Merci. La question de l'attractivité économique de notre pays est cruciale. Notre stratégie est de favoriser les investissements étrangers ou les investissements financiers, qui créent des entreprises ou financent leur développement. Notre organisation capitalistique n'est pas optimale pour le financement de notre économie. L'épargne française est trop investie dans l'immobilier ou les obligations, et contribue trop peu au financement en capitaux propres des entreprises. C'est pourquoi nous avons besoin des capitaux étrangers pour constituer un appareil industriel compétitif. Cela vaut tant pour les grands groupes, la part des capitaux étrangers y restant d'ailleurs à un niveau stable depuis plusieurs années, que pour les autres entreprises. La France est un pays attractif, comme le montrent les chiffres ainsi que la bonne dynamique des investissements en provenance de pays stratégiques, à l'image de celle des investissements chinois, supérieure à celle de nos voisins. Mais le paradoxe est que son image reste perfectible : 68 % des responsables d'entreprises implantées en France jugent que la France n'est pas très attractive. Le plus dur est de faire venir les investisseurs une première fois. Ceux qui ont déjà investi en France réinvestissent en France deux fois sur trois. Voilà une distorsion cognitive que notre diplomatie économique doit traiter.
La France a de nombreux atouts. Elle constitue un bon point d'entrée sur le marché européen de 500 millions de consommateurs. Sa réglementation est aux standards européens sur beaucoup de sujets. La consommation intérieure y est élevée, dans tous les secteurs (grande distribution, industrie, innovations technologiques). Les infrastructures sont de grande qualité, meilleures qu'en Allemagne qui n'investit pas assez en la matière, comme l'a montré le rapport Fratzscher l'an passé. La main-d'oeuvre est bien formée. Le tarif de l'énergie est compétitif et nous avons corrigé le tir pour les industries intensives. Le crédit d'impôt recherche (CIR) est un atout reconnu et plébiscité par les investisseurs. Notre population est jeune, avec l'esprit entrepreneurial affirmé, ce qui un changement de ces dernières années. La France est le premier pays d'Europe continentale pour la création de start-up, avec 1500 créations par an, et Paris est la ville d'Europe qui compte le plus de start-up dans le numérique après Londres.
En termes de stock d'investissements étrangers (IDE), la France est au 7e rang mondial, au 3e rang en Europe. C'est le premier pays pour les implantations industrielles ; plus de 20 000 sociétés étrangères sont implantées qui font travailler deux millions de salariés français. En termes de flux, la France est au 10e rang mondial. Les entrées y sont supérieures depuis 2013 à celles de l'Allemagne. Nous avons été mieux classés ; nous devons faire face à la concurrence des pays émergents et à notre déficit d'image, rigidité que notre diplomatie s'efforce de résoudre. Sur le long terme, le montant moyen des IDE est stable, autour de vingt milliards par an en moyenne, ce qui, vu le dynamisme de la croissance internationale, n'est pas satisfaisant et signifie une baisse de nos parts de marché. Paris, toutefois, est la deuxième destination des IDE en Europe, avec une hausse de 22% l'an dernier. Paris profite de la saturation du marché londonien et de la dynamique des investissements chinois pour rattraper son retard sur la capitale anglaise. Selon une étude d'Ernst and Young, le nombre des projets d'investissement a augmenté de 30% depuis 2012. Selon Business France, le nombre d'emplois créés ou maintenus en raison d'IDE a augmenté en 2015 de 27% par rapport à 2014, à 33700. Un millier de décision d'investissements étrangers en France ont été enregistrées en 2015 : Facebook, Intel, Samsung, Nokia, Cisco qui a d'ailleurs doublé son investissement initial de 100 millions d'euros, Coca-Cola, Microsoft, etc. Surtout ces entreprises investissent dans nos start-up innovantes, à l'image de Sigfox, une des « licornes » françaises, installée près de Toulouse, qui conçoit des réseaux bas-débit pour des objets connectés et dans laquelle Intel et Samsung ont investi des sommes importantes. La France est particulièrement compétitive dans le traitement des données nomades ou l'intelligence artificielle, grâce à un cadre fiscal attractif et à des chercheurs de talent comparativement « bon marché » : un chercheur à Saclay coûte trois fois moins cher que dans la Silicon valley, où le coût du travail augmente par un effet de rattrapage et en raison notamment de l'absence de clause de non-concurrence. De même, lors de la reprise d'Alcatel, Nokia a décidé non seulement de maintenir les centres de recherche de Villarceaux et Lannion, mais d'y investir. L'existence du CIR a été décisive.
La place de la France dans les classements internationaux s'améliore. On a gagné onze places dans le classement FDI confidence index d'AT Kearney qui mesure l'attractivité perçue, pour atteindre le 8e rang. La France a gagné onze places dans le classement Doing business de la Banque mondiale, même si nous ne sommes qu'au 27e rang. Nous avons travaillé pour améliorer notre image en fonction des critères de ces études. Nous avons aussi gagné une place dans le classement de compétitivité du forum de Davos, au 22e rang.
