Intervention de Michel Mercier

Réunion du 29 mars 2016 à 14h30
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre d’un projet de loi visant à renforcer la justice et les administrations de l’État et à simplifier la procédure pénale afin de mieux lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Comme vous, monsieur le garde des sceaux, je suis prêt à trouver des réponses chez Mme de Romilly. Lorsqu’on lui demandait quelle était la meilleure définition de la démocratie, elle répondait que c’était la plus ancienne, celle donnée par Platon, selon laquelle la démocratie est le régime de la loi écrite. Tout est dit ! Quand on veut combattre les ennemis de la démocratie – le terrorisme, la criminalité organisée –, notre arme, c’est la loi !

Les événements qui ont eu lieu – je veux moi aussi rendre hommage aux forces de l’ordre et aux magistrats qui travaillent pour éradiquer le terrorisme – ont révélé les déficiences de la loi. Nous devons donc faire en sorte, sans céder à l’émotion, que notre arme, la loi, soit la mieux adaptée possible pour combattre des menaces qui évoluent sans cesse. Si nous ne modifions pas la loi, alors même que les menaces changent de nature, nous ne ferons pas véritablement notre travail. C’est précisément en vue de mieux armer la démocratie que Philippe Bas, Bruno Retailleau, François Zocchetto et moi-même avions présenté au Sénat voilà quelques semaines une proposition de loi.

Le texte qui nous est présenté, qui a été considérablement enrichi – disons les choses comme cela –, puisqu’il compte une centaine d’articles, contre une trentaine au départ, montre que les problèmes que nous avons à traiter sont lourds et nombreux. Il s’agit à la fois de rendre plus efficaces les investigations judiciaires et de lutter contre le terrorisme dans sa globalité.

L’acte de terrorisme est souvent l’aboutissement d’un long processus : la constitution de réseaux, l’achat d’armes et, donc, leur financement. Nous devons apporter une réponse globale à ce phénomène qui est lui-même global. C’est l’un des objectifs du texte qui nous est soumis.

Pour ce qui concerne l’efficacité des investigations judiciaires, des mesures nouvelles et importantes sont issues de quelques idées relativement simples : l’enquête préliminaire, par exemple, doit avoir un rôle essentiel. On voit donc apparaître un couple nouveau, composé du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention. Ce dispositif est une condition de l’efficacité de l’action de la justice, ce qui nous obligera, dans les mois qui viennent, à traiter du statut du juge des libertés et de la détention, qui est aujourd’hui quelque peu « suspendu » et n’existe pas vraiment sur le plan judiciaire.

L’ensemble des technologies spécifiques réservées à l’instruction seront désormais accessibles durant l’enquête préliminaire. C’est une bonne chose et, sur ce point, il n’y a pas de véritable différence de vision entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat. Je signale à cet égard que de nombreuses dispositions contenues dans la proposition de loi votée par le Sénat en février ont été reprises dans le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale.

S’agissant de la lutte contre le blanchiment, c’est M. le rapporteur pour avis de la commission des finances qui traitera au fond de cette question. La commission des lois a accepté de nombreux amendements qu’il nous a soumis et qui visent notamment à renforcer le rôle de TRACFIN.

Le renforcement des contrôles administratifs constitue un chapitre important sur lequel nous aurons à revenir au cours de nos débats, qu’il s’agisse de la fouille des bagages lors des contrôles d’identité, de la retenue pour examen d’une situation administrative problématique, de la définition du cadre légal de l’usage des armes à feu ou du contrôle administratif des retours sur le territoire national après le séjour sur un théâtre d’opérations terroristes.

Sur ces quatre points très importants, la commission des lois fera des propositions, dont certaines seront un peu différentes de celles souhaitées par le Gouvernement et l’Assemblée nationale, mais qui iront dans le sens du renforcement potentiel du rôle de l’administration et de l’encadrement de celui-ci par les règles de droit, qu’elles soient constitutionnelles ou conventionnelles. Nous avons en effet veillé à ce que le texte, s’il renforce le rôle et les prérogatives des magistrats, des policiers et de l’administration, reste dans les limites constitutionnelles et conventionnelles. Il ne s’agit pas de sortir de l’État de droit, mais de combattre le terrorisme en allant le plus loin possible dans les limites permises par l’État de droit.

Nous aborderons aussi la question du renforcement des garanties en matière de procédure pénale. Le débat qui portera sur le principe du contradictoire sera, je crois, nécessaire, car, s’il faut que la procédure soit contradictoire, l’enquête doit aussi pouvoir se dérouler normalement.

Nous débattrons également d’un certain nombre de questions fortes. Ainsi se pose depuis quelques jours, avec encore davantage d’acuité qu’auparavant, celle de la perpétuité réelle. Je rappelle que nous avons adopté cette mesure à l’occasion du vote de la proposition de loi Bas. Nous ne nous contredirons pas sur ce point et nous irons jusqu’au bout, en nous conformant aux conditions posées par le Conseil constitutionnel en 1994. Nous veillerons également à respecter les dispositions conventionnelles. Nous ferons donc en sorte que le tribunal de l’application des peines mette en œuvre une procédure particulière visant à ce que la situation du terroriste condamné à la perpétuité soit réévaluée après un délai de trente ans.

Mes chers collègues, face à ces questions lourdes et graves qui vont nous occuper dans les jours qui viennent, nous devons faire en sorte que la démocratie ne soit pas désarmée et que les magistrats puissent jouer pleinement leur rôle, notamment en leur permettant d’avoir accès aux mêmes technologies que les terroristes. On ne peut pas combattre les terroristes avec du papier et des bouts de chandelle ! Nous avons en face de nous des ingénieurs, des personnes super-équipées qui savent parfaitement utiliser les nouvelles technologies. Nous devons disposer des mêmes armes, mais, en plus, pour trouver notre force, nous devons respecter le droit. C’est ce que vous propose la commission des lois.

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