Intervention de Michel Billout

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Question préalable

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

… mais nous verrons ce que l’avenir nous réserve.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La crise obligataire que nous observons trouve son origine dans la forte récession économique qu’ont connue les pays développés à compter du premier semestre 2008 après l’explosion de la bulle des subprimes.

Comme à l’époque, c’est donc un segment de marché extrêmement réduit qui est la cause d’une crise systémique dont les conséquences risquent fort d’être spectaculaires.

Le gonflement de cette dette obligataire est le résultat de plusieurs phénomènes.

Il est d’abord lié à l’accumulation des déficits publics constatés dans les différents pays de l’Union, dans le droit fil des politiques de concurrence fiscale et sociale largement mises en œuvre et qui ont nourri à la fois un fort chômage structurel et la persistance des inégalités sociales et régionales dans l’ensemble des pays de l’Union. L’Italie a son Mezzogiorno, la Belgique son Hainaut, la France ses zones prioritaires d’aménagement du territoire, les ZOPAT, et la Grèce a la Thrace, la Macédoine orientale et l’Épire.

Cet élargissement de la dette obligataire a été ensuite aggravé par la nécessité de répondre aux enjeux de la crise financière et donc par le soutien apporté aux banques fragilisées par la crise hypothécaire américaine et la crise de confiance des transactions interbancaires.

Contraints d’émettre des sommes colossales pour restaurer la fluidité des marchés, les États se sont lourdement endettés, sans revenir aussi vite que possible à la situation initiale.

Et la Grèce n’a pas été en reste de ce point de vue…

L’État grec a en effet mis à disposition de ses banques, dont la plupart sont sous contrôle étranger, 30 milliards d’euros, soit l’équivalent du dixième de la production nationale, et donc plus que le « défaut de paiement » dont on a fait grand cas pour tout expliquer et tout justifier.

Enfin, facteur aggravant, la dette obligataire des États s’est également accrue du fait des conséquences de la crise financière sur l’activité économique, la réalité de la récession conduisant à des baisses de recettes fiscales et à la hausse des dépenses d’accompagnement de la crise.

Un pays comme la Grèce, où le niveau des prélèvements obligatoires est plutôt faible – 32 % du PIB avant le plan d’austérité –, où les amortisseurs sociaux sont fragiles et où le recouvrement des impôts est parfois un exercice délicat, ne pouvait, dans ce contexte, que se trouver dans les plus grandes difficultés.

Cette situation, il est vrai, s’est doublée, dans ce cas précis, d’une vaste opération de maquillage et de trucage de la situation économique réelle du pays, encouragée notamment par la banque Goldman Sachs, laquelle est connue depuis 2004 par les services européens – notamment Eurostat – et n’a jamais préoccupé M. Barroso outre mesure !

Là encore, d’une certaine manière, on a laissé un pays s’enfoncer dans les difficultés.

S’il fallait une preuve de l’aggravation des choses, elle serait à trouver dans l’analyse des indices les plus récents concernant ce qui demeure tout de même la vingt-huitième puissance économique du monde, devant l’Argentine, l’Iran ou l’Afrique du Sud.

La Grèce comptait à la fin de 2009 plus de 500 000 chômeurs, avec un taux de chômage qui dépasse les 20 % chez les jeunes et qui est encore plus marqué dans les îles de la mer Égée et les régions les plus pauvres comme la Thrace et la Macédoine.

Si l’Europe avait eu un sens et était fondée sur la coopération entre les peuples et entre les États, nous aurions aidé la Grèce à disposer d’un appareil statistique fiable et nous serions intervenus pour donner à son administration fiscale les moyens et les outils d’une action plus efficace contre la fraude.

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