Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 15h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 31 mars a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Par lettre en date du 4 avril, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs le soir du mercredi 6 avril, au lieu de ce soir ; des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires le jeudi 7 avril à dix-huit heures trente, au lieu de ce soir.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2016, en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, d’un recours aux fins de constater que certaines dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 1er avril, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé pour les conséquences dommageables d’actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins (n° 2016-531 QPC) ; la composition de la formation collégiale du tribunal correctionnel du territoire des îles de Wallis-et-Futuna (n° 2016-532 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (projet n° 445, texte de la commission n° 492 rectifié, rapport n° 491, tomes I et II, avis n° 476 et 474).

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps de parole attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après plusieurs jours de débat sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, voici l’heure du bilan.

Le Sénat aura-t-il marqué ce texte, une fois que nous l’aurons adopté ? Sans hésitation, oui ! De fait, grâce au travail que la commission des lois a mené pendant plusieurs mois sous la houlette de son président, Philippe Bas, et au travail tout aussi important accompli, avec une grande motivation, par son rapporteur, Michel Mercier, …

MM. Jean-Pierre Raffarin, Éric Doligé et Jean-Paul Emorine applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… nous avons ouvert la voie à des avancées importantes dans deux domaines : la sauvegarde des libertés individuelles – principe cher au Sénat – et l’amélioration de l’efficacité de la procédure pénale dans la lutte contre le terrorisme.

En définitive, le projet de loi sur lequel nous nous apprêtons à voter est plus équilibré, plus précis ; en un mot, meilleur.

Monsieur le garde des sceaux, je tiens à saluer l’attitude constructive du Gouvernement… sur ce texte. La précision est utile, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. … car il n’aura échappé à personne que la semaine de travail que nous venons de passer avec vous contraste avec la précédente, qui a vu l’échec de la révision constitutionnelle. Je dois dire, à cet égard, que l’attitude du Gouvernement et du Président de la République ont laissé un goût amer.

M. Jean-Louis Carrère s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La lutte contre le terrorisme comporte de nombreuses facettes et la réforme constitutionnelle, voulue par François Hollande, faisait partie du dispositif d’ensemble. Dans ces conditions, comment ne pas être déçu par cet échec ?

Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Les choses avaient pourtant bien commencé. Souvenez-vous, mes chers collègues : à Versailles, nous étions tous debout pour applaudir le Président de la République. Tout cela pour voir le projet de révision s’essouffler, à l’image d’une majorité que certains commentateurs se sont plu à décrire comme à bout de souffle…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Le projet a été victime des primaires à droite !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

(Marques d’approbation sur de nombreuses travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) En effet, la majorité sénatoriale a travaillé sérieusement sur ce projet et elle l’a fait sur la base de la parole du Président de la République au Congrès !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je tiens à répéter, en réponse aux propos tenus dans cet hémicycle la semaine dernière par M. le Premier ministre lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, que le Sénat ne peut être tenu pour responsable de cet échec. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Sur la base de la guerre Sarkozy-Fillon ! C’est cela, votre obsession !

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Falco

Pour une fois que nous voulons suivre le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J’en arrive à me demander ce que le Gouvernement et le Président de la République attendaient du Sénat. Si c’était pour lui demander un vote conforme, il fallait le dire tout de suite ! Nous nous serions épargné des débats difficiles.

Sur le projet de loi constitutionnelle, le Sénat a adopté son propre texte. Et après ? C’est bien l’objet de la navette parlementaire que de permettre la poursuite du travail.

La réalité est étonnante : le Gouvernement semble vouloir reporter sur le Sénat les errements d’une majorité si divisée que le Président de la République s’en méfie !

