Intervention de Bernard Vera

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura donc suffi de vingt milliards d’euros, représentant le défaut de paiement potentiel de l’État grec pour que, en quelques jours, l’édifice de la construction européenne montre des signes évidents d’essoufflement et de fragilité.

Vingt milliards d’euros, alors même que, en 2009, compte tenu de la récession internationale, les seize pays de la zone euro ont produit pour plus de 12 500 milliards de dollars de biens et de services !

Autant dire que l’impasse budgétaire dans laquelle la Grèce s’est retrouvée ne représente en réalité qu’un grain de sable. Pourtant, ce grain de sable a suffi pour que la belle mécanique européenne connaisse une incroyable crise systémique, dont nous n’avons sans doute pas encore vu toutes les implications.

Ainsi, parce que l’État grec risquait de se trouver dans l’incapacité de rembourser quelques banquiers cupides, qui l’ont pourtant rançonné avec des taux d’intérêts exorbitants, nous avons eu droit à deux mois de valse-hésitation des gouvernements européens, à l’affirmation des égoïsmes et de positions conditionnées par des considérations de politique intérieure, enfin à une crise obligataire croissante et chaque jour plus évidente.

En effet, dans cette affaire chacun avait ses propres préoccupations. L’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne, cibles de la spéculation financière internationale, mettent péniblement en œuvre des mesures d’ajustement de leurs comptes publics, parce qu’ils font, à l’instar de treize des seize pays de l’Euroland, l’objet d’une procédure pour déficit public excessif.

Pendant ce temps, la Belgique, qui échappe pour l’heure à la crise obligataire, continue de se déliter au fil de l’aiguisement de ses antagonismes régionaux. Quant à l’Allemagne, qui ne s’est jamais acquittée de la facture des dommages de guerre causés à la Grèce entre 1941 et 1944, elle a sans cesse conditionné son engagement à l’exigence de sacrifices toujours plus nombreux de la part du peuple grec.

Dans ce contexte, la France aurait pu avoir une attitude différente de celle qui a été choisie. En effet, à travers le présent collectif budgétaire, elle se prépare à apporter 3, 9 milliards d’euros de droits de tirage immédiats, prêtés à un taux de 5 % à l’État grec. Ainsi celui-ci pourra-t-il permettre à la Société générale de recouvrer les 3 milliards d’euros de créances douteuses qu’elle détient sur la dette publique grecque et éviter au Crédit agricole l’imputation de 800 millions d’euros des mêmes créances.

En résumé, l’État français va s’endetter pour permettre à nos établissements de crédit d’éviter des pertes de créances… Était-il inconcevable que les banques, qui ont souscrit une bonne partie de la dette publique grecque, contribuent à l’effort général, par exemple en rééchelonnant elles-mêmes cette dette, voire en consentant des abandons de créances ?

Ainsi, tout est dit, ou presque, du contenu de ce pseudo-dispositif d’aide à la Grèce, qui constitue au fond une répétition du plan de soutien aux banques, sans l’exigence d’aucune contribution ni contrepartie.

Tous ces dispositifs n’ont rien à voir avec la prétendue « solidarité » que l’Europe affirmerait à travers ce pseudo-« plan d’aide ». En réalité, on nous propose ici de faire porter par les dettes publiques les créances douteuses que les banques et les compagnies d’assurance détiennent sur la dette publique grecque.

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