La réunion est ouverte à 9 heures.
Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur le système ferroviaire, après celle de Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) et avant celle de Jean-Pierre Farandou, candidat proposé à la succession de Jacques Rapoport.
C'est parce que le Sénat est très attaché au groupe public ferroviaire qu'il s'inquiète de sa situation actuelle, avec une dette en augmentation continue, qui s'est encore accrue de 3 milliards d'euros en 2015 pour atteindre 50 milliards d'euros, et devrait s'approcher des 60 milliards à horizon 2020-2025 ; la dépréciation d'actifs de 12 milliards rendue publique début mars, avant même la tenue du conseil de surveillance qui devait la valider ; une règle d'or dont le respect ne nous paraît pas assuré ; un état du réseau dégradé, dont témoigne l'accident de Brétigny, qui a par ailleurs donné lieu à des accusations très graves. Et je ne reviens pas sur d'autres sujets, tels que les problèmes récurrents de ponctualité et de confort, la suppression de TER faute de conducteurs, le recul observé sur les portiques de sécurité ou votre opposition à l'Arafer sur la question de la tarification du réseau et des gares.
Nous attendons de vous un discours de vérité, en particulier sur la situation financière du groupe public ferroviaire et la négociation sociale en cours.
Je vous remercie de nous donner cette opportunité d'échanger avec la représentation nationale. Le fait que nous parlions de moins en moins de la réforme ferroviaire d'août 2014 est positif, car cela signifie qu'elle est mise en oeuvre comme prévu. Les institutions ont été mises en place et fonctionnent ; le système ferroviaire a retrouvé une cohésion humaine, après dix-huit ans de « guerre des tranchées » ; entre le gestionnaire du réseau et l'opérateur historique, les fonctions essentielles sont assurées en toute indépendance ; nous avons dépassé les objectifs de productivité sur lesquels nous nous étions engagés ; nous progressons enfin sur la gestion du foncier et de l'immobilier, autrefois source d'insatisfactions, comme en témoigne la série de protocoles signés en Ile-de-France.
Deux grands sujets restent à traiter. Le premier, beaucoup plus préoccupant que la situation financière, est l'état dégradé de notre réseau. Mon successeur n'aura pas la tâche facile, car SNCF Réseau est le dépositaire d'un patrimoine national en danger. Je ne parle pas ici des lignes à grande vitesse ou des ouvertures de ligne, mais des 20 000 à 25 000 kilomètres qui n'ont pas bénéficié des investissements requis depuis 25 à 30 ans, sur notre réseau de 30 000 kilomètres. Si l'on peut comprendre que des dépenses de renouvellement aient été reportées sur cinq ou dix ans, de tels reports ne devraient pas avoir lieu sur une période de trente ans. L'infrastructure ferroviaire n'est pas strictement arithmétique et logique : à partir d'un certain âge, la prévisibilité des investissements décroît, et la science de l'ingénieur n'est pas illimitée. L'âge moyen des voies est de 33 ans, soit le double de ce qui est observé en Allemagne. Il s'agit d'un réel risque et la seule priorité que nous devons avoir est celle de la préservation de ce patrimoine. Dans ce contexte, le débat sur la dépréciation d'actifs présente peu d'intérêt au regard de la valeur totale de notre réseau, qui avoisine les mille milliards d'euros.
Beaucoup de sujets entrent en compte dans la négociation du contrat de performance avec l'État, mais c'est la trajectoire de renouvellement qui me semble la plus importante. Il est possible d'augmenter les dépenses de renouvellement sans augmenter la dépense publique, à condition de reporter un certain nombre de projets de développement - dont je ne remets pas ici en cause l'utilité ou la pertinence, mais le caractère prioritaire. La priorité, pour les dix à quinze ans à venir, doit être la remise à niveau de la partie la plus circulée du réseau, qui est possible malgré la contrainte financière.
La situation financière résulte d'une stagnation des recettes et d'une augmentation des dépenses. Les péages ont augmenté de 5% par an pendant des années, sans que SNCF Réseau puisse en bénéficier puisque les gains en résultant ont été affectés aux nouveaux projets pour compenser la diminution des subventions. Aujourd'hui, le TGV paie 800 millions d'euros de péages de plus qu'il y a dix ans, et pour les régions, cet écart se chiffre à 200 millions d'euros. On ne peut aller au-delà, et ces recettes vont peut-être même diminuer, car l'Arafer, qui possède un pouvoir de décision dans ce domaine, estime que ces péages sont trop élevés par rapport à ce qu'exige le droit européen. Quant aux charges, elles augmentent non pour des raisons de productivité insuffisante, mais parce qu'il faut désormais assumer des dépenses importantes de remise à niveau.
Je partage votre préoccupation sur l'état du réseau. Quand vous évoquez un âge de 33 ans, vous parlez d'une moyenne, nous savons que certaines portions du réseau ont plus de 100 ans.
La promesse de la réforme était d'avoir un système ferroviaire plus simple, plus efficace, plus économe. L'exemple de la gestion de l'immobilier montre que nous commençons à réussir à simplifier, puisque l'an dernier, 26 cessions ont été réalisées au profit des collectivités, soit l'équivalent de 4 000 logements ; c'est deux fois plus que l'année précédente. Nous gagnons en efficacité avec la disparition des conflits entre les travaux sur le réseau et la circulation des trains, particulièrement visible en Ile-de-France. Sur le dernier volet, nous avons réalisé 653 millions d'euros d'économies en 2015, soit plus que l'objectif de 500 millions d'euros que nous avions annoncé. En 2016, nous prévoyons de 650 à 750 millions d'euros d'économies, ce qui prouve que nous pouvons dépenser moins.
Le système ferroviaire doit atteindre le petit équilibre, entre les charges et les dépenses, pour pouvoir traiter, ensuite, la question du désendettement, sur laquelle le Gouvernement doit remettre un rapport d'ici l'été. Pour cela, il faut réaliser des efforts en matière de performance, revoir notre cadre social et redéfinir certains modèles.
