Intervention de Bernard Vera

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Pis encore, avec ce plan, le risque de « défaut » grec se trouve transféré vers les États, et ce sont les contribuables français, allemands ou néerlandais qui seront éventuellement sollicités, dans trois ans, si la Grèce ne peut pas payer.

La véritable solidarité avec le peuple grec, c’est celle que nous portons et qui vise à entendre les attentes et les aspirations populaires, notamment quand les plus riches, les profiteurs de la crise, les financiers et les banquiers se trouvent exonérés du moindre effort, en Grèce comme en France.

Mes chers collègues, je voudrais à présent m’arrêter quelques instants sur les raisons qui, à notre sens, ont conduit à cette situation.

Depuis son adhésion aux communautés européennes en 1981, la Grèce a en effet connu plusieurs phases dans sa participation à la construction européenne. Bénéficiaire net des subsides européens – situation que ses retards économiques pouvaient largement justifier –, le pays a profité récemment d’un relatif développement, qui a été gagé sur une plus grande intégration et une plus grande dépendance vis-à-vis de l’étranger de secteurs clefs de son économie.

Si le revenu des habitants de la Grèce s’est accru, tout en restant inférieur à la moyenne des pays de l’Union et, plus encore, de ceux de la zone euro, nombre de secteurs stratégiques ont été progressivement ou totalement privatisés, tandis que les salariés grecs goûtaient aux conséquences amères de la déflation salariale et de la flexibilité.

C’est ainsi que les principales banques grecques sont passées sous le contrôle d’établissements d’autres pays, comme la BNP, la Société générale ou le Crédit agricole, que l’opérateur historique de télécommunications est devenu propriété de Deutsche Telekom pour 30 % de son capital, que l’opérateur national d’électricité se trouve détenu à plus de 45 % par des investisseurs institutionnels et que la compagnie aérienne nationale a été vendue à un consortium privé.

Ajoutons que, sous les gouvernements Karamanlis, qui ont géré les affaires du pays de 2004 à 2009, le système fiscal a connu une série de réformes à sens unique, allégeant l’impôt sur les sociétés et les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu, maintenant l’exonération de la taxation des dividendes et réduisant les droits pesant sur les mutations, donations et successions, toutes mesures s’inscrivant dans la même logique que celles qui ont été prises dans notre pays, notamment depuis 2007 !

De fait, la Grèce, aujourd’hui, condense les effets des choix européens : critères de convergence inatteignables, concurrence entre les territoires et les peuples, soumission à la dictature des marchés financiers, autisme d’une Banque centrale européenne rivée sur son objectif unique de stabilité des prix.

D’autres choix auraient pu être faits, y compris dans notre pays. Il n’est pas normal que l’État s’endette et s’appauvrisse pour venir au secours des banques sans contreparties. Les créanciers de la Grèce doivent mettre la main au porte-monnaie !

Au lieu de solliciter l’endettement des États membres de la zone euro, il aurait peut-être été plus sensé que la Banque centrale européenne mette autour de la table les banques et compagnies d’assurance, largement aidées en 2008 et 2009, pour qu’elles prennent à leur charge une partie du « défaut » grec.

Quand on pense que l’État grec a avancé 30 milliards d’euros pour préserver son secteur financier domestique, on mesure ce que représentent les échéances en souffrance ! Et comme nos comptes publics sont mis à mal, nous devons dégager immédiatement de nouvelles ressources, afin d’éviter que le syndrome grec ne finisse, un jour, par nous atteindre.

Ce n’est pas dans le dumping fiscal et social, ni dans la réduction de la dépense publique, ni dans le financement exclusif des dettes des États par les marchés que nous rendrons à l’Europe corps et sens pour nos compatriotes. Le mythe de la stabilité économique de l’Union vient de partir en fumée. Telle est la grande leçon de cette crise, qui est loin d’être dénouée par ce projet de loi.

Ce texte, replié sur la préservation de la rentabilité des marchés, assorti des mesures d’austérité les plus dures que le peuple grec ait eu à subir depuis la Seconde Guerre mondiale, contribuera à plonger la Grèce dans une récession très grave et dommageable pour toute l’Europe.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous nous y opposerons sans la moindre équivoque.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion