C'est toujours un plaisir que de répondre à une invitation du Sénat, avec lequel nos liens institutionnels sont anciens et étroits - la participation de sénatrices et de sénateurs au conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine est pour nous une vraie richesse.
Le prélèvement d'organes en vue de greffe constitue la mission historique de l'Agence, héritée de l'Etablissement français des greffes. Notre rôle va au-delà de celui d'autres agences sanitaires, puisqu'il est non seulement d'encadrement mais aussi opérationnel. Je pense notamment à la gestion de la plate-forme de répartition des greffons, qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à celle du registre national d'attente ainsi que du registre national des refus. Nous sommes ainsi au coeur du système, en lien étroit avec les équipes de terrain et, pour notre mission de promotion des dons, avec les associations.
La France est un pays pionnier en matière de transplantation, et nous avons la chance de pouvoir compter sur d'excellentes équipes. Il n'en demeure pas moins que la progression des besoins de greffe est plus rapide que celle des greffons disponibles, la greffe étant, en quelque sorte, victime de son succès. Cette situation n'est pas propre à notre pays et dans le concert des nations, la France s'en sort plutôt bien. Reste que bien des patients sont en situation d'attente, ce qui nous oblige à rechercher les moyens de greffer davantage mais aussi de greffer mieux - car l'éthique, l'équité et la sécurité sont au coeur de nos préoccupations. C'est l'objectif du plan Greffe II, voulu par les pouvoirs publics et qui, couvrant la période 2012-2016, vise à mobiliser l'ensemble des acteurs du secteur. Ce plan produit ses premiers effets, puisqu'après une très bonne année 2014, nous avons connu une excellente année 2015, grâce aux équipes présentes sur le terrain : le prélèvement et la greffe ont progressé de 7 %, soit 400 greffes supplémentaires. L'objectif de 5 700 greffes par an fin 2016 a donc été atteint avec un an d'avance.
Il n'en faut pas moins poursuivre la mobilisation pour progresser. La diversification des sources de greffon en est l'un des moyens. Ce qui engage la question du donneur vivant, sur laquelle la France a beaucoup de retard et dont vous aviez longuement débattu avec la loi de bioéthique de 2011, mais aussi celle du Maastricht III, c'est-à-dire les prélèvements sur les donneurs décédés après arrêt circulatoire contrôlé dans le cadre de la fin de vie. La loi Léonetti est certes en vigueur depuis 2005, mais nous n'avons entamé la réflexion éthique et médicale qu'à partir de 2009 et le programme n'est effectif que depuis décembre 2014, date à laquelle a débuté une phase pilote qui vient de se terminer, ce qui autorise à envisager le déploiement de cette nouvelle stratégie de prélèvement. Le Professeur Bastien vous présentera plus avant ce programme, et je me contenterai d'insister, à ce stade, sur trois points.
En premier lieu, si la phase de maturation du programme a été longue, c'est parce qu'outre la complexité des enjeux scientifiques et médicaux, ce sujet sensible soulevait des enjeux éthiques majeurs. Il était essentiel de partager la réflexion avec les professionnels concernés. Nous avons travaillé de près avec les sociétés savantes, et leur comité éthique, avec le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), avec les associations. Nous avons aussi beaucoup travaillé avec le Parlement, et c'est d'ailleurs une audition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), en 2003, qui a marqué le coup décisif : l'Office nous a donné mandat de définir un protocole.
J'insiste, en deuxième lieu, sur la méthode, exemplaire à deux titres puisqu'elle a pris la forme d'une co-construction avec les parties prenantes et s'est voulue transparente de bout en bout. Lorsque nous avons lancé la phase pilote, nous avons pris le soin d'organiser une conférence de presse pour expliquer ce que nous allions faire, et de prévoir des points d'étape. Nous avons présenté la phase d'évaluation du programme non seulement aux instances de l'Agence mais à la presse et nous sommes très heureux de pouvoir à présent la présenter au Parlement, tant il est pour nous important de partager avec la représentation nationale sur un sujet qui la concerne. Nous avons également édité un guide pédagogique à destination des associations, pour leur permettre de répondre aux questions posées sur le terrain.
Enfin, notre démarche s'est voulue progressive et contrôlée. Nous avons conscience que toute erreur, dans ce programme très particulier, se paierait très cher et aurait un retentissement sur tous les programmes de prélèvement d'organe, activité fragile et qui exige la confiance. D'où notre choix d'une phase pilote préalable, qui vient d'arriver à son terme et que le Pr. Bastien va vous présenter.