Intervention de Guillaume Pepy

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Audition de M. Guillaume Pepy président-directeur général de sncf mobilités et de M. Jacques Rapoport président-directeur général de sncf réseau

Guillaume Pepy, président-directeur général de SNCF Mobilités :

Je vous remercie pour vos interpellations. Certains mots nous touchent, vous avez parlé de la SNCF qu'on aime, qui est une belle entreprise. On a beaucoup parlé de ce qui ne va pas, des trains qui n'arrivent pas à l'heure. Je signale au passage qu'une autorité administrative indépendante surveille ces questions : l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST). Elle publie un rapport chaque année, dont il ressort que la France n'est pas si mauvaise que cela. En moyenne, 90 % des trains français arrivent à l'heure. Cette moyenne est de 80 % en Allemagne. Nous n'avons donc pas forcément à avoir honte de la performance de notre système ferroviaire. Beaucoup de choses sont à améliorer, mais il est important que notre entreprise publique nationale soit soutenue.

L'ouverture à la concurrence est la perspective dans laquelle nous nous inscrivons. Les textes européens ont prévu une date limite, 2019 ou 2026 selon qu'il s'agit des TGV ou des trains TER et Intercités. C'est une date limite que le Parlement peut décider à tout moment d'anticiper : il n'a pas fait ce choix. Nous nous préparons activement à cette échéance pour éviter ce qui s'est passé dans le fret, c'est-à-dire une dégringolade.

En réponse à l'intervention de M. Nègre, je souhaite réaffirmer que la sécurité des circulations est la priorité absolue de l'entreprise dans tous les domaines, que ce soit l'investissement, le management, le suivi ou encore la culture cheminote. Un accident c'est trop, deux accidents c'est pire. Nous avons donc pris toutes les décisions pour que cela ne se reproduise pas.

M. Vaspart, concernant l'état des trains du TGV Atlantique, il s'agit effectivement de trains fatigués, dont l'état général n'est pas satisfaisant. Nous avons engagé un renouvellement en deux étapes : une première commande de quarante trains sera livrée à partir de cette année, et une seconde à partir de 2019-2020.

Sur la question du temps de travail, les chiffres que vous mentionnez ne sont pas exacts. Les cheminots de la SNCF ne sont pas aux 32 heures mais aux 35 heures. Les conducteurs de TGV ne travaillent pas 18 heures. Leur temps de travail est très ajusté et dépend évidemment des horaires de train. La productivité des conducteurs de TGV en France est très importante.

M. Bérit-Debat, concernant la ligne Bordeaux-Limoges, je pense que la grande région permettra de progresser. Jusqu'à présent, les deux régions Limousin et Aquitaine ne s'étaient pas mises d'accord sur la manière d'améliorer ce tronçon. Avec la grande région, il y a eu une remise à plat des horaires TER qui va permettre d'améliorer les choses.

Sur Périgueux, aucune fermeture n'est prévue mais il est vrai que lorsqu'on achète des trains neufs, on ne rénove plus les anciens. Il faut donc trouver, avec des personnels qui ont la garantie de l'emploi, d'autres charges de travail.

Monsieur Cornu, nous dénombrons effectivement onze lignes sensibles : le bilan détaillé figure sur le site Internet de la SNCF et nous vous le transmettrons. Dix lignes ont fortement progressé, mais il est vrai que la ligne Paris-Amiens pose encore des problèmes. En ce qui concerne Paris-Chartres-Le Mans, Paris-Saint-Pierre-des-Corps et Paris-Orléans-Tours, les choses ont progressé et doivent continuer à progresser.

Madame Jouanno, vous nous avez interrogés sur l'intermodalité en Ile-de-France. Nous en avons parlé avec la présidente Valérie Pécresse, il y a quelques jours. Tout l'enjeu est de faire en sorte, qu'autour de la colonne vertébrale du train, on développe une offre de transport de proximité. Nous avons créé l'entreprise IDVROOM dont le métier est d'accompagner les franciliens pour les derniers kilomètres qui séparent la gare de leur domicile : nous sommes les premiers sur ce nouveau secteur. Nous nous sommes également mis d'accord sur une modernisation de la billettique en Ile-de-France en réfléchissant au successeur du Pass Navigo. Il s'agira probablement d'un système sans contact multimodal : on doit pouvoir avoir le train, le bus, le tramway, le métro, le covoiturage, la voiture en libre-service et le vélo en libre-service sur le même support. Nous avons lancé ce chantier il y a quelques semaines.

