Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2004, la Grèce organisait les jeux Olympiques et offrait au monde l’image d’un pays jeune, dynamique, ambitieux et réconcilié avec son passé. Elle accueillait, dans un décor somptueux et une ambiance festive, les délégations nationales et des spectateurs du monde entier.

Six ans après, la Grèce est de nouveau sous les feux des projecteurs médiatiques : elle est au bord du désastre économique et financier, à la merci d’un destin tragique qu’elle ne maîtrise plus, ou, en tout cas, qu’elle ne maîtrise plus seule.

Deux difficultés majeures sont à l’origine de cette situation : d’une part, la crise financière internationale, qui a notamment fragilisé les économies les plus vulnérables ; d’autre part, la perte de crédibilité des deux derniers gouvernements grecs, véritable poudrière politique qui risque non seulement de déstabiliser la société grecque mais, plus largement, ses partenaires de la zone euro.

En effet, chaque révision de la prévision du déficit grec a aggravé la défiance des marchés à l’égard du pays. Cela s’est traduit par des écarts de taux de financement considérables. Ce n’est pas seulement la situation économique et financière de la Grèce qui est en cause, mais c’est, très clairement aussi, la stabilité de toute la zone euro.

Dans ces conditions, il devient urgent pour l’ensemble des pays de la zone d’intervenir et de faire preuve de solidarité. Tel est donc l’objectif de ce collectif budgétaire, que l’on pourrait qualifier d’inhabituel. Il propose d’octroyer un prêt de la France à la Grèce pour un montant de près de 17 milliards d’euros sur trois ans, le montant des crédits de paiement qui seront versés en 2010 restant fixé à 3, 9 milliards d’euros.

Le principe directeur qui doit aujourd’hui prévaloir est celui de la solidarité. C’est, semble-t-il – et cela réjouit les membres du groupe du RDSE –, celui choisi par le Gouvernement, qui aura, nous l’espérons, l’accord et l’approbation du Parlement. Nous affirmerons ainsi avec force notre engagement européen. C’est, pour les membres de mon groupe, une constante et un impératif dans la situation actuelle.

Dans un rapport d’information présenté il y a près de trois ans, notre collègue Yvon Collin, actuel président du groupe du RDSE, avait déjà tiré la sonnette d’alarme en soulignant le manque de coordination des politiques économiques européennes. Cet engagement fondamental dans le processus de construction européenne semblait alors absent.

Aujourd’hui, il faut l’admettre : l’avenir du vivre-ensemble européen passe par davantage de solidarité, d’entraide et de coordination entre les États.

D’ailleurs, jusqu’aux derniers événements grecs, les politiques économiques, dans l’Union européenne, particulièrement dans la zone euro, apparaissaient, au mieux, désordonnées et, au pire, antagonistes.

Aujourd’hui, en dépit des nombreux antagonismes fiscaux qui demeurent, la solidarité financière semble avoir pris le pas sur le repli égoïste. Le groupe du RDSE s’en félicite. Notre soutien à la Grèce est un impératif de solidarité et un impératif économique.

Soutenir la Grèce, bâtir ce mécanisme de rempart que nous avons construit avec le concours du fonds monétaire international, c’est aussi une façon de stabiliser l’euro et de renforcer la zone euro. La stabilité de l’euro est fortement mise en cause par la crise grecque, comme en témoignent la dégringolade de l’euro vis-à-vis du dollar et la chute des bourses européennes, encore accentuées ces derniers jours.

Pourtant, je le répète, l’Union européenne est intervenue trop tardivement. Cette insuffisante réactivité demeure une faiblesse, qu’il faudra corriger à l’avenir.

Dès janvier 2010, la spéculation avait commencé. Or il a fallu attendre le courant du mois d’avril dernier, quand l’État grec devait déjà faire face à des remboursements importants, pour que soit annoncé un engagement européen plus solidaire.

Par ailleurs, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur la réaction de la Banque centrale européenne, qui a regretté que le FMI soit sollicité. Comment une banque centrale, qui refinance à 1 % des établissements privés – eux-mêmes prêtant des fonds à des spéculateurs –, ne pourrait-elle appliquer un taux de refinancement aussi avantageux à un État ? Cette question mérite tout de même d’être posée.

L’Europe doit désormais tirer les leçons de la crise financière, dont nous ne sommes malheureusement pas encore sortis.

En découlent deux réflexions.

En premier lieu, dans un récent entretien accordé à un grand quotidien économique, le commissaire européen chargé des marchés financiers, M. Michel Barnier, affirmait : « Puisque la tempête qui s’abat sur l’Europe est la faute des agences de notation américaines, qui ont injustement dégradé la note des cigales européennes, il faut envisager la création d’une agence de notation européenne pour redresser ce tort considérable ».

Le moins que l’on puisse dire de ces agences, c’est que, d'une part, elles échappent au contrôle des régulateurs officiels, ou en tout cas aux gendarmes boursiers, qu’ils soient américains ou européens d'ailleurs, et que, d'autre part, leur bilan est loin d’être probant. Nous le savons, quelques jours à peine avant la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, l’une d’entre elles affirmait maintenir son soutien et sa confiance à la direction financière de l’établissement… Nous pourrions citer d’autres exemples allant dans le même sens.

Toutefois, le plus gros problème est ailleurs. Qui rémunère les agences ? Ne seraient-ce pas les émetteurs de dette eux-mêmes ? Comme certains orateurs l’ont souligné tout à l'heure, il en découle un risque de conflit d’intérêt.

Les agences de notation, qui, ces derniers jours, ont accentué la volatilité des marchés financiers doivent donc être mieux contrôlées. Hier, elles ont déstabilisé la Grèce. Aujourd’hui, c’est au tour de l’Espagne et du Portugal. Demain, qu’adviendra-t-il pour notre pays ?

En second lieu, l’Europe a besoin, à l’évidence, d’un gouvernement économique démocratique, qui s’appuierait sur le principe de solidarité budgétaire. Cette idée a déjà été défendue ; le RDSE y souscrit tout à fait.

Même si elle suppose des efforts et une certaine fermeté, cette solidarité nous semble absolument indispensable. C'est pourquoi, au-delà de la mise en œuvre de ce principe, il faudra veiller à ce que les engagements pris par la Grèce soient correctement respectés.

En tout cas, madame, monsieur le ministre, nous, membres du RDSE, voterons ce texte, parce que nous estimons qu’il répond à un devoir de solidarité, parce que nous sommes profondément européens et parce que nous considérons que c’est dans le besoin que l’on reconnaît ses amis.

Je le répète, avec toutes les réserves et les interrogations que nous avons exprimées, nous voterons ce texte, parce que nous sommes d’ardents défenseurs de l’idée européenne.

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