Mon intervention portera globalement sur la question de la lutte contre le financement du terrorisme. Ce qui la motive, c’est d’abord son importance essentielle : la finance est le nerf de la guerre et, comme vous le savez, nous sommes en guerre contre le terrorisme.
Or force est de constater que ce projet de loi volumineux ne comporte qu’un nombre limité de dispositions financières : trois dispositions principales et aucune ne visant à rendre plus transparents les circuits de transferts de capitaux en général.
Vous en ayant fait la remarque, monsieur le garde des sceaux, lors de votre audition par la commission des lois, vous m’avez répondu que, « parmi les membres du groupe d’action financière, le GAFI, la France fait partie des pays les mieux armés, avec TRACFIN, pour lutter contre le blanchiment d’argent et n’est pas si complaisante que vous le dites » – j’ai été un peu piquant – « vis-à-vis de ses banques. »
Sans méconnaître les avancées, quoiqu’un peu tardives, apportées par le présent texte dans la lutte contre le « microfinancement du terrorisme » – le plafonnement des cartes prépayées à l’article 13, même si j’ai cru comprendre que mon collègue Jean-Yves Leconte était quelque peu sceptique sur l’efficacité de cette mesure, ou l’établissement d’une liste de documents justificatifs pour le transfert de sommes à l’étranger via des sociétés du type Western Union à l’article 16 quater – et encore moins le rôle tout à fait essentiel de TRACFIN, dont les effectifs mériteraient d’être renforcés – TRACFIN dont, vous le savez, les prérogatives seront renforcées avec les articles 14, 15 et 15 bis. –, je ne peux pas ne pas constater que l’essentiel manque.
Quel est le problème essentiel ? Nous n’avons pas vraiment accès aux données financières véhiculées par le système SWIFT, cette société pourtant européenne par laquelle transitent entre 80 % et 90 % des ordres financiers mondiaux.
Plus exactement, de quoi s’agit-il ? Dès la mise en place de son programme de lutte contre le financement du terrorisme, le Trésor américain, lui, obtenait de SWIFT les renseignements qu’il désirait. L’émoi du Parlement européen contre cette ingérence – atteinte à la vie privée et au secret des affaires ; il est très sensible sur ce point – nécessitant un accord avec l’Union européenne, qui n’a pas de politique commune en matière de lutte contre le financement du terrorisme, on arrive à une situation assez étrange : les États-Unis ont directement accès aux données SWIFT quand l’Union européenne doit se contenter des renseignements que les États-Unis veulent bien lui fournir.
Le récent rapport de Jean-Pierre Sueur intitulé Filières « djihadistes » : pour une réponse globale et sans faiblesse fait au nom de la commission d’enquête sénatoriale arrivait donc à cette conclusion : « Il est “ubuesque” que des données générées et stockées dans l’Union européenne soient envoyées aux services américains, charge à eux d’attirer l’attention des services des États membres sur certains dossiers ». D’où sa proposition de bon sens : Créer un programme de même nature que celui des Américains.