respectant l’environnement.
Pour sortir de cette détresse, les agriculteurs ne font pas de l’obtention d’aides ponctuelles leur priorité. Ils ne veulent pas être maintenus sous perfusion, à coups de mesures conjoncturelles prises au fil des crises. Ils ne veulent pas plus de ces normes toujours plus contraignantes. Ils ne veulent plus être montrés du doigt. Non ! Ils demandent tout simplement à pouvoir vivre de leur travail, dignement, dans un lien de confiance avec la société, dans un cadre stable qui leur offre enfin des perspectives d’avenir.
La proposition de loi dont nous débattons cet après-midi en deuxième lecture s’inscrit dans cette démarche, qu’ils attendent, de restauration de la compétitivité des exploitations. Elle est le fruit d’échanges sur le terrain au contact des professionnels. Avec nos collègues du département, ainsi qu’avec Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, j’ai accompagné le président Larcher au mois d’août dernier dans son déplacement dans le Finistère à la rencontre des filières agricoles et agroalimentaires.
Ce texte va donc dans la bonne direction. Il apporte des réponses structurelles, il trace un cap, il ouvre des perspectives. Refuser d’en débattre, comme l’a fait la majorité socialiste à l’Assemblée nationale, pour des raisons non pas de fond, mais strictement politiciennes, traduit ni plus ni moins un manque de considération inadmissible à l’égard d’un secteur en crise grave.
Pour avoir participé, voilà quelques jours, à l’assemblée générale de l’association des maires ruraux de mon département, je peux vous assurer que les élus des petites communes sont très attentifs à nos travaux et qu’ils attendent de notre part une prise en compte sérieuse et concrète des difficultés du monde agricole. Il y va de la vie dans nos villages ! Il y va de l’aménagement de notre territoire !
Si, comme je viens de le dire, la proposition de loi apporte des réponses de fond aux difficultés de notre agriculture, je voudrais évoquer une conséquence, et non des moindres, de cette crise sans précédent : la situation des agriculteurs contraints au dépôt de bilan, forcés de cesser leur activité. Nous leur devons une attention très particulière. Nous devons leur proposer un accompagnement social et économique à la hauteur de leur désarroi.
Quand une personne a travaillé toute sa vie ou, pour les plus jeunes, durant plusieurs années, dix heures ou plus par jour, chaque jour de l’année ou presque, sur une exploitation, souvent transmise par ses parents, n’avoir d’autre alternative que de mettre un terme à son activité constitue un drame à la fois économique et humain. Il est donc essentiel que les conditions de cette sortie soient dignes et organisées. Il y a trop de souffrances, trop de suicides, pour que nous n’agissions pas.
Monsieur le ministre, notre collègue Jean Bizet vous a saisi, en fin d’année, de l’opportunité de rétablir le dispositif d’aide à la reconversion professionnelle pour les agriculteurs en cessation d’activité. C’est une piste, parmi d’autres, pour accompagner et soutenir les plus jeunes. Examinons-la. Donnons à ces personnes la possibilité de rebondir, de se créer un nouvel avenir professionnel. Veillons aussi à ne pas laisser les personnes les plus âgées, que quelques années seulement séparent de la retraite, livrées à elles-mêmes. Une indemnité de départ serait à cet égard la bienvenue.
Par les mesures structurelles qu’elle contient, la proposition de loi amorce un changement de conception et de vision de notre agriculture. Il est temps de décréter que l’agriculture et l’agroalimentaire sont des activités stratégiques pour notre économie. Pour cela, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte à l’unanimité.