La modernisation du cadre social est un succès. L'année dernière, plus de vingt accords ont été signés, dont dix à l'unanimité. Trois chantiers sont encore devant nous. La négociation sur l'évolution des régimes de travail et la façon dont nous appliquons les 35 heures a démarré et doit aboutir d'ici la fin du mois de juin, puisque le cadre actuel ne sera plus applicable à partir du 1er juillet. Nous abordons également en ce moment la question de la polycompétence, pour développer la polyvalence des agents. Enfin, l'organisation du groupe doit être repensée sur le terrain pour que certains problèmes puissent y être réglés directement, au lieu d'être bloqués dans l'attente d'une décision provenant des échelons supérieurs. L'enjeu de cette modernisation négociée du cadre social est de savoir si l'on fera plus ou moins de trains, et si le groupe public ferroviaire sortira vainqueur ou vaincu du jeu de la concurrence. Il en va de l'avenir de l'entreprise et de ses emplois. Les discussions ont commencé sérieusement et progressé, et nous faisons tout pour éviter un rapport de force, même si l'histoire de notre pays montre qu'on ne peut pas exclure qu'il y en ait un.
Sur les gares, le Gouvernement prépare le rapport qu'il doit rendre à ce sujet d'ici l'été. Le contexte a déjà beaucoup évolué depuis les propositions faites par Fabienne Keller il y a sept ans. Nous devons trouver une solution pour accélérer le financement de la rénovation des gares, pour rattraper le retard accumulé par la France dans ce domaine. Nous devons faire en sorte que les régions jouent pleinement leur rôle dans les gares régionales, et que des recettes soient trouvées pour financer d'autres projets dans les gares nationales. Plusieurs projets sont devant nous : à la gare d'Austerlitz, à la gare du Nord et à la gare Montparnasse, ainsi que dans une vingtaine de gares de province qu'il faut rénover dans les cinq ou dix ans à venir.
En ce qui concerne les trains Intercités, c'est l'État qui est le décideur. Il faut assurer le renouvellement intégral du parc roulant, car les trains Corail ont quarante ans et sont en fin de vie. L'État a pris des décisions en ce sens, avec l'achat de matériel existant chez les industriels, et le lancement d'un appel d'offres pour avoir un nouveau train rapide, électrique, moderne. Il y a aujourd'hui 300 trains et 100 000 utilisateurs par jour. C'est bien leur sauvetage qui est recherché, et non leur suppression. La situation est beaucoup plus compliquée pour les trains de nuit, qui disparaissent peu à peu en Europe, en raison du développement de l'hôtellerie économique et du développement de la grande vitesse. L'État ne souhaite plus les subventionner, sauf deux d'entre eux, le Paris-Rodez-Latour-de-Carol et le Paris-Briançon, pour des raisons d'aménagement du territoire. Pour les autres, le secrétaire d'État aux transports a souhaité qu'il y ait un appel à candidatures pour que ces services soient assurés soit par des acteurs privés, soit par les collectivités territoriales qui le souhaitent.
Vous avez tous décrit ce matin, à commencer par le président de la commission, la situation de la SNCF au sens large. Il y a des points positifs, comme par exemple les six orientations relevées par M. Rapoport. M. Pepy a également rappelé l'ambition de faire plus simple, plus économe, plus efficace. Votre chiffre d'affaires progresse et vous achetez un certain nombre de sociétés, notamment en Afrique du Nord, ce qui contribue à étendre l'influence de la SNCF qui est soumise à une rude concurrence.
Cependant, la note d'ambiance que je souhaite souligner est beaucoup moins positive. Je précise d'emblée qu'en disant cela, je ne parle pas des hommes, que ce soit le président de SNCF Mobilités ou le président de SNCF Réseau. Je crois que vous êtes tous deux passionnés et engagés.
C'est plutôt le système lui-même qui est en cause. C'est le rôle de l'État stratège, qui ne vous donne pas les moyens nécessaires pour réussir. Si l'on compare ce que la France consacre à son industrie ferroviaire, c'est-à-dire 70 euros par habitant, à ce que la Suisse y consacre de son côté, 220 euros par habitant, on comprend qu'il est difficile d'atteindre les objectifs.
Aujourd'hui, la dette dépasse pour la premières fois 50 milliards d'euros. En outre, la dépréciation d'actifs que l'on constate n'est pas qu'un jeu d'écritures : vous aurez plus de difficultés pour obtenir des taux compétitifs auprès des banques.
Le deuxième problème concerne la sécurité : nous avons aujourd'hui des accidents, y compris mortels. Le rapport de la Cour des comptes montre que nous avons du matériel qui parfois date de plus de 90 ans.
Enfin, et c'est le principal, le résultat n'est pas bon pour un voyageur lambda. Pour les TET par exemple, le matériel a plus de quarante ans. Dans ma région, il y a aussi ce qu'on appelle les « naufragés du TER ». C'est la même chose dans d'autres régions.
En résumé, la dégradation de la qualité du service, la dépréciation des actifs et la dette brossent un tableau moins optimiste que celui que vous avez présenté.
Je souhaiterais donc savoir comment redresser la barre dans ces conditions.
Je voudrais remercier le président Rapoport. Je vous avoue m'être demandé, de manière un peu polémique, s'il fallait être sur le départ pour tenir un tel langage de vérité. Je prends aujourd'hui très régulièrement le train et je suis assez surpris de leur état, notamment des TGV Atlantique. Ils sont sales, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur et le réglage des sièges est défectueux. C'est beaucoup moins le cas sur la ligne Paris-Lyon.
Je suis d'accord lorsque le président Rapoport dit que le réseau constitue le patrimoine national, même si ce n'est peut-être pas vrai pour l'ensemble du réseau, qui est gigantesque. En revanche, un certain nombre de réseaux secondaires n'ont pas été entretenus depuis quarante ans, en particulier en Bretagne : ils devraient être prioritaires. Je veux bien qu'on continue à construire des lignes TGV alors qu'on est tout de même bien desservis sur le territoire national, mais cela ne doit pas être au détriment de l'entretien du réseau qui fait rouler notamment des TER pour les gens qui vont au travail. Il n'y a pas de moyens financiers. Je ne sais pas si les régions seront en capacité de dégager des moyens supplémentaires. Quant aux intercommunalités, c'est devenu très compliqué depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. On sait qu'il est extraordinairement difficile aujourd'hui de dégager des moyens.
