Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la guerre que Daech mène contre nous est une guerre à nulle autre égale ; d’abord, parce qu’elle est asymétrique – d’autant plus, et à proportion, que Daech connaît des revers territoriaux – et, ensuite, parce que, tout simplement, elle nous a surpris. Elle nous a en effet pris de court, elle nous a saisis, nous, Occidentaux, Européens, Français. Jusqu’alors, nous croyions à cette chimère qu’est la fin de l’histoire – en tout cas certains d’entre nous y croyaient –, nous pensions que la démocratie universelle et le marché global allaient imposer sur toute la surface de la planète des valeurs que nous partageons, qui nous sont chères et que nous pensons naturelles ; mais voilà que le tragique s’est invité à la fête et que, comme le dit très bien Alain Finkielkraut, les attentats ont fermé la parenthèse de cette post-histoire ; la fête est donc finie.
Nous traversions aussi un moment particulier souvent en décalage avec la réalité ; il faut bien admettre que le réel dépasse l’entendement quand on est confronté à une violence aussi monstrueuse – ainsi, ceux qui se sont fait exploser à Lahore se sont approchés des balançoires pour faire le plus possible de toutes jeunes victimes. Cette violence monstrueuse fait d’ailleurs écho à une phrase, que vous connaissez sans doute : qu’objecter à celui qui veut gagner son paradis en voulant m’égorger ? Cette phrase n’a pas été prononcée par un contemporain, elle a été écrite par Voltaire en 1763, dans son Traité sur la tolérance.
Mes chers collègues, il est clair qu’on ne peut lutter contre cette violence, contre cette barbarie, uniquement en allumant des bougies ou avec des minutes de silence, même si ces gestes sont bien sûr nécessaires, voire indispensables. Il est également clair que nous devons quitter cette posture de l’angélisme compassionnel qui, trop souvent, a été la marque de fabrique de nos démocraties. Il faut faire la guerre, la faire vraiment, sans renoncer évidemment à aucune de nos valeurs, mais la faire sans répit, sans haine et sans hésitation.
La révision de la Constitution n’est sans doute pas ce que nous demandent nos compatriotes ; elle ne permettra pas de protéger mieux, demain, les Français contre cette barbarie. Sans doute conviendra-t-il de prolonger l’état d’urgence, mais, reconnaissons-le là encore, sortir de cet état impose de prendre des mesures à la hauteur de la menace à laquelle nous sommes confrontés. Nous devons donc renforcer notre arsenal juridique – nous sommes d’accord, monsieur le garde des sceaux –, et ce texte répond, bien que partiellement, à un certain nombre de ces préoccupations.
Je salue ici le président de la commission des lois et le rapporteur pour l’énorme travail réalisé par notre commission sur ce texte. En effet, si l’on peut affirmer que ce texte répond, même partiellement, à nos préoccupations, c’est parce qu’il intègre, notamment depuis son passage à l’Assemblée nationale, de nombreuses dispositions que nous avions nous-mêmes portées et adoptées lors de l’examen de la proposition de loi de Michel Mercier et Philippe Bas.
Ainsi, ce texte augmente les moyens d’investigation ; je pense notamment aux perquisitions de nuit, à l’adaptation de notre droit au nouvel environnement numérique – accès aux messageries, traitement des données, utilisation des nouvelles technologies, dont les IMSI-catchers. Bref, ce qui a été donné à nos services de renseignement doit aussi être mis à la disposition de la justice pour en assurer une plus grande efficacité.
Je pense également au renforcement des peines pour les actes terroristes et au suivi socio-judiciaire. À ce sujet, je veux dire un mot de la peine incompressible de perpétuité. Le Sénat l’a adoptée sur la proposition de Michel Mercier, et l’Assemblée nationale l’a reprise par voie d’amendement. Je pense que l’on peut aller plus loin, grâce aux propositions de la commission des lois et à certains amendements, notamment ceux de notre collègue Roger Karoutchi, qui nous permettront d’indiquer aux Français que nous ne voulons pas qu’un terroriste puisse bénéficier de la moindre clémence. La perpétuité, dès lors qu’il s’agit d’actes terroristes, doit être une perpétuité effective.
On pourrait longuement discuter non seulement des décisions du Conseil constitutionnel, bien sûr, mais aussi et surtout des différentes jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme, celle de 2008 comme celle de 2014. Il faut cependant absolument que nous votions, parce que c’est juste, les mesures concrètes que les Français attendent de nous pour protéger notre société.
Lorsque je disais que le présent projet de loi ne répondait que partiellement aux préoccupations relatives à un « réarmement » juridique et même judiciaire, je pensais à plusieurs dispositions, notamment à toutes celles qui permettent de ne pas réduire les peines. Le Gouvernement serait donc bien inspiré de soutenir les amendements qui lui seront présentés pour éviter toute mesure de clémence et d’aménagement de peine.