Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 29 mars 2016 à 14h30
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux :

Le Gouvernement adapte, mais les parlementaires disposent. Je ne vis pas ce fait comme une carence ou une dérive. Là aussi, la progression se fera avec le débat.

Le 2 février dernier, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, j’avais dit que, sur bien des aspects, nous avions le même objectif, que nous cheminions sur des voies parallèles et qu’il nous fallait faire en sorte que ces deux voies se rejoignent. C’est aujourd’hui largement le cas : sur les 102 articles de ce projet de loi, je ne distingue – à l’instar de Philippe Bas, qui n’a souligné que deux ou trois points de discorde – que six désaccords de principe qui seront probablement confirmés en séance publique.

Le Sénat et sa majorité ont des convictions, le Gouvernement a les siennes. Il est des aspects sur lesquels nous sommes en désaccord, non pas sur le diagnostic, mais sur la thérapie. Tout cela n’est pas bien grave, dans la mesure où l’objectif est commun et où le verre est aux trois quarts plein.

Oui, de nombreux textes sur ce sujet sont adoptés. Il est probable qu’aucun d’entre nous n’en avait fait un argument de campagne électorale – je pense d’ailleurs que la plupart des parlementaires auraient préféré ne pas avoir à les voter. Mais la réalité est là : nous sommes agressés.

Le Gouvernement a la responsabilité de proposer une riposte à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et cela ne s’arrêtera pas. Si, demain, nous repérons de nouvelles failles dans notre dispositif, nous vous proposerons de l’ajuster. Nous ne voudrions pas qu’un jour, on nous reproche l’inverse !

Je souhaiterais enfin rassurer M. Retailleau sur la détermination du Gouvernement en matière d’établissements pénitentiaires. Nous ne disposons pas, aujourd’hui, de places de prison en nombre suffisant.

Une grande majorité de nos établissements est totalement vétuste. J’évoquais ce matin la maison d’arrêt de Troyes située dans le centre-ville, ancien couvent des Cordeliers bâti en 1258 et transformé en prison au XIXe siècle. Il est impossible de faire évoluer ce bâtiment : il faut le détruire pour en construire un nouveau.

Il faut également bâtir de nouveaux établissements pour mettre à la disposition des magistrats tout l’éventail des réponses pénales. Ce n’est pas le Gouvernement qui incarcère ; ce ne sont pas l’Assemblée nationale ou le Sénat qui prononcent les sanctions.

Le taux de suroccupation actuel non seulement rend les conditions de détention indignes, mais menace aussi les conditions de travail des personnels. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous, dans les départements dont vous êtes élus, des établissements pénitentiaires. Partout, les organisations syndicales ou les directeurs vous préviennent de la menace. J’ai appelé une surveillante agressée ce matin, à neuf heures. Si elle a subi cette agression, c’est parce qu’elle s’est retrouvée dans une situation impossible à gérer. Je ne peux accepter de voir de telles situations se reproduire !

Il faut bien évidemment construire des établissements pénitentiaires. Encore faut-il qu’ils soient adaptés et bien localisés. Alors que certaines prisons, notamment dans les outre-mer, sont surpeuplées, 3 000 places sont vides : c’est l’un des paradoxes auxquels nous sommes confrontés et qu’il nous faut résoudre.

Le Gouvernement est prêt à engager des programmes immobiliers. Dans son livre intitulé Pour un État fort, que j’ai lu ce week-end, Alain Juppé propose de créer 10 000 places de prison. Bruno Le Maire, quant à lui, ne donne pas de chiffres – je cite tous ceux qui ont écrit des ouvrages sur ce sujet. Il est vrai que ma bibliothèque grossit à vue d’œil en ce moment et que je n’ai pas eu le temps de tout lire, mais je m’y engage !

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