Vous avez également souligné les efforts importants de productivité. Vous avez cité des chiffres. En revanche, certains rapports montrent qu'à la Deutsche Bahn, les conducteurs de trains travaillent 38 heures par semaine et les conducteurs d'ICE roulent 32 heures alors qu'en France, les conducteurs travaillent 32 heures par semaine, dont 18 heures de conduite. Est-ce vrai ?
Je crois que nous allons devoir faire des choix. Quels seront-ils ?
Je remercie nos deux présidents de leur exposé. Je suis sénateur de Dordogne. Pour prendre le TGV aujourd'hui, je dois aller à Angoulême en voiture. Demain, je pourrai peut-être le prendre à Libourne si le cadencement est adapté. Si je veux partir de Périgueux, je mets 4h30 pour arriver à Paris-Austerlitz.
J'ai deux questions précises. La nouvelle région Aquitaine - Limousin - Poitou-Charentes va-t-elle permettre d'améliorer la ligne de TER Bordeaux-Limoges, qui auparavant dépendait des régions Aquitaine et Limousin ?
M. Pepy a parlé de la fin du cycle des trains Corail. Cela impacte directement deux ateliers industriels de l'agglomération de Périgueux : l'atelier SNCF de Chamiers et l'atelier SNCF de Périgueux, qui aujourd'hui travaillent sur les voitures Corail et voient donc leur plan de charge diminuer. Que va-t-il advenir des salariés de ces sites dans le cadre de la restructuration ?
C'est très intéressant de pouvoir vous entendre, les deux présidents ensemble. M. Pepy, il y a deux ans je crois, vous aviez identifié une quinzaine de lignes catastrophiques en France. Quelle est l'amélioration sur ces lignes aujourd'hui ? J'en utilise une pour ma part : celle du TER Chartres-Paris. L'embouteillage aux abords de Paris pose problème. Vous allez d'ailleurs bientôt inaugurer la gare de Chartres, qui a un fonctionnement d'intermodalité exceptionnel. J'ai l'impression que la ligne Châteaudun-Paris Austerlitz est également en train de se dégrader.
M. Rapoport, la question du réseau en Ile-de-France est centrale. Mon collègue Louis Nègre a évoqué l'âge des caténaires mais on pourrait aussi évoquer l'âge des tunnels, qui ont plus de cent ans en général. En conclusion, vous avez dit que si la priorité était à la remise à niveau du réseau, cela pouvait se faire dans de bonnes conditions financières. Pouvez-vous développer ce point ?
M. Pepy, ne pensez-vous pas que SNCF Mobilités pourrait développer des services de multimodalité, notamment en Île-de-France, qui puissent allier des systèmes de covoiturage, d'autopartage et de transports publics ?
La desserte entre Paris et la Normandie est très mauvaise. Il y a rarement un train qui arrive à l'heure, je le constate toutes les semaines. Pourquoi ? Peut-on espérer, la mise en place d'un parcours dédié, avec les lignes existantes, sans arrêt intempestif ?
Sur le fret, qu'en est-il du centre multimodal du Havre ? Va-t-on l'utiliser ? J'ai bien compris qu'il y avait des freins. Je suis en train de mener des auditions sur ce sujet avec la députée Valérie Fourneyron. Pourquoi y a-t-il des réticences à utiliser ce centre multimodal ?
L'ingénieur à l'origine du Port 2000 du Havre était M. Graillot : le résultat est magnifique en tant qu'espace portuaire ; en revanche, en termes d'acheminement en amont et en aval, le fret ferroviaire ne représente que 4 % et le fluvial que 10 %, soit plus de 85 % pour la route. M. Graillot nous avait à l'époque fait part de son rêve de faire circuler des trains de 2 kilomètres en réutilisant des lignes existantes qui ne sont plus utilisées depuis parfois trente ou quarante ans, notamment pour aller vers l'Europe centrale. Cette idée pourrait-elle être remise à l'ordre du jour ? J'ajoute que nous sommes en pleine enquête publique sur la ligne Serqueux-Gisors et que ce projet doit être mené à bien malgré la contestation. Pourrait-on enfin utiliser des gares de triage aujourd'hui non-utilisées ?
Je voudrais revenir un instant sur le rapport Duron, qui soulignait la priorité à donner à la modernisation du réseau existant avant de lancer de nouvelles lignes à grande vitesse. J'indique d'ailleurs à mon collègue que les lignes LGV ne desservent pas tout le territoire : la région Centre est la grande oubliée.
Je voudrais vous parler du train Brive-Orléans-Paris-Lille, qui va être supprimé. Beaucoup de gens ne savaient même pas que cette ligne existait. Ne peut-on pas faire de la communication sur ce type de lignes ? On pourrait, avec les offices de tourisme locaux, faire davantage de propositions, avec du train-hôtel ou encore du train-visite par exemple. J'espère que cette ligne pourra redémarrer.
Deuxième point, j'ai l'impression que nous sommes sur la défensive et qu'il n'y a plus de stratégie, ni d'ambition, alors même que le train reste le transport le plus sûr et le moins polluant. Ne pourrait-on pas aussi s'attaquer aux frais de fonctionnement interne de la SNCF ? Il y a un vrai sujet, notamment avec le statut des cheminots. Ne pouvez-vous pas vous recentrer sur votre métier de base, à savoir le train, plutôt que de dériver sur le transport routier ou encore le covoiturage, au détriment du transport ferroviaire.
Je suis pour ma part complètement satisfait par la ligne LGV Paris-Bordeaux. Par ailleurs, j'ai siégé pendant longtemps au conseil d'administration de RFF et je voudrais souligner que tous les politiques ont des responsabilités sur ce sujet. Les élus de tous bords politiques ont véritablement harcelé RFF pour avoir de nouvelles lignes, ce qui a conduit RFF à s'endetter pour mener un grand nombre d'études au détriment de l'entretien.