Monsieur Revet, nous sommes en train de trouver la solution pour faire enfin fonctionner le terminal multimodal du Havre. Nous travaillons avec le groupe CMA-CGM, qui sera majoritaire, pour faire en sorte que la part du fret routier recule au profit de la part ferroviaire. Quant à la modernisation de Serqueux-Gisors, il s'agit d'un investissement absolument indispensable pour augmenter la part ferroviaire.

Monsieur Pointereau, je laisse à Jacques Rapoport le soin de vous répondre en détail sur les travaux de fiabilisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT). En ce qui concerne le TGV Brive-Lille, il n'a pas trouvé son marché : le taux d'occupation est inférieur à 30 %, la contribution des deux conseils régionaux Centre et Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin est d'un million d'euros par an. Les élus ont jugé qu'il n'était pas pertinent de renouveler ce conventionnement qui dure depuis cinq ans.

Avons-nous beaucoup délaissé notre transport ferroviaire ? Les chiffrent montrent le contraire. La SNCF a investi 9 milliards d'euros en 2016, soit 25 % de son chiffre d'affaires. Il est rare de trouver une entreprise qui investisse 25 % de son chiffre d'affaires tous les ans ! Sur ces 9 milliards, 85 % sont destinés au ferroviaire, soit environ 8 milliards par an.

Monsieur Fouché, nous partageons vos préoccupations sur la sûreté dans les trains. En ce qui concerne les portiques Thalys, c'est une décision des gouvernements : la Belgique hésite positivement, les Pays-Bas hésitent négativement et l'Allemagne est contre. Voilà la situation en date d'aujourd'hui. Quant à l'idée d'étendre ces portiques ailleurs, nous avons désormais des contrôles d'embarquement, vous l'avez sans doute remarqué dans plusieurs gares, comme la gare Montparnasse ou la gare de Marseille. Nous sommes en train de réfléchir à la façon de les coupler avec un contrôle de sécurité. Nous y travaillons avec des industriels : vous avez mentionné les caméras-piétons et les enquêtes administratives sur les personnels de nettoyage. Ce dernier point est très important : la loi Savary qui vient d'être promulguée, permet désormais d'effectuer ces enquêtes avant le recrutement à la SCNF si l'opportunité s'en fait sentir.

En ce qui concerne les ventes de terrains, nous avons cédé l'année dernière 26 terrains représentant 4 000 logements, principalement sociaux. Nous avons la possibilité en 2016-2017 d'augmenter de moitié ce chiffre.

Enfin, sur Châtellerault, j'ai eu des contacts avec les élus locaux et les pouvoirs publics : les dessertes futures du TGV Tours-Bordeaux seront rendues publiques le 11 avril. Je pense que vous ne pourrez que constater l'ambition de ce niveau de desserte, qui donne tout son sens aux investissements réalisés : il y aura beaucoup de trains avec beaucoup de places et beaucoup de fréquences. Nous avons eu des discussions difficiles avec le concessionnaire : Alain Vidalies a joué le rôle de facilitateur et s'est beaucoup investi dans ce dossier.

Madame Didier, la question des bus n'est pas un choix de la SNCF : il s'agit d'une loi de la République. Fallait-il laisser des sociétés allemandes ou anglaises, comme Flixbus et Megabus, prendre les parts de marchés ? Les entreprises publiques SNCF et Transdev jouent leur rôle, dans le cadre permis par la loi de la République. Il aurait été étonnant que les acteurs français ne participent pas à cette nouvelle offre.

Les chiffres ne sont pas extrêmement inquiétants pour le train. Je vous rappelle qu'un bus comporte 65 places et qu'il y a environ 150 liaisons par jour, soit un total de dix à vingt mille places de bus dans chaque sens tous les jours. Cela représente l'équivalent de dix à vingt rames doubles de la SNCF, sur un total de quinze mille. Le bus, compte tenu de sa capacité limitée, reste marginal.

Je dois reconnaître, qu'on le veuille ou non, que ces bus ont une utilité populaire. L'autre jour, à un départ de bus, j'ai rencontré une dame qui allait voir son fils à Londres pour cinq euros. Jamais nous ne serons capables de proposer un Paris-Londres à cinq euros, sachant que le péage dans le tunnel coûte à lui seul 25 euros. Évidemment, les entreprises qui proposent ces tarifs perdent de l'argent dans un premier temps. Il n'en reste pas moins que ces bus permettent de satisfaire une clientèle populaire pour laquelle le temps, ce n'est pas de l'argent, et pour laquelle c'est l'argent qui compte. Ce n'est pas la panacée, mais même dans mon rôle de patron d'entreprise ferroviaire, je reconnais qu'il y a une clientèle dans les bus qui n'existait pas dans nos trains.

