Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 5 avril 2016 à 15h15
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voterons dans quelques instants – je l’espère – en faveur d’un texte qui montre la détermination du Gouvernement à lutter non seulement contre le terrorisme, mais également contre le crime organisé, deux formes de criminalités d’ailleurs souvent liées.

Mes chers collègues, nous nous accordons tous sur l’objectif. Nous sommes tous convaincus qu’il faut donner à la police, aux forces de l’ordre et à la justice les moyens de lutter contre le terrorisme.

Ce projet de loi a fait l’objet d’un large accord à l’Assemblée nationale, puisqu’il a été adopté par 474 députés !

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je dois reconnaître que les travaux qui ont été menés sur ce texte l’ont été avec pragmatisme et que des échanges très constructifs ont eu lieu aussi bien en commission que dans l’hémicycle. J’invite donc mon groupe à voter en faveur de ce texte, même si tous les articles qu’il comporte ne recueillent pas notre soutien ; j’y reviendrai.

Ce texte répond avant tout à la nécessité de donner davantage de moyens aux forces de l’ordre et à la justice pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, et ce – je tiens à le réaffirmer – dans le respect de notre État de droit.

En premier lieu, nous devons évidemment tenir compte des évolutions liées au développement de l’informatique, des réseaux et des moyens de connexion.

Il est en effet indispensable de permettre aux forces de l’ordre d’utiliser ces moyens modernes et, pour ce faire, monsieur le garde des sceaux – je le dirai aussi au ministre de l’intérieur –, il faut leur attribuer des moyens financiers.

Il convient aussi de se défendre contre les méthodes nouvelles auxquelles ont recours les réseaux terroristes, qui en font très bon usage, pour mettre en œuvre leurs intentions criminelles. Il est donc nécessaire de lutter non seulement contre la cybercriminalité, mais aussi contre le trafic d’armes, autre enjeu important de ce combat.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez cru devoir créer une infraction relative à la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme. Sur ce sujet, il faut être clair : nous ne souhaitons pas du tout encourager la consultation de ces sites. Cependant, pour nous, la vraie question est de savoir si cette nouvelle infraction, qui contribue à vous donner une image plus sécuritaire, est véritablement utile ou si elle ne risque pas, au contraire, d’empêcher les tribunaux de statuer sur le fondement d’infractions plus répressives, sans compter qu’il faut se donner les moyens de détecter ces infractions et de poursuivre leurs auteurs ! Par conséquent, ne glosons pas sur cette question, de nature essentiellement technique.

En second lieu, nous devons tenir compte de l’internationalisation du terrorisme et du crime organisé.

C’est la raison pour laquelle nous avons adopté – ce qui était loin d’être évident ! – la proposition du ministre de l’intérieur d’organiser des rétentions administratives, disposition précédemment amendée par l’Assemblée nationale.

Nous avons accepté que le pouvoir de police administrative soit renforcé en matière de contrôle. En effet, nos forces de l’ordre doivent pouvoir accéder, lors de l’arrestation d’un individu, à des informations provenant de l’étranger, plus particulièrement d’Europe, dont il faut attendre une meilleure organisation.

Nous avons également donné notre accord pour qu’il soit désormais possible de retenir et d’assigner à résidence un individu qui revient de théâtres d’opérations terroristes. Sur ce sujet, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez là aussi décidé de créer une nouvelle infraction, qui a donné lieu à un débat nourri. Là encore, l’enjeu n’est pas simplement de savoir s’il faut durcir ou non les peines : on peut ajouter des infractions à l’excès ! La vraie question est de savoir si elles sont véritablement utiles et efficaces.

N’oublions pas non plus, mes chers collègues, que nous avons passé du temps sur des articles relatifs au blanchiment d’argent. Ces articles sont importants, parce que cela vaut la peine de s’attaquer avec fermeté au problème du financement du crime organisé et du terrorisme, au moment précis où l’on parle de réseaux et de sociétés offshore. À ce sujet, monsieur Zocchetto, nous verrons si ce que vous avez obtenu en la matière a un avenir. Il n’est pas impossible que cela soit intéressant !

Répondre au terrorisme, oui, mais dans le respect des règles de la démocratie !

Monsieur le rapporteur, nous avons veillé à ce que chacun ait droit à un procès équitable. À l’heure où l’on renforce le rôle des procureurs de la République, ce qui constitue un nouveau mode d’organisation nécessaire notamment pour lutter contre le terrorisme, la cybercriminalité et le crime organisé, il nous faut des garanties ! Celles-ci résulteront de l’indépendance des procureurs – disposition qu’il faut parvenir à faire voter dans le cadre d’une future révision constitutionnelle –, de l’introduction de la procédure contradictoire à un stade déterminé de l’enquête préliminaire et du renforcement du rôle du juge des libertés et de la détention.

Enfin, si elle ne doit pas nous faire peur, la pénalisation ne peut pas constituer un instrument pouvant dissuader les terroristes. En réalité, ceux qui sont prêts à donner la mort en se la donnant à eux-mêmes ne seront jamais impressionnés par l’aggravation des peines. Certes, chers collègues de la majorité sénatoriale, il est sans doute utile d’y avoir recours, mais vous oubliez d’indiquer – même si nous avons insisté sur ce point – qu’étendre une peine de prison de dix ans à quinze ans aura surtout pour effet de surcharger la cour d’appel de Paris. Cette initiative ne sera donc pas forcément efficace, ce qui soulève une vraie question.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez également décidé de porter la durée de la détention préventive des mineurs de deux ans à trois ans. De notre côté, nous pensons qu’un mineur poursuivi pour actes de terrorisme doit être sanctionné – il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il accomplisse une longue peine de prison ! –, mais qu’il faut le sortir le plus rapidement possible de la détention provisoire et le placer dans un centre de rééducation et de déradicalisation !

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