En ce qui concerne la sécurité, nous avons fait un rapport avec mon collègue Bonhomme. J'ai quelques questions à ce sujet :
- pourrez-vous obtenir que les mêmes portiques que ceux qui ont été installés pour les Thalys à la gare du Nord soient installés à Bruxelles, Amsterdam et Cologne ?
- quelle est votre possibilité de financement des portiques aléatoires, tels que nous les avons proposés ?
- que pensez-vous de la mise en place de caméras-piétons dans les gares ?
- allez-vous poursuivre le contrôle des personnels de nettoyage ? Cela me paraît important.
- quel est votre planning de sécurité sur la durée et combien cela va-t-il coûter ?
Je suis en outre surpris de voir que vingt minutes avant l'affichage d'un TGV, les trains sont à quai, portes ouvertes. Cela ne devrait pas être le cas. N'importe qui peut ainsi monter dans le train.
Concernant le personnel navigant, il est insuffisant.
Autre point, où en êtes-vous sur les ventes de terrains et les ventes de gares ? J'ai posé la question à plusieurs reprises et les réponses sont très évasives. Vous avez un patrimoine important qui est délaissé depuis des années, des gares abandonnées et des terrains non vendus.
Enfin, en ce qui concerne la desserte d'un certain nombre de villes sur la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux, vous avez reçu des courriers des villes d'Angoulême et de Châtellerault. Je sais très bien les promesses faites par la SNCF à l'époque : des engagements précis ont été pris pour que les gares restent desservies. Les collectivités ont cessé de donner leurs financements pour l'année passée. La région n'a rien voulu financer en Poitou-Charentes. Le maire de Châtellerault aimerait avoir des précisions sur ce sujet et surtout que les engagements soient tenus.
Je remercie les deux présidents pour la qualité de leur présentation. Ils ont situé les choses à un bon niveau, à savoir sur la question du patrimoine. Nous sommes depuis trente ans dépositaires d'un patrimoine national qui n'est pas entretenu, trente ans pendant lesquels les gouvernements de tous bords n'ont rien fait. Vous indiquez qu'il ne peut y avoir qu'une priorité : notre patrimoine national de mille milliards d'euros. Il est irresponsable de ne pas l'entretenir, tant du côté de l'État que des parlementaires qui votent le budget chaque année. Le seul sujet selon vous est la trajectoire de renouvellement, qu'on ne pourra pas tenir si l'on accroît les projets de développement. Il faudrait donc les reporter. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là ?
De nombreux collègues ont évoqué l'état de leurs lignes de trains. Y a-t-il des différences d'une région à l'autre ? Pour quelles raisons ?
Nous savons tous que l'état du réseau n'est pas bon. Pouvez-vous nous dire s'il y a un vrai danger ? Est-il vrai que cet état induit des différences de vitesse des trains ?
Concernant les finances, on identifie la responsabilité de l'État depuis trente ans. J'ai été étonnée d'apprendre qu'on n'a même pas laissé l'argent des péages à RFF pour renouveler le réseau. Est-ce Bercy qui a récupéré cet argent ?
En matière de concurrence, qu'en est-il par rapport aux bus Macron ? Ils auraient conduit à la création de 900 emplois. N'a-t-on pas ajouté une difficulté supplémentaire pour le ferroviaire, qui doit déjà faire face à la dette et à l'état du réseau ?
Bercy tarde à s'engager sur la rénovation du réseau. Où en sommes-nous précisément ?
Les dossiers relatifs à la SNCF suscitent toujours beaucoup de passion. C'est une entreprise qu'on aime et dont on est fier en France. Les critiques sont à la mesure de cette passion. Nous avons aujourd'hui de bonnes raisons de nous inquiéter.
La SNCF a un riche patrimoine en infrastructures. Le patrimoine matériel, mobile, est en revanche vieillissant. Le patrimoine en termes de savoir-faire est également conséquent. Malgré cela, l'entreprise est en danger du fait de la lourdeur de sa gestion. Sont aux commandes à la fois l'entreprise, l'État et les autorités organisatrices. Les TER constituent un bel exemple : s'il n'y avait pas eu de décentralisation, il n'y aurait plus de TER en France... C'est pour cette raison que les TET sont aujourd'hui en danger. L'autorité organisatrice qu'est l'État ne fait pas son travail. La SNCF a aussi une part de responsabilité. Une entreprise doit se remettre en cause tous les jours, or la SNCF est gérée de manière très statique. La gestion du personnel est très lourde. Un ancien ministre de l'Éducation nationale parlait de mammouth, le terme pourrait être appliqué à la SNCF. Vous avez évoqué, M. Pepy, les métiers. Malgré les réformes successives, rien ne bouge.
L'autre enjeu est celui des choix politiques et stratégiques de l'entreprise. La question de la poursuite des créations de LGV est posée au vu des besoins de rénovation des infrastructures existantes. Sur ces choix importants, la SNCF donne l'impression d'une fuite en avant. Lorsqu'un tronçon ou une ligne ne fonctionnent pas, nous avons tendance à l'abandonner et à investir dans une autre ligne, sans chercher à régler les problèmes. Ces choix stratégiques doivent être remis en cause sans attendre un énième rapport. Certaines décisions doivent être prises rapidement.
Je vous remercie pour la clarté de vos exposés, bien qu'ils soient un peu inquiétants. Si mon collègue Alain Fouché sera bientôt à deux heures de Paris avec l'ouverture du tronçon Bordeaux-Tours, Toulouse reste désespérément à deux heures et quart de Bordeaux... L'agglomération toulousaine, quatrième métropole de France, reste une anomalie dans la desserte TGV. L'arrivée du TGV nous est promise depuis 2004 ; nous n'avons pas avancé douze ans après. Où en est cette ligne ?
Concernant l'opération TESO-Toulouse Euro-Sud-Ouest et le réaménagement du quartier autour de la gare Matabiau en quartier d'affaires de 135 hectares, la métropole a commencé des investissements. Où en êtes-vous de votre côté pour les programmes d'investissement sur cette opération ?
