Comme l'ont rappelé mes collègues, notre travail devait prendre en compte l'actualité brûlante de la réforme de la DGF, qui ne répondait qu'en partie à nos attentes. Nous n'avons fait que tirer les conclusions que la Cour des comptes présentait dans son rapport en octobre dernier : « La nécessaire contribution des collectivités locales au redressement des comptes publics justifie une nouvelle gouvernance des finances publiques locales ». Il était devenu difficile de parler de la dure question de la répartition de la contribution au redressement des comptes publics en esquivant la question d'une réforme globale !
Le Comité des finances locales (CFL) a défini il y a presque un an quatre grands principes devant guider la réforme : une DGF plus juste, plus simple et plus lisible, à l'image des réalités de la gestion sociale, et une réforme soutenable.
La réforme allait dans le bon sens mais ne répondait pas aux objectifs fixés par le CFL, notamment ceux de la soutenabilité et de l'adéquation aux réalités de la gestion sociale. Si nous souhaitons une réforme simple et lisible, simplicité ne veut pas nécessairement dire facilité. Dans bien des cas, nous avons l'impression que certains choix se font uniquement sur la base du plus petit dénominateur commun, comme le choix de calculer la part consacrée au redressement des comptes publics en fonction des recettes de fonctionnement, alors que d'autres solutions plus innovantes, ou mixtes, auraient été possibles. Nos choix futurs exigeront un peu plus de courage politique car il y aura nécessairement des gagnants et des perdants, même dans une réforme plus équitable et plus soutenable. John Rawls a parlé des bienfaits du voile d'ignorance... De fait, les acteurs se positionnent moins en fonction de la réforme vue globalement que de ses effets possibles sur ce qui les concerne de près. C'est humain. Pour ma part, j'aurais été gagnant à la réforme proposée initialement. Mais j'ai tâché de me montrer objectif.
Cette réforme devra être plus péréquatrice. C'est une demande forte des élus. Elle doit cependant pouvoir prendre en compte l'ensemble des éléments de richesse disponibles des collectivités. Le potentiel fiscal, bien sûr, mais aussi les charges qui pèsent sur les collectivités.
Ainsi, il faut veiller à ce qu'il existe des systèmes d'accompagnement financier des réformes, que celles-ci soient territoriales ou normatives, comme celle de l'accessibilité des bâtiments publics. Le Parlement a tout son rôle à jouer et a déjà su faire avancer les choses. Ne serait-ce que dans la dernière loi de finances, nous avons obtenu la prolongation de l'accompagnement financier des communes nouvelles, ainsi que l'élargissement de l'assiette des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour l'entretien des bâtiments publics et de la voirie. C'est un travail qui dépasse la simple question de la DGF ou de la contribution au redressement des comptes publics, mais qui conditionne la soutenabilité de toute réforme impactant les collectivités.
De même, il sera indispensable d'évaluer l'impact des réformes sur l'équilibre des territoires. À ce titre, nous avions demandé au cabinet Klopfer de croiser les données communales et intercommunales pour voir si les équilibres territoriaux étaient respectés : nous avons été surpris de constater que les écarts - parfois très importants - analysés strate par strate entre perdants et gagnants, côté communes et côté intercommunalités, se compensaient souvent au niveau des territoires. L'objectif n'est pas de réclamer une territorialisation des dotations - il n'y a pas d'unanimité sur le sujet - mais de demander à ce qu'il y ait une analyse territorialisée des dotations. Il y aura forcément des communes ou des intercommunalités perdantes et d'autres gagnantes, mais il faudrait, in fine, que l'équilibre entre territoires soit respecté et que tous les territoires s'y retrouvent.
Nos trois rapports se sont pleinement inscrits dans la mission de notre délégation, qui consiste notamment à veiller au respect de la libre administration et de l'autonomie financière et fiscale de ces collectivités ainsi qu'à la compensation financière des transferts de compétences et de personnel. Nous avons à ce titre joué un rôle d'éclaireur - voire de lanceur d'alerte ! - pour l'ensemble des travaux du Sénat relatifs aux collectivités territoriales. Nous souhaitons que les éléments recueillis nourrissent la suite de nos débats au Sénat, et ce, en pleine coopération avec la commission des finances. En tant que co-rapporteur au nom de la commission des finances, je peux d'ores et déjà vous indiquer que le travail a commencé.
Nous en saurons plus après nos auditions de mars et d'avril mais le Gouvernement semble avoir pour objectif de reprendre ses consultations sur le sujet, notamment avec les associations d'élus, le CFL et les parlementaires.
Nous sommes plusieurs élus à avoir demandé une loi séparée sur le sujet. Le travail de la commission des finances a déjà commencé, de façon à ce que nous ne soyons pas de nouveau obligés d'analyser en l'espace de deux mois seulement une des réformes les plus importantes de ces dernières années en matière de finances locales. Nous souhaitons disposer de simulations dès le mois d'avril. L'objectif que nous nous sommes fixé avec M. Raynal est de prendre le sujet le plus en amont possible afin de disposer de bases solides de discussion.
Nous souhaitons éviter de revivre le rendez-vous manqué d'octobre dernier où une réforme, pourtant souhaitée presque par tous, n'a pas abouti car elle ne présentait pas de garanties en termes d'équité et de soutenabilité. Le travail continue donc désormais sur un autre terrain, mais je ne doute pas que la délégation y prendra toute sa part. Le plus grave serait que la complexité du sujet empêche toute évolution.