Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Malgré de longues tergiversations, en particulier de la part de l’Allemagne, notamment pour des raisons sous-jacentes de politique intérieure – peut-être y reviendrons-nous –, l’Union européenne est parvenue à s’accorder sur un plan de sauvetage, il est vrai coordonné avec le FMI.

De quoi s’agit-il ? Soyons clairs et n’ayons pas peur des mots : il s’agit, tout simplement, d’un plan sans précédent destiné à sauver de la banqueroute la plus vieille démocratie d’Europe.

Toutefois, adopter un plan ne suffit pas. La réussite de ce dernier est essentielle, sans quoi il n’est pas certain qu’un deuxième plan de sauvetage sera possible…

Nous avons constaté ces derniers jours à quel point les marchés étaient fébriles ; on le sait, leur attention se porte déjà sur l’Espagne, le Portugal, peut-être même l’Italie, qui seraient soumis à des spéculations encore plus véhémentes si les finances de la Grèce ne parvenaient pas à se relever. Nous serions tous responsables – les Grecs au premier chef, mais les autres peuples également – si nous ne réagissions pas, car l’effet boule de neige serait sans nul doute irréversible.

Mes chers collègues, devant l’urgence de la situation, il est à souligner que la France apparaît encore en position d’initiative et de moteur, puisqu’elle est le premier pays membre de la zone euro à présenter son plan national d’aide à l’État hellénique, sous la forme d’un collectif budgétaire.

Cette aide européenne prend la forme de prêts bilatéraux coordonnés dans le cadre d’un accord intergouvernemental, sous l’égide de la Commission européenne, en liaison avec le FMI.

La contrepartie de cette aide – car il y en a une – est la mise en œuvre par la Grèce d’un plan de rigueur et d’assainissement de ses finances publiques. Mme la ministre l’a annoncé, ce plan a été adopté ce soir par le Parlement grec.

Mais, à regarder de plus près, on constate que les difficultés économiques et financières de la Grèce sont antérieures même à la crise ; elles seraient la conséquence : d’une administration clientéliste, du fléau de la corruption, qui aurait coûté 1 milliard de dollars à l’économie grecque en 2009, d’une industrie subventionnée excessivement par l’État, d’un double marché du travail, à la fois légal et illégal, d’une forte perte de compétitivité, qui a entraîné une détérioration du solde commercial, d’un déficit extérieur important. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est le FMI…

Ajoutons que l’entrée de la Grèce dans l’Union européenne, puis dans la zone euro, lui a permis non seulement de faire reposer très largement sa croissance sur les seuls fonds structurels, mais aussi d’emprunter à des taux plus bas, si bien que ce pays n’a pas accompli les efforts de rigueur nécessaires et a vu son endettement exploser, jusqu’à dépasser 100 % de son PIB, avant même l’éclatement de la crise financière.

La Grèce, comme d’autres pays du sud de l’Europe, a subi de plein fouet la crise financière et économique apparue après la faillite de la banque Lehman Brothers au mois de septembre 2008, avec une forte dégradation de ses conditions relatives de financement.

À cela s’est ajoutée une irresponsabilité conduisant à un manque de rigueur, pour ne pas dire à une falsification de ses statistiques. À l’automne dernier par exemple, le gouvernement grec estimait son déficit public national à 6 % du PIB, alors qu’il avoisinait en réalité les 13 %. Il ne s’agit pas d’un cas isolé, car, déjà en 2004 et en 2008, la Grèce avait truqué ses chiffres, ce qui avait entraîné une crise de confiance des marchés lors de leur révision à la hausse.

L’État grec a en outre été victime de la spéculation. Les marchés ont parié sur les difficultés pour la zone euro d’un éventuel défaut de paiement de la Grèce. La dégradation de sa note par une agence de notation au pire moment, alors que cet État se trouvait déjà fortement affaibli, n’a fait qu’ajouter de la crise à la crise.

Face à ce constat, il importait pour l’Union européenne, en particulier pour l’Eurogroupe, de réagir, et ce pour plusieurs raisons.

Elle devait d’abord le faire au titre des valeurs fondatrices de l’Union européenne, au premier rang desquelles figure la solidarité. Robert Schuman, père fondateur de l’Europe, préconisait une « solidarité de fait ». Ce principe de solidarité a été posé dès le mois de février dernier par les pays membres de la zone euro, sur l’initiative du Président Nicolas Sarkozy.

Mais, au-delà-même de cette exigence de solidarité, prime l’impératif économique. La banqueroute de ce pays remettrait en cause la stabilité de la zone euro, voire la monnaie unique elle-même.

L’abandon par la zone euro de l’un de ses membres, outre le fait qu’il plongerait la Grèce dans une situation inextricable, pourrait entraîner un effet « boule de neige », comme ce fut le cas lors de la faillite de Lehman Brothers, en envoyant un signal désastreux qui favoriserait l’offensive financière contre d’autres États, comme le Portugal ou l’Espagne.

Gardons-nous de commettre deux fois la même erreur. Quand on a laissé couler Lehman Brothers, tout le système bancaire s’est effondré comme un château de cartes ou plutôt par un effet domino.

En outre, un défaut de paiement de la Grèce serait très douloureux pour les porteurs de la dette grecque. Or ses créanciers sont à 74 % les banques et assurances étrangères, notamment françaises, allemandes et italiennes, qui se remettent tout juste de la crise des subprimes, même si ces établissements ont depuis la crise de 2008 couvert une partie de leurs portefeuilles obligataires par des titres fonctionnant comme des assurances contre le risque de défaut, les fameux CDS, credit default swap. Je ne rappellerai pas les chiffres, M. le ministre les a indiqués.

Le groupe UMP se félicite que l’amendement du Gouvernement présenté à l’Assemblée nationale ait été voté par nos collègues députés, afin qu’il soit tenu compte des résultats de l’accord conclu le 2 mai dernier par les ministres des finances de la zone euro.

L’aide française est donc portée à 16, 8 milliards d'euros sur trois ans.

Mes chers collègues, il ne faut pas nous bercer d’illusions. Ces trois années ne suffiront sans doute pas et il se peut que l’aide soit appelée à se prolonger. Il était en tout cas important de donner plus de visibilité à notre action à moyen terme, afin de rassurer les marchés et de tenter de faire cesser la spéculation. Cette aide financière ne devrait pas avoir d’impact sur nos finances publiques, puisqu’elle prend la forme de prêts, ainsi que nous l’a expliqué M. le ministre.

Nos compatriotes s’interrogent : la France perdra-t-elle de l’argent – beaucoup d’argent – dans cette affaire ?

De la même manière que l’aide financière aux banques, consentie sous la forme de prêts avec intérêts, avait rapporté 2 milliards d'euros à l’État, ces prêts à la Grèce devraient rapporter plusieurs centaines de millions d’euros d’intérêts.

Le taux retenu, 5 %, fait débat. Or c’est celui qui a été décidé par la réunion des chefs d’État et de Gouvernement et il ne peut être remis en cause par les parlements nationaux.

Certains membres de l’opposition en France, notamment communiste, jugent ce taux usuraire. Pour sa part, le groupe UMP approuve ce taux, qui est le fruit d’un équilibre. Nos concitoyens le comprennent.

Il convient d’abord de noter que, si la Grèce parvenait de nouveau à se financer sur les marchés, elle serait contrainte aujourd’hui d’emprunter à un taux de plus de 12 % Par ailleurs, ce taux non concessionnel fixe à 5 % sur trois ans est peu ou prou équivalent au taux consenti par le FMI à taux variable.

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