M. Rapoport, vous nous avez parlé très clairement du choix entre rénovation et nouveaux projets. Comme d'habitude, rien ne sera probablement tranché et nous continuerons à mener les deux de front pour satisfaire les pressions exercées sur les territoires. La question est cependant bien posée. Les financements ne sont pas illimités.
Vous nous avez indiqué que vous répondriez si nous posions la question des raisons pour lesquelles l'Arafer n'est pas consultative mais décisionnaire sur la question des péages : je vous la pose donc...
M. Pepy, je ne partage pas le point de vue développé par notre collègue Michel Raison et je trouve extrêmement positifs vos propos sur la modernisation négociée du cadre social. Une des difficultés fondamentales dans la gestion de notre pays réside précisément dans la nécessité de cette négociation. Il n'y aura pas de nouvelle SNCF s'il n'y a pas un nouveau cadre social. C'est très difficile mais c'est porteur d'espoir à long terme.
Je suis usager du train entre Paris et Amiens. Je mentirais en disant que la qualité du service s'est améliorée ces quinze dernières années. Pourquoi le matériel est-il si souvent en panne ? Pourquoi manque-t-il si souvent un conducteur pour conduire le train ? Pourquoi si souvent aucun contrôle n'est exercé ? Certaines anomalies sont totalement déraisonnables à l'époque actuelle. Ces questions me paraissent importantes, au-delà des ambitions que vous avez de faire évoluer le cadre social.
Je rejoins enfin ce que disait Charles Revet. Je fais partie de la même mission que lui, confiée par le Premier ministre, sur les axes Nord, Seine, Rhône et façade Atlantique. Une partie de notre travail consiste à analyser les questions de multimodalité. Les ports sont des voies d'entrée ou de sortie mais ce qui est intéressant c'est leur connectivité avec le reste du territoire, par le chemin de fer, la route et le fleuve. Quelle est la position de la SNCF par rapport à l'efficacité des ports français ? Ainsi que le note le Premier ministre dans sa lettre de mission, on ne peut pas comprendre, compte tenu de la position géographique de la France, que cela marche si mal aujourd'hui par rapport à nos voisins européens.
Ma question porte sur la concurrence. Celle du secteur aérien a été évoquée. Je souhaiterais savoir comment vous appréhendez les nouvelles concurrences que sont le bus, dont vous êtes d'ailleurs un acteur, mais également le covoiturage. Avez-vous mesuré les impacts de ces nouvelles formes de mobilité ? Comment avez-vous décidé de vous y adapter ?
Je suis d'accord avec Evelyne Didier pour dire que les torts sont partagés. Messieurs les présidents, vous avez parlé de « réinventer les modèles ». Pour vous, cela signifie-t-il supprimer des lignes ? Ouvrir à la concurrence ? Remplacer certaines lignes de train par l'autocar ? Vous avez créé une filiale Ouibus. Pouvez-vous nous donner les premiers résultats ? M. Rapoport disait tout à l'heure qu'il fallait se concentrer sur une priorité : les investissements qui s'éloignent de votre coeur de métier n'auraient-ils pas dû être dirigés prioritairement sur les TET ? Je faisais partie de la mission Duron. Les TET participent à l'aménagement du territoire. C'est une priorité pour certains départements. Je suis sénatrice du Sud de la Vendée. Depuis un an, tous les vendredis, une association se mobilise sur les quais pour maintenir l'arrêt de Luçon. On sent une véritable détresse et une attente forte de la population par rapport au maintien de ce service public.
Nous avons entendu M. Rapoport nous expliquer que nous avons un réseau vétuste et un endettement important. Cela a déjà et cela aura un impact certain sur la sécurité dans les trains. Quelles solutions avons-nous et quelles priorités faut-il définir pour l'entretien, les réparations et les mises aux normes des réseaux ?
Le ministre Alain Vidalies a pris une décision concernant les modalités de renouvellement du parc matériel des lignes structurantes TET. Un nouveau marché va être lancé. Nous n'avons pas de délais prévus à ce stade. Quel impact cela aura-t-il sur le renouvellement du matériel ? Et quel impact sur la situation de l'emploi, notamment des prestataires comme Alstom ?
J'utilise le Paris-Toulouse à partir de Châteauroux chaque semaine. Je partage les remarques déjà formulées en matière de sécurité, de pannes et de retards. Si l'accident de Brétigny avait eu lieu un mercredi soir, j'aurais été dans le train qui a déraillé.
Ma question porte sur un projet local. Le projet de LGV monovoie Limoges-Poitiers est une ineptie. L'objectif serait de dévier à partir de Limoges les clients SNCF du Sud de Limoges vers Poitiers, avec une augmentation de l'ordre de 30 % des tarifs. Ce projet est-il toujours d'actualité au moment où l'on s'interroge sur le coût des transports en TGV ?
Monsieur le président, la salle Médicis pourrait être rebaptisée salle des lamentations...
M. Pepy, vous avez évoqué un futur appel d'offres concernant la rénovation ou la remise à zéro du programme Intercités, en particulier des trains Corail, en exprimant le fait qu'il faudrait renouveler ce matériel par des trains électriques. J'en déduis qu'il faut prévoir les investissements en conséquence sur le réseau pour les barreaux qui ne seraient pas électrifiés, je pense en particulier au barreau Paris-Amiens. Cela signifie-t-il que si les Corail étaient supprimés et le réseau non encore électrifié, on perdrait en trains Intercités ?
Aujourd'hui, pour aller d'un point à un autre, plusieurs itinéraires sont quelquefois possibles. C'est le cas par exemple sur la côte d'opale. Pour se rendre à Boulogne, il est possible de passer par Amiens ou par Lille. Le seul problème est que le tarif est différent. Je considère, et c'est un combat que j'ai mené au niveau de la région sans pouvoir aboutir, que le prix doit être le même pour un même lieu d'arrivée. Sans cela, la discordance est terrible et on perd en cadencement sur le barreau d'Amiens alors que le train Lille-Boulogne est deux fois plus cher.
