Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Soutenir la Grèce, c’est défendre la zone euro, c’est respecter les traités dont la France est signataire, bref, c’est être conséquent avec l’engagement européen qui est le nôtre, même s’il y aurait beaucoup à dire sur les orientations de l’Union européenne tout au long de ces dernières années.

Abordons maintenant la gestion de la crise.

L’objet du présent projet de loi de finances rectificative est d’octroyer un prêt à la Grèce, afin de la délivrer de l’emprise des marchés durant une période critique, estimée à dix-huit mois.

On peut débattre de l’attentisme et du manque de réactivité des États de la zone euro. Ainsi, en Allemagne, il a fallu que le directeur général du FMI convainque la Chancelière de l’urgence et de la hauteur de son intervention. Dans une mesure moindre, en France, l’accent a d’abord été principalement mis sur les contreparties plutôt que sur le soutien à la Grèce lui-même.

Cet attentisme se vérifie dans le calendrier. Dès le 11 février dernier, lors du Conseil européen relatif à la stratégie de croissance « Europe 2020 », les États de l’Union européenne ayant affirmé le principe de la solidarité européenne avec la Grèce, les États membres de la zone euro ont déclaré qu’ils prendraient des mesures déterminées et coordonnées si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble.

Lors du Conseil européen des 25 et 26 mars, il a été précisé que le soutien financier à la Grèce interviendrait en dernier recours, en particulier si le financement de marché devait se révéler insuffisant, dans le cadre d’un accord comprenant une implication financière du Fonds monétaire international et une majorité de financement européen, par le biais de prêts bilatéraux coordonnés des pays membres de la zone euro.

À partir du début du mois d’avril, les doutes des investisseurs ont resurgi, à la suite de la dégradation de la notation des banques grecques et de la demande, par ces dernières, de l’activation du reliquat du plan de soutien aux banques qui avait été mis en place par le gouvernement grec : le 8 avril, les taux de financement ont atteint 7, 36 %, soit un écart de taux par rapport à l’Allemagne de 645 points de base, contre 400 points de base la semaine précédente.

Le doute s’est instauré quant au caractère supportable, à moyen terme, de telles conditions de financement pour les finances publiques grecques, d’autant que les titres à refinancer s’élevaient à 12 milliards d’euros pour le mois d’avril et à 8 milliards d’euros pour le mois de mai.

En conséquence, le 11 avril, les États membres de la zone euro ont confirmé le principe d’un plan de soutien financier à la Grèce, valable pour trois ans, au cas où l’accès au marché lui serait fermé, pour un montant maximal de 30 milliards d’euros dès 2010, à un taux de 5 %.

Le 12 avril, la Commission européenne s’est engagée à élaborer, en lien avec la BCE, le FMI et le gouvernement grec, un programme commun d’assistance à la Grèce. Le 21 avril, le gouvernement français a présenté le projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres. Le 23 avril, la Grèce a demandé l’activation du plan européen d’aide financière.

Madame la ministre, il n’est pas niable que la sous-estimation du risque grec – le poids de la Grèce n’est pas énorme dans l’économie de l’Union européenne –, les arrière-pensées liées à la baisse de l’euro, l’attentisme qui s’est ensuivi ont constitué une erreur d’appréciation de la gravité de la situation.

On peut débattre du montant du prêt globalement fixé à 110 milliards d’euros, pour la France à 16, 8 milliards d’euros. Suffira-t-il pour atteindre l’objectif ou sera-t-il cautère sur jambe de bois ? La pluriannualité du plan laisse ouverte la possibilité de faire plus, surtout s’il est nécessaire de stopper l’effet de contagion, car les marchés, même apaisés, garderont toujours l’œil ouvert.

On peut donc débattre du taux de ce prêt largement supérieur, au moins pour l’Allemagne et la France, à celui auquel elles se refinancent. Surtout, il faut comparer son montant de 5, 2% à l’hypothèse de croissance sur laquelle repose le plan grec : la Commission européenne a du reste hier révisé cette hypothèse à la baisse pour la Grèce en 2010, en raison de son estimation d’une récession aggravée.

Ce taux élevé n’est pas un facteur de crédibilité, car il laisse penser que, en raison du décalage entre ce taux et la croissance de la Grèce, le gouvernement grec aura du mal à honorer ses remboursements. Je ne doute pas qu’il soit le résultat d’une négociation avec nos partenaires européens, mais il est éloigné d’un bon calcul économique simple : on rembourse d’autant mieux que l’on est capable de produire des richesses, par conséquent d’obtenir de bonnes rentrées fiscales.

En attendant, les Grecs sont soumis à un régime sévère. Souhaitons que le remède ne tue pas le malade. La Grèce est un pays démocratique. Laissons au peuple grec sa capacité de réaction et gardons-nous de l’humilier. L’histoire nous a appris que la mémoire des peuples est plus longue que celle des marchés.

On peut également débattre du facteur déclencheur qui a permis d’aboutir, après bien des tergiversations, à l’accord final de la zone euro et à ce prêt. Gageons que l’intervention, la semaine dernière, du directeur général du Fonds monétaire international auprès de la Banque centrale européenne et de la Chancelière allemande n’a pas été étrangère à cette conclusion. J’ai souvenir, madame la ministre, de votre invitation à votre ministère à l’automne 2008 des membres des deux commissions des finances du Parlement à l’occasion du passage à Paris de Dominique Strauss-Kahn.

Il était déjà question, dans les conversations, de l’intervention du FMI en Europe. Mais il s’agissait alors d’un petit État balte, la Lettonie, par ailleurs hors zone euro, a laquelle le FMI devait, dans un premier temps, accorder un prêt à hauteur de 1, 7 milliard d’euros, avant de fournir, aux côtés de l’Union européenne, un prêt plus ambitieux.

On ne prêta sans doute pas suffisamment attention au cas letton.

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