Autre paradoxe : nous aimons les investissements étrangers mais n'aimons pas forcément les investisseurs étrangers. Or les IDE ne sont souvent que des participations, non des prises de contrôle. Faute d'une épargne orientée vers le capital, les entreprises en ont besoin pour se financer. D'ailleurs la part des capitaux étrangers dans le capital des entreprises du CAC 40 est stable, à 45,3%, contre 46,7% il y a dix ans. Ces capitaux de long terme, en provenance souvent des pays émergents, sont utiles à notre économie, davantage que ceux de fonds de court terme, dont l'intérêt n'est pas toujours conforme à celui des entreprises ou des territoires. En même temps, 96% des IDE proviennent de pays avancés. Les Etats-Unis restent de loin le premier investisseur étranger en France. Le mythe d'un « raid » des pays émergents sur nos entreprises n'est pas fondé. L'investissement chinois reste relativement faible, même si la France est le deuxième pays d'accueil en Europe, devant l'Allemagne. La France investit davantage en Chine que la Chine en France. Quant aux investissements des pays du Golfe, ils sont surinvestis dans l'immobilier et certains actifs, mais restent très modestes en valeur absolue. N'en ayons pas peur. Il faut éviter d'avoir à accueillir des IDE en situation de faiblesse, lorsqu'une entreprise est mal en point, car l'investisseur étranger est alors en position de force, comme dans l'affaire General Electric-Alstom. Il vaut mieux attirer les IDE pour accompagner des firmes en croissance. Dans certains secteurs, comme celui des technologies sensibles, les IDE peuvent représenter un risque. Le décret relatif aux investissements étrangers en France, dont le champ a été élargi début 2014, conditionne les investissements étrangers à une autorisation préalable de l'État dès lors que des technologies sensibles sont en jeu.
La meilleure façon de se protéger des actions hostiles reste l'amélioration de la compétitivité et l'amélioration de notre capacité à lever des capitaux propres français. Dans un monde ouvert, pour réussir, la meilleure stratégie est d'être offensifs. Pour aider les entreprises à attirer les investissements étrangers dans de bonnes conditions, nous les aidons à rétablir leurs marges, à stabiliser leur actionnariat. C'est l'objet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), du pacte de responsabilité, de la stratégie de la Nouvelle France industrielle, qui permettent d'axer les investissements sur la recherche, la différenciation, la montée en gamme industrielle. Le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt innovation sont décisifs pour capter les investissements étrangers à haute valeur ajoutée. Nos efforts pour simplifier le droit du travail s'inscrivent aussi dans ce contexte. Les entrepreneurs étrangers considèrent que la France est attractive mais ils craignent de ne pouvoir s'adapter en cas de retournement de conjoncture. Ils trouvent que notre cadre juridique est trop rigide. Force est de reconnaître que ce n'est pas faux. Pour y remédier nous avons revalorisé le rôle des accords d'entreprises. La possibilité de recourir au chômage partiel accompagné évite de détruire du capital économique et humain, en attendant une remise à flot de l'entreprise comme ce fut le cas avec les chantiers STX. La loi sur le travail se comprend en ce sens. Le patron de Cisco, pourtant notre meilleur ambassadeur dans le monde l'an passé, qui a investi massivement en France, a noté qu'une entreprise peut se réorganiser dans tous les pays d'Union européenne en procédant à des licenciements économiques en cas de problème de compétitivité, sauf en France, seul pays où l'on n'apprécie pas la compétitivité d'un site au regard de ses performances propres mais au regard de la performance mondiale du groupe pris dans son ensemble, ce qui interdit toute mesure corrective en cas de problème de compétitivité. La compétitivité des sites étrangers devra compenser les faiblesses du site français, sans que l'industriel puisse la corriger. Conséquence, les entrepreneurs investissent moins et la rigidité de notre droit les conduit à mettre délibérément un site non compétitif en redressement ou en liquidation judiciaire, alors qu'il aurait, plus simplement, pu être réorganisé. Notre modèle est trop binaire.
Nous avons aussi fusionné l'Agence française des investissements internationaux et Ubifrance pour créer Business France, interlocuteur unique de tous les investisseurs. Nous avons simplifié le régime de la TVA à l'importation et les procédures de dédouanement. Pour attirer les talents, nous avons facilité l'octroi d'action gratuites, revu le régime des impatriés, supprimé la peine de prison en cas de délit d'entrave. Au total 35 des 39 actions annoncées dans le cadre du conseil stratégique de l'attractivité ont été réalisées.
Un mot enfin sur le rattachement du commerce extérieur et du tourisme au Quai d'Orsay. Les redécoupages institutionnels doivent être neutres pour les usagers. Dans tous les cas commerce extérieur et diplomatie doivent travailler de concert. Le rattachement au Quai d'Orsay vise à donner plus de cohérence à l'outil diplomatique et à renforcer notre diplomatie économique. L'avantage d'un rattachement à Bercy est la continuité entre l'action économique intérieure et extérieure. Quoi qu'il en soit, il importe de maintenir des relations commerciales avec des régions avec lesquelles les relations diplomatiques ne sont pas très chaudes. Il faut préserver, comme nos partenaires, notre réalisme commercial. Le commerce extérieur n'est pas un instrument à finalité diplomatique. La France a toujours su préserver à la fois son indépendance diplomatique et faire preuve de réalisme commercial. Des partenariats à l'export ont pu se nouer, même lorsque les relations diplomatiques n'étaient pas excellentes. Tous les grands pays font ainsi.