Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 30 mars 2016 à 21h30
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Articles additionnels après l'article 16

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances :

Je remercie le rapporteur d’avoir ouvert le débat.

Il est tout d’abord légitime de s’interroger sur le rapport de la mesure qui nous est proposée avec le texte dont nous débattons. La disposition vise toutes les infractions connexes, ce qui met fin au monopole de l’administration fiscale en matière de poursuites. Au-delà de cette remarque, des raisons à la fois de fond et de forme conduisent à s’opposer à cet amendement.

Sur le fond, quelle est la voie des poursuites la plus efficace ? Par l’administration fiscale ou par le juge judiciaire ?

En matière de lutte contre la fraude fiscale, un certain nombre de dispositions prévoyant des pénalités de 40 %, voire de 80 % en cas de mauvaise foi avérée, et les moyens de recouvrement de l’administration établis dans le livre des procédures fiscales sont sans doute plus efficaces que la voie judiciaire, laquelle – je prie M. le garde des sceaux de bien vouloir excuser cette remarque – est souvent plus longue et offre des voies de recours également longues. Pour d’autres infractions, notamment en matière boursière, les poursuites de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, sont plus rapides et plus efficaces que des poursuites judiciaires, dont certaines s’achèvent au bout de dizaines d’années.

Sur la forme, une question de calendrier se pose. Aujourd'hui même, le président du Sénat a été informé par le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation lui avait adressé deux questions prioritaires de constitutionnalité concernant les deux célèbres affaires Wildenstein et Cahuzac.

Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer très prochainement sur une question simple : peut-on poursuivre une même infraction à la fois sur le plan fiscal et sur le plan pénal ? C’est une question essentielle, qui fera d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi prochainement. Je suis moi-même l’auteur d’une proposition de loi en la matière.

Si le Conseil constitutionnel devait valider le principe non bis in idem, comme il l’a d’ailleurs fait dans d’autres cas, notamment pour les délits boursiers, l’adoption de cet amendement nous placerait devant une difficulté. L’administration fiscale n’aurait plus le monopole de la poursuite, et nous serions confrontés à des situations de conflit, puisque la même infraction fiscale ferait l’objet de poursuites à la fois par le fisc et par le juge judiciaire.

Compte tenu de l’actualité, la décision de la Cour de cassation datant d’aujourd'hui, il me semble tout à fait prématuré d’adopter cet amendement avant la décision du Conseil constitutionnel.

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