Un sujet n'a pas été évoqué dans les questions, peut-être pourrez-vous nous en dire un mot dans vos réponses : la préparation de l'ouverture à la concurrence, qui fait j'imagine partie de vos réflexions.
Je vous remercie pour vos interpellations. Certains mots nous touchent, vous avez parlé de la SNCF qu'on aime, qui est une belle entreprise. On a beaucoup parlé de ce qui ne va pas, des trains qui n'arrivent pas à l'heure. Je signale au passage qu'une autorité administrative indépendante surveille ces questions : l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST). Elle publie un rapport chaque année, dont il ressort que la France n'est pas si mauvaise que cela. En moyenne, 90 % des trains français arrivent à l'heure. Cette moyenne est de 80 % en Allemagne. Nous n'avons donc pas forcément à avoir honte de la performance de notre système ferroviaire. Beaucoup de choses sont à améliorer, mais il est important que notre entreprise publique nationale soit soutenue.
L'ouverture à la concurrence est la perspective dans laquelle nous nous inscrivons. Les textes européens ont prévu une date limite, 2019 ou 2026 selon qu'il s'agit des TGV ou des trains TER et Intercités. C'est une date limite que le Parlement peut décider à tout moment d'anticiper : il n'a pas fait ce choix. Nous nous préparons activement à cette échéance pour éviter ce qui s'est passé dans le fret, c'est-à-dire une dégringolade.
En réponse à l'intervention de M. Nègre, je souhaite réaffirmer que la sécurité des circulations est la priorité absolue de l'entreprise dans tous les domaines, que ce soit l'investissement, le management, le suivi ou encore la culture cheminote. Un accident c'est trop, deux accidents c'est pire. Nous avons donc pris toutes les décisions pour que cela ne se reproduise pas.
M. Vaspart, concernant l'état des trains du TGV Atlantique, il s'agit effectivement de trains fatigués, dont l'état général n'est pas satisfaisant. Nous avons engagé un renouvellement en deux étapes : une première commande de quarante trains sera livrée à partir de cette année, et une seconde à partir de 2019-2020.
Sur la question du temps de travail, les chiffres que vous mentionnez ne sont pas exacts. Les cheminots de la SNCF ne sont pas aux 32 heures mais aux 35 heures. Les conducteurs de TGV ne travaillent pas 18 heures. Leur temps de travail est très ajusté et dépend évidemment des horaires de train. La productivité des conducteurs de TGV en France est très importante.
M. Bérit-Debat, concernant la ligne Bordeaux-Limoges, je pense que la grande région permettra de progresser. Jusqu'à présent, les deux régions Limousin et Aquitaine ne s'étaient pas mises d'accord sur la manière d'améliorer ce tronçon. Avec la grande région, il y a eu une remise à plat des horaires TER qui va permettre d'améliorer les choses.
Sur Périgueux, aucune fermeture n'est prévue mais il est vrai que lorsqu'on achète des trains neufs, on ne rénove plus les anciens. Il faut donc trouver, avec des personnels qui ont la garantie de l'emploi, d'autres charges de travail.
Monsieur Cornu, nous dénombrons effectivement onze lignes sensibles : le bilan détaillé figure sur le site Internet de la SNCF et nous vous le transmettrons. Dix lignes ont fortement progressé, mais il est vrai que la ligne Paris-Amiens pose encore des problèmes. En ce qui concerne Paris-Chartres-Le Mans, Paris-Saint-Pierre-des-Corps et Paris-Orléans-Tours, les choses ont progressé et doivent continuer à progresser.
Madame Jouanno, vous nous avez interrogés sur l'intermodalité en Ile-de-France. Nous en avons parlé avec la présidente Valérie Pécresse, il y a quelques jours. Tout l'enjeu est de faire en sorte, qu'autour de la colonne vertébrale du train, on développe une offre de transport de proximité. Nous avons créé l'entreprise IDVROOM dont le métier est d'accompagner les franciliens pour les derniers kilomètres qui séparent la gare de leur domicile : nous sommes les premiers sur ce nouveau secteur. Nous nous sommes également mis d'accord sur une modernisation de la billettique en Ile-de-France en réfléchissant au successeur du Pass Navigo. Il s'agira probablement d'un système sans contact multimodal : on doit pouvoir avoir le train, le bus, le tramway, le métro, le covoiturage, la voiture en libre-service et le vélo en libre-service sur le même support. Nous avons lancé ce chantier il y a quelques semaines.
Monsieur Revet, nous sommes en train de trouver la solution pour faire enfin fonctionner le terminal multimodal du Havre. Nous travaillons avec le groupe CMA-CGM, qui sera majoritaire, pour faire en sorte que la part du fret routier recule au profit de la part ferroviaire. Quant à la modernisation de Serqueux-Gisors, il s'agit d'un investissement absolument indispensable pour augmenter la part ferroviaire.
Monsieur Pointereau, je laisse à Jacques Rapoport le soin de vous répondre en détail sur les travaux de fiabilisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT). En ce qui concerne le TGV Brive-Lille, il n'a pas trouvé son marché : le taux d'occupation est inférieur à 30 %, la contribution des deux conseils régionaux Centre et Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin est d'un million d'euros par an. Les élus ont jugé qu'il n'était pas pertinent de renouveler ce conventionnement qui dure depuis cinq ans.
Avons-nous beaucoup délaissé notre transport ferroviaire ? Les chiffrent montrent le contraire. La SNCF a investi 9 milliards d'euros en 2016, soit 25 % de son chiffre d'affaires. Il est rare de trouver une entreprise qui investisse 25 % de son chiffre d'affaires tous les ans ! Sur ces 9 milliards, 85 % sont destinés au ferroviaire, soit environ 8 milliards par an.
