Il est impossible de le cibler. Rien n'empêche de prendre au mot ceux qui ont déclaré ne pas en avoir besoin. Les mécanismes juridiques ne nous permettent pas de faire davantage en matière de contrôle, sauf à créer des usines à gaz.
Je ne souscris pas au distinguo entre l'industrie et les services. Il y a trente ans, un emploi de balayeur chez Saint-Gobain était un emploi industriel ; aujourd'hui, c'est un emploi de services. Nombre de services financiers, notamment l'ingénierie, sont totalement liés à l'industrie ; par conséquent, sans dynamique d'export tirée par l'industrie, il n'est pas de dynamique de services. En aidant les emplois de services, nous avons rendu possible une baisse des prix, les acteurs de l'export ayant immédiatement demandé à leurs fournisseurs une réfaction à proportion du CICE. Nous avons mis nos entreprises en capacité d'investir.
La mère des batailles est l'investissement productif. L'emploi revient au moment des remontées de cycle, avec la croissance et les commandes. L'enjeu consiste à saisir le moment où les marges se reconstituent et où les taux d'intérêt sont bas pour relancer l'investissement et favoriser ainsi la remontée en gamme et la création d'emplois. Il y a quinze ans, on a sous-investi dans l'appareil productif puisque les robots étaient alors présentés comme les ennemis de l'emploi. Nous avons cinq fois moins robotisé que les Allemands, deux fois moins que les Italiens du Nord, avec les résultats que nous connaissons.
Sur l'utilisation du CICE, le principal objectif est de donner, à travers la négociation, une transparence sur les actions menées - branche par branche et, au sein de l'entreprise, auprès des salariés. Il faut casser la logique de la défiance. Le CICE a pu être utilisé pour maintenir les marges, conserver des clients, investir ou d'autres choses encore, en fonction des nécessités. Voilà ce que l'on peut reprocher à certaines branches : de ne pas avoir fait preuve de transparence.
Le code du travail figure, avec la compétitivité administrative, au premier rang des sujets pour les investisseurs internationaux. Tout ce qui favorise l'adaptabilité est bienvenu : ainsi, grâce à un accord instaurant le chômage partiel, la société de construction navale STX a été sauvée et son activité est repartie avec de la visibilité jusqu'en 2025.
En matière de fiscalité, nous sommes redevenus compétitifs dans les actions de performance et les plans d'incitation pour les dirigeants. L'économie d'aujourd'hui est une économie de talents, qu'il faut savoir garder. Il reste à faire revenir les Comex qui ont quitté la France.
Le différentiel d'impôt sur les sociétés doit être traité au niveau européen : les Irlandais et les Britanniques ont atteint des taux insoutenables, inférieurs à 18 %. C'est un véritable dumping fiscal. Il faut faire émerger un « corridor » de taux d'imposition.
La taxation du capital productif n'est pas optimale. L'ISF, dans son fonctionnement actuel, détruit le capital et nécessite des adaptations tenant compte d'un environnement économique ouvert.
Si l'on aide les entreprises à rétablir leurs marges, c'est pour qu'elles réinvestissent. Ayant tiré les leçons des erreurs passées, nous concentrons les crédits pour aider les entreprises à monter en gamme, dans une logique de filières. C'est pourquoi nous avons lancé les « Neuf solutions industrielles » dans le cadre de la « Nouvelle France Industrielle ». La situation varie, en effet, selon les secteurs. Dans l'aéronautique les grands groupes ont porté leurs sous-traitants à l'international ; à l'inverse dans l'automobile, les grands groupes ont pressuré leurs sous-traitants par une politique d'achats agressive, les privant des moyens de se développer à l'export.
L'emploi ne se décrète pas. Il faut du temps avant que les politiques économiques ne donnent des résultats. En attendant, nous devons convaincre et garder le cap. Nous payons les conséquences d'erreurs industrielles commises il y a vingt ans.
Notre diplomatie économique s'est dotée d'instruments précieux pour favoriser notre attractivité. Ainsi, c'est grâce au concours de la Coface que General Electric a choisi de relocaliser à Belfort la production de ses turbines, au-delà de ce qui était prévu dans l'accord signé avec l'Etat.
En matière de tourisme, la question de la répartition administrative entre ministères me paraît secondaire face aux enjeux du secteur. L'essentiel est de favoriser l'émergence d'acteurs plus forts, grâce à des financements adaptés, comme ceux de la banque publique d'investissement, pour affronter la concurrence de demain, américaine ou chinoise notamment. De même dans la loi pour la croissance et l'activité, nous avons donné aux groupes hôteliers les moyens de se défendre face aux plateformes de réservation.
Notre stratégie régionale doit dépendre de deux critères. Le potentiel d'accès aux marchés tout d'abord. Ainsi la Chine et la Russie sont des marchés prometteurs. Notre ouverture doit être conditionnée à l'accès réciproque à ces marchés, sans naïveté. C'est l'enjeu de la bataille pour l'acier, ou de l'octroi de la notion d'économie de marché. Il faut aussi tenir compte des capacités financières d'investissement locales. Certains pays, comme les pays du Golfe, Singapour ou Hong-Kong, disposent de capitaux importants. Nous défendons plutôt les prises de participation minoritaires dans les grands groupes français, ce qui contribue à leur développement, sans les faire passer sous pavillon étranger pour autant. Enfin, l'existence d'une zone francophone est un atout. La Coface, l'agence française de développement (AFD) et Proparco, pour le financement privé, y jouent un rôle essentiel.