Je vous propose plusieurs éléments de réponse.
Il me semble d’abord que vos deux amendements sont fondés sur la crainte que la rédaction retenue par le Gouvernement ne soit trop imprécise et trop aléatoire pour permettre une application de la retenue qui évite des mesures arbitraires ou discriminantes.
Or la formulation que nous avons retenue est précisément celle qui a été utilisée dans le cadre de textes précédents – je pense notamment à la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Cette formulation, le Conseil constitutionnel l’a reconnue et validée, estimant qu’elle permet de définir parfaitement le périmètre de notre intervention. Cette validation par le Conseil constitutionnel est donc une garantie que le risque que vous redoutez ne se réalisera pas.
Je veux ensuite attirer votre attention sur le fait que tous ceux que nous sommes susceptibles de retenir ne sont pas tous fichés S.
Prenons le cas d’un individu terroriste qui n’est pas de nationalité française et dont nous ignorons qu’il est parti sur le théâtre des opérations en Syrie, par exemple. Nous le retenons alors qu’il n’est pas fiché S, mais parce qu’il est fiché par un autre service étranger – cette situation peut tout à fait se produire dans le contexte particulier auquel nous sommes confrontés. Nous interrogeons le service étranger en question au moment de la retenue pour connaître les caractéristiques exactes de cet individu. Eh bien, avec la rédaction que vous proposez, nous ne pourrions plus le faire ! La seule retenue à laquelle nous pourrions procéder concernerait des personnes de nationalité française, fichées S ou figurant au fichier des personnes recherchées.
C’est au nom de ces considérations concrètes et en me situant sur le plan opérationnel que je ne peux pas émettre un avis favorable sur ces amendements. Nous ne pouvons pas ne retenir que des citoyens de nationalité française ! Les événements du 13 novembre l’ont montré, les terroristes envoient sur le territoire national des individus non fichés par nos propres services, parce qu’ils trouvent beaucoup plus facile de nous atteindre ainsi.
Fort de ces explications et en vertu de ces raisons opérationnelles, je vous demande, messieurs les sénateurs, d’accepter de retirer ces deux amendements.