Monsieur Fouché, nous partageons vos préoccupations sur la sûreté dans les trains. En ce qui concerne les portiques Thalys, c'est une décision des gouvernements : la Belgique hésite positivement, les Pays-Bas hésitent négativement et l'Allemagne est contre. Voilà la situation en date d'aujourd'hui. Quant à l'idée d'étendre ces portiques ailleurs, nous avons désormais des contrôles d'embarquement, vous l'avez sans doute remarqué dans plusieurs gares, comme la gare Montparnasse ou la gare de Marseille. Nous sommes en train de réfléchir à la façon de les coupler avec un contrôle de sécurité. Nous y travaillons avec des industriels : vous avez mentionné les caméras-piétons et les enquêtes administratives sur les personnels de nettoyage. Ce dernier point est très important : la loi Savary qui vient d'être promulguée, permet désormais d'effectuer ces enquêtes avant le recrutement à la SCNF si l'opportunité s'en fait sentir.
En ce qui concerne les ventes de terrains, nous avons cédé l'année dernière 26 terrains représentant 4 000 logements, principalement sociaux. Nous avons la possibilité en 2016-2017 d'augmenter de moitié ce chiffre.
Enfin, sur Châtellerault, j'ai eu des contacts avec les élus locaux et les pouvoirs publics : les dessertes futures du TGV Tours-Bordeaux seront rendues publiques le 11 avril. Je pense que vous ne pourrez que constater l'ambition de ce niveau de desserte, qui donne tout son sens aux investissements réalisés : il y aura beaucoup de trains avec beaucoup de places et beaucoup de fréquences. Nous avons eu des discussions difficiles avec le concessionnaire : Alain Vidalies a joué le rôle de facilitateur et s'est beaucoup investi dans ce dossier.
Madame Didier, la question des bus n'est pas un choix de la SNCF : il s'agit d'une loi de la République. Fallait-il laisser des sociétés allemandes ou anglaises, comme Flixbus et Megabus, prendre les parts de marchés ? Les entreprises publiques SNCF et Transdev jouent leur rôle, dans le cadre permis par la loi de la République. Il aurait été étonnant que les acteurs français ne participent pas à cette nouvelle offre.
Les chiffres ne sont pas extrêmement inquiétants pour le train. Je vous rappelle qu'un bus comporte 65 places et qu'il y a environ 150 liaisons par jour, soit un total de dix à vingt mille places de bus dans chaque sens tous les jours. Cela représente l'équivalent de dix à vingt rames doubles de la SNCF, sur un total de quinze mille. Le bus, compte tenu de sa capacité limitée, reste marginal.
Je dois reconnaître, qu'on le veuille ou non, que ces bus ont une utilité populaire. L'autre jour, à un départ de bus, j'ai rencontré une dame qui allait voir son fils à Londres pour cinq euros. Jamais nous ne serons capables de proposer un Paris-Londres à cinq euros, sachant que le péage dans le tunnel coûte à lui seul 25 euros. Évidemment, les entreprises qui proposent ces tarifs perdent de l'argent dans un premier temps. Il n'en reste pas moins que ces bus permettent de satisfaire une clientèle populaire pour laquelle le temps, ce n'est pas de l'argent, et pour laquelle c'est l'argent qui compte. Ce n'est pas la panacée, mais même dans mon rôle de patron d'entreprise ferroviaire, je reconnais qu'il y a une clientèle dans les bus qui n'existait pas dans nos trains.
Monsieur Raison, en ce qui concerne le cadre social, notre ambition est de trouver le juste point d'équilibre entre les acquis qu'il faut conserver et les acquis dont il faut rediscuter. Il est très difficile dans notre pays de trouver ce point d'équilibre. Il n'y a qu'une seule méthode possible, c'est la négociation. Si elle venait à échouer, certains salariés ou certaines organisations syndicales pourraient crier victoire, mais cela serait une victoire à la Pyrrhus. Lorsque la concurrence s'installera, la SNCF serait alors en décalage par rapport aux autres entreprises, au regard de l'efficacité de son système social. Le résultat serait : pertes de parts de marché, pertes d'emplois et perte de puissance de l'entreprise. Aussi difficile que soit cette négociation, elle porte vraiment sur l'avenir de la SNCF et de ses emplois.
Monsieur Médevielle, le dossier Toulouse-Euro Sud Ouest (TESO) n'est pas encore bouclé : nous y travaillons avec Monsieur Moudenc. Il s'agit d'une opération très ambitieuse, qui va se dérouler sur cinq à dix ans. Nous y sommes très attachés : ces très grandes gares situées dans des très grandes villes sont aujourd'hui délaissées avec beaucoup de terrains qui pourraient être utiles à la collectivité ou à l'activité économique, comme dans le cas de TESO.
Monsieur Bignon, vous avez évoqué à juste titre le fait que la qualité de service n'est pas au rendez-vous sur Paris-Amiens : c'est parfaitement exact. Nous avons vraiment des difficultés sur cette ligne, qui ne figure clairement pas parmi les succès de la SNCF. Nous devons continuer à travailler sur la régularité, le matériel, l'état de l'infrastructure, le contrôle.
En ce qui concerne la multimodalité avec les ports, je propose de vous faire parvenir le document examiné au dernier conseil de surveillance sur notre politique portuaire : il comporte une dizaine d'actions concrètes que la SCNF met en oeuvre pour faciliter une nouvelle politique portuaire, avec un transport durable à partir des ports.
Monsieur Mandelli, en matière de concurrence avec le covoiturage et les bus, notre projet est plus que jamais de faire gagner le train. Pour cela, nous devons résoudre la question du dernier kilomètre. La SNCF est devenue une entreprise qui fait aussi du porte-à-porte et qui utilise toute la panoplie des mobilités partagées. Ce projet en est à ses débuts et est très prometteur : nous lançons cette année une carte IDPASS qui permet aux voyageurs fréquents d'accéder avec le même support à tous les autres modes de transports, par exemple le stationnement à la gare, l'autopartage, le covoiturage.
Madame Billon, l'arrêt de Luçon relève de l'intercité, donc des décisions de l'État : je ne peux pas avoir de réponse immédiate sur ce dossier.
Monsieur Longeot, en ce qui concerne le renouvellement des matériels, le ministre a pris la décision de faire un appel d'offres. J'espère qu'Alstom va concourir avec un bon produit intercités. Il y a aura d'autres concurrents, mais la responsabilité d'Alstom est d'avoir une proposition imbattable pour les trains intercités de demain. Nous en avons parlé avec le nouveau patron d'Alstom transports, qui partage ce point de vue.