Monsieur Raison, en ce qui concerne le cadre social, notre ambition est de trouver le juste point d'équilibre entre les acquis qu'il faut conserver et les acquis dont il faut rediscuter. Il est très difficile dans notre pays de trouver ce point d'équilibre. Il n'y a qu'une seule méthode possible, c'est la négociation. Si elle venait à échouer, certains salariés ou certaines organisations syndicales pourraient crier victoire, mais cela serait une victoire à la Pyrrhus. Lorsque la concurrence s'installera, la SNCF serait alors en décalage par rapport aux autres entreprises, au regard de l'efficacité de son système social. Le résultat serait : pertes de parts de marché, pertes d'emplois et perte de puissance de l'entreprise. Aussi difficile que soit cette négociation, elle porte vraiment sur l'avenir de la SNCF et de ses emplois.

Monsieur Médevielle, le dossier Toulouse-Euro Sud Ouest (TESO) n'est pas encore bouclé : nous y travaillons avec Monsieur Moudenc. Il s'agit d'une opération très ambitieuse, qui va se dérouler sur cinq à dix ans. Nous y sommes très attachés : ces très grandes gares situées dans des très grandes villes sont aujourd'hui délaissées avec beaucoup de terrains qui pourraient être utiles à la collectivité ou à l'activité économique, comme dans le cas de TESO.

Monsieur Bignon, vous avez évoqué à juste titre le fait que la qualité de service n'est pas au rendez-vous sur Paris-Amiens : c'est parfaitement exact. Nous avons vraiment des difficultés sur cette ligne, qui ne figure clairement pas parmi les succès de la SNCF. Nous devons continuer à travailler sur la régularité, le matériel, l'état de l'infrastructure, le contrôle.

En ce qui concerne la multimodalité avec les ports, je propose de vous faire parvenir le document examiné au dernier conseil de surveillance sur notre politique portuaire : il comporte une dizaine d'actions concrètes que la SCNF met en oeuvre pour faciliter une nouvelle politique portuaire, avec un transport durable à partir des ports.

Monsieur Mandelli, en matière de concurrence avec le covoiturage et les bus, notre projet est plus que jamais de faire gagner le train. Pour cela, nous devons résoudre la question du dernier kilomètre. La SNCF est devenue une entreprise qui fait aussi du porte-à-porte et qui utilise toute la panoplie des mobilités partagées. Ce projet en est à ses débuts et est très prometteur : nous lançons cette année une carte IDPASS qui permet aux voyageurs fréquents d'accéder avec le même support à tous les autres modes de transports, par exemple le stationnement à la gare, l'autopartage, le covoiturage.

Madame Billon, l'arrêt de Luçon relève de l'intercité, donc des décisions de l'État : je ne peux pas avoir de réponse immédiate sur ce dossier.

Monsieur Longeot, en ce qui concerne le renouvellement des matériels, le ministre a pris la décision de faire un appel d'offres. J'espère qu'Alstom va concourir avec un bon produit intercités. Il y a aura d'autres concurrents, mais la responsabilité d'Alstom est d'avoir une proposition imbattable pour les trains intercités de demain. Nous en avons parlé avec le nouveau patron d'Alstom transports, qui partage ce point de vue.

Monsieur Mayet, en ce qui concerne Limoges-Poitiers, le rapporteur public au Conseil d'État a suggéré l'annulation de la déclaration d'utilité publique (DUP). Je n'en sais pas plus, la décision du Conseil d'État sera rendue d'ici quelques semaines.

Monsieur Rapin, sur Paris-Amiens-Boulogne, vous soulevez une question difficile. Je comprends la demande exprimée pour avoir les mêmes tarifs : il est compliqué d'aligner le tarif de marché de l'itinéraire à grande vitesse avec le tarif kilométrique de l'itinéraire intercités. La bonne chose, c'est que les deux itinéraires sont maintenus avec en prime du nouveau matériel qui arrive sur l'itinéraire intercités, commandé par le précédent ministre des Transports, Frédéric Cuvillier : il s'agit de cinq ou sept nouvelles rames Régiolis Alstom. Enfin, l'électrification est prévue dans le cadre d'un contrat de projet État-région.

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