Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Adoption définitive d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre :

Il nous paraît donc légitime de proposer à la Grèce un taux d’intérêt fixe s’élevant, je le rappelle, à environ 5 % et non pas à 5, 2 %, et un taux variable de l’ordre de 4, 2 % la première année et de 3, 7 % les années suivantes, ce qui n’est pas très loin du taux pratiqué par le Fonds monétaire international.

Vous avez été nombreux à soulever la question des agences de notation. Quelle que soit l’appréciation portée sur le filet que nous essayons de mettre en place, qu’on le juge lâche ou non, je rappelle que c’est en 2008, à l’occasion d’une des premières réunions que nous avons tenues sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, que nous avons engagé ce chantier de l’enregistrement, de la réglementation, du contrôle des agences de notation, de la séparation de leurs différentes activités, de l’obligation pour elles de déposer les modèles servant aux calculs effectués.

Le processus européen qui s’est déroulé entre juillet 2008 et novembre 2009 a permis d’élaborer un texte qui sera applicable en France à partir du 7 juin 2010. À cet égard, j’ai notifié à la Commission européenne, en l’espèce à M. le commissaire Barnier, que je demandais à l’Autorité des marchés financiers d’exercer le rôle d’enregistrement et de contrôle des agences de notation en ce qui concerne la France.

Dans le courrier conjoint qui a été envoyé par Mme la Chancelière Angela Merkel et le Président de la République Nicolas Sarkozy au Président de la Commission européenne et au Président du Conseil en exercice, M. Van Rompuy, nous demandons que le rôle de coordination, visant à éviter précisément que les mailles du filet ne se révèlent trop lâches, soit assumé par l’autorité européenne de supervision des marchés afin de disposer d’un réseau de contrôleurs, de superviseurs et d’enregistreurs le plus harmonieux possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque, voilà presque deux ans, nous avons organisé une rencontre avec le directeur général du FMI, il n’était absolument pas envisageable d’inviter cet organisme à cofinancer un quelconque plan de refinancement ou de financement au sein de la zone euro. Nous étions dans une autre époque

Comme l’indiquait le président de la commission des finances, l’euro étant une construction totalement nouvelle, sa constitution et son organisation dans le cadre d’un quasi-règlement de copropriété, à défaut d’un État auquel l’accrocher, ne prévoyait nullement une quelconque défaillance. Il était intrinsèquement admis que, dans ce pacte de copropriété, l’ensemble des États membres allaient, premièrement, respecter les critères de convergence, et, deuxièmement, se conformer à l’ensemble des critères prévus, notamment dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Dès lors, il était prévu de pas mettre en place de plan de sauvetage, selon la fameuse clause de no bail-out. A fortiori, il n’était pas du tout envisagé de faire appel à l’intervention du Fonds monétaire international ni en qualité de destinataire d’un programme ni en qualité de financeur ou de cofinanceur.

Aujourd'hui, les choses ont changé. Compte tenu de l’ampleur du plan, de la technicité exigée par sa mise en œuvre, il était parfaitement légitime que nous ayons à nos côtés, en corédacteur du programme, auprès de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le FMI, dont chacun connaît le savoir-faire acquis depuis plus de cinquante ans.

Je voudrais attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que la Grèce est un cas particulier. C’est un pays qui n’a pas, de manière régulière, honnête et authentique, dévoilé l’ensemble de ses chiffres à ses partenaires ou à la Commission européenne, et ce de manière répétée, à telle enseigne que la confiance a été totalement ébranlée. À cela s’ajoutaient une dette égale à 115 % du produit intérieur brut – ce taux s’élèvera à plus de 120 % l’année prochaine – et un déficit supérieur à 13 %.

Il y a donc une grande différence de situation entre la Grèce et, par ailleurs, un certain nombre de pays que les marchés ont plaisir à considérer comme des pays de périphérie, susceptibles d’attaques aussi virulentes que celles qui ont affecté le marché grec. Ces pays sont, je le répète, dans des situations totalement différentes, leur endettement est infiniment plus réduit que celui de la Grèce, et la fiabilité, l’intégrité, l’authenticité de leurs chiffres ne peuvent absolument pas être mises en doute.

Il me paraît donc redoutable de mélanger les genres, d’établir des comparaisons hâtives, ou de voir un quelconque élément de cause à effet entre la situation d’un marché et celle des autres marchés.

Enfin, j’ai entendu dire que ce plan serait en réalité un nouveau plan de soutien aux banques : ce n’est évidemment pas le cas. J’ajoute qu’il n’est pas question, en l’espèce, de faire de la restructuration, d’engager une opération consistant à réorganiser, réduire, étaler ou abaisser. Tel n’est pas du tout l’objectif fixé.

Il s’agit, d’un côté, d’un plan de rétablissement des finances publiques, dur, rigoureux, exigeant, nécessaire si l’on en croit le Premier ministre grec et selon l’appréciation conjuguée du FMI, de la Commission et de la Banque centrale européenne et, de l’autre, d’un plan de soutien au financement permettant d’isoler ce pays, complètement pendant dix-huit mois, puis de manière très forte pendant dix-huit autres mois, des risques de spéculation liés au refinancement sur les marchés.

Là encore, ne confondons donc pas les genres : premièrement, il n’est pas question de restructuration ; deuxièmement, les secteurs financiers allemands et français ont exprimé leur solidarité en maintenant leurs engagements sur la Grèce.

Cette décision a d’ailleurs été confortée par une lettre de l’IIF, l’Institute for International Finance, qui rassemble la plupart des grands opérateurs financiers, lettre par laquelle cet institut exprimait lui aussi sa solidarité.

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