Monsieur Mayet, en ce qui concerne Limoges-Poitiers, le rapporteur public au Conseil d'État a suggéré l'annulation de la déclaration d'utilité publique (DUP). Je n'en sais pas plus, la décision du Conseil d'État sera rendue d'ici quelques semaines.
Monsieur Rapin, sur Paris-Amiens-Boulogne, vous soulevez une question difficile. Je comprends la demande exprimée pour avoir les mêmes tarifs : il est compliqué d'aligner le tarif de marché de l'itinéraire à grande vitesse avec le tarif kilométrique de l'itinéraire intercités. La bonne chose, c'est que les deux itinéraires sont maintenus avec en prime du nouveau matériel qui arrive sur l'itinéraire intercités, commandé par le précédent ministre des Transports, Frédéric Cuvillier : il s'agit de cinq ou sept nouvelles rames Régiolis Alstom. Enfin, l'électrification est prévue dans le cadre d'un contrat de projet État-région.
Je vais être beaucoup plus bref, puisque Guillaume Pepy a déjà évoqué l'ensemble des sujets qui concernent le groupe ferroviaire.
Je voudrais d'abord éviter toute méprise : il n'y a pas eu depuis trente ans de sous-entretien, il y a eu du sous-renouvellement. Ce n'est pas la même chose ! L'entretien a été régulièrement opéré mais les équipements ont vieilli. Il n'y a pas d'impact en matière de sécurité. Nous faisons rouler 15 000 trains tous les jours qui transportent 4 millions de voyageurs : la sécurité est assurée sur la totalité du réseau ferré.
Pour assurer cette sécurité, nous sommes malheureusement parfois conduits, compte tenu de l'état de l'infrastructure, à dégrader la qualité à travers des ralentissements. On observe globalement une augmentation de 10 % par an du kilométrage ralenti. De mémoire, nous en sommes actuellement à environ 4 000 kilomètres ralentis. J'insiste sur ce point : la sécurité est assurée et l'entretien courant est effectué. Mais le patrimoine vieillit.
Je voudrais souligner ici, et j'en suis vraiment heureux, que nous bénéficions du soutien complet de ministre Alain Vidalies. Depuis dix-huit mois, il s'est rendu quatre ou cinq fois sur des chantiers de maintenance, encore récemment sur un chantier de renouvellement de voies ballast dans l'Yonne. Je ne crois pas qu'il se soit rendu sur un chantier grande vitesse : il insiste bien systématiquement sur la priorité à la maintenance. Au cours des débats budgétaires, son intervention plus qu'appuyée nous a permis d'augmenter les effectifs de maintenance de 500 en 2015 et 350 en 2016, alors qu'on est plutôt sur une baisse de 2 % par an de l'emploi public en général.
J'en viens à présent à mon deuxième point. Comment peut-on rénover et moderniser le réseau en respectant les contraintes des finances publiques ? Notre budget d'investissement sur le réseau ferré s'élève aujourd'hui à 6 milliards d'euros. Il avait atteint 7,5 milliards il y a deux ou trois ans, au moment du pic des quatre lignes à grande vitesse (LGV). La baisse va encore se poursuivre avec la fin des quatre LGV. Nous souhaitons qu'une partie de cette baisse soit réallouée sur le réseau existant pour son renouvellement et sa modernisation. Par ce redéploiement, sans augmenter l'enveloppe globale des investissements, et même en acceptant qu'elle puisse un peu se réduire, nous pouvons poursuivre et accélérer le renouvellement et la remise à niveau du réseau et sa modernisation. Il n'y a donc pas nécessité d'augmenter la dépense publique.
Un mot sur le fret que plusieurs d'entre vous ont évoqué. Nos difficultés actuelles sont essentiellement liées aux nuisances phoniques, nous travaillons sur des solutions afin de réduire le bruit pour les riverains. Il s'agit de faire en sorte que des opérations comme Serqueux-Gisors puissent se réaliser : cet investissement est absolument déterminant pour favoriser le développement du port du Havre, et il faudra probablement demain trouver des solutions équivalentes pour Fos-sur-Mer. Le port de La Rochelle a engagé des investissements importants pour accroître la part modale du ferroviaire, c'est un exemple à suivre.
Sur la question des coûts, nous sommes engagés sur des plans de performance. Le cadre social doit nous permettre d'améliorer notre compétitivité. Je signale quand même que les comparaisons européennes nous placent plutôt en tête de peloton, y compris en matière de coût. La raison est simple : le ferroviaire est une activité capitalistique, et la productivité du capital est au moins aussi importante que la productivité du travail. Quand nous avons des lignes très denses à 150-200 trains par jour et des LGV avec des trains toutes les cinq minutes, cela veut dire que la productivité du capital est élevée et concourt à la productivité globale du système.
Un dernier mot sur l'Arafer : elle a un pouvoir d'avis, et non pas de décision. En matière tarifaire, elle a depuis l'origine un pouvoir d'avis conforme. Elle vient édicter des recommandations sur la façon de faire évoluer la réglementation. SNCF Réseau a absolument besoin d'obtenir des avis favorables de l'Arafer : nous sommes donc bien dans une logique de construction partagée pour l'établissement de la tarification.
Je vous remercie pour ces éclairages et salue particulièrement M. Rapoport qui quittera ses fonctions dans quelques jours.
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour l'économie bleue aura lieu au Sénat mercredi 6 avril à 18 heures.
MM. Hervé Maurey, Didier Mandelli, Charles Revet, Michel Vaspart, Mmes Odette Herviaux, Nelly Tocqueville, M. Michel Le Scouarnec sont désignés en qualité de membres titulaires et MM. Maurice Antiste, Guillaume Arnell, Mme Annick Billon, MM. Jean Bizet, Jean-Jacques Filleul, Michel Raison et Jean-François Rapin sont désignés en qualité de membres suppléants.
La réunion est levée à 10 h 55.