Moyennant quoi le Premier ministre est conduit, comme il l’a fait dans cet hémicycle la semaine dernière, à soutenir des raccourcis malheureusement grossiers, voire faux juridiquement. Ainsi ne puis-je pas passer sous silence l’idée que, parce que nous n’aurions pas voté la révision constitutionnelle, le sort du terroriste Abdeslam n’aurait pas pu être scellé. Faut-il rappeler ce principe élémentaire, à savoir que le droit pénal n’est pas rétroactif ? Il n’est pas sérieux de la part du Premier ministre d’avoir voulu faire croire qu’à cause du Sénat ce terroriste ne pourrait pas être puni !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand parlerez-vous du projet de loi en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Toujours est-il que, comme je l’ai toujours pensé, les dispositions que nous nous apprêtons à voter sont bien plus importantes et seront bien plus efficaces pour améliorer la sécurité des Français que toute réforme constitutionnelle. Je pense en particulier aux perquisitions de nuit, à la lutte contre le financement du terrorisme et à la lutte contre le trafic d’armes. Nous voilà dans le concret, dans le quotidien des forces de sécurité et des magistrats qui luttent tous les jours contre les terroristes et la criminalité organisée !

Dans la continuité de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste que nous avons adoptée au mois de février dernier – excellente initiative à laquelle a participé le président de notre commission des lois, Philippe Bas – ainsi que des travaux de cette commission, les débats en séance ont permis d’introduire deux innovations essentielles, à savoir les nouveaux délits sanctionnant la consultation habituelle de sites terroristes et le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes. Je crois sincèrement que ces deux infractions sont indispensables.

Le débat en séance publique a été riche, notamment lorsque nous avons abordé la question essentielle de la perpétuité réelle pour les auteurs de crimes terroristes. Nous avons soutenu l’amendement présenté par Michel Mercier visant à encadrer très strictement les conditions dans lesquelles le tribunal d’application des peines pourrait examiner les demandes de relèvement de période de sûreté. Cet assouplissement ne pourra être octroyé qu’à titre exceptionnel, seulement après une période minimale d’incarcération de trente ans et, surtout, après qu’aura été recueilli l’avis des parties civiles et obtenu l’aval d’une commission spéciale composée de magistrats expérimentés. C’est ce que nous voulions et je pense que c’est ce que souhaitent les Français.

Le texte issu de nos travaux a donc été largement enrichi ; nous le soutiendrons.

Une dernière étape s’annonce, qui sera décisive : la commission mixte paritaire. Compte tenu de l’ampleur du projet de loi et de la complexité des questions, l’exercice ne sera pas simple. Nous comptons sur les représentants du Sénat au sein de cette commission mixte paritaire pour être aussi vigilants que possible et préserver au maximum tous les apports de notre assemblée.

Je tiens en particulier à souligner que le Sénat est enfin parvenu à adopter un dispositif permettant de mettre fin au monopole de Bercy en matière de poursuite pour fraude fiscale.

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est là une avancée majeure, qui permet d’en finir avec ce que l’on appelle le « verrou de Bercy » en la matière et, ainsi, faciliter la réalisation de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale, par la voie pénale.

Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. Il s’agit d’une proposition formulée de longue date par les sénateurs centristes, notamment par Nathalie Goulet. Je remercie Michel Mercier d’avoir bien voulu la soutenir en tant que rapporteur. J’espère que, sur cette question tout particulièrement, la commission mixte paritaire nous donnera raison !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Je le sais, moi, mais je ne vous le dirai pas !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Michel Mercier, qui suit la mise en œuvre de l’état d’urgence depuis que celui-ci a été instauré, a également accompagné notre travail sur le projet de loi constitutionnelle, avant d’assumer la responsabilité du rapport sur le présent texte, dont sortira une loi qui fera franchir à notre pays un palier dans la lutte contre le terrorisme.

La lutte contre le terrorisme nous réunit une fois de plus cet après-midi, après le drame de Bruxelles et les événements tragiques que nous avons connus dans notre pays l’an dernier. Dans cette lutte, nous pouvons marquer notre reconnaissance aux forces de l’ordre et aux magistrats français, qui sont sur le front.

Le Sénat a souhaité rendre le projet de loi plus sévère et plus efficace, dans le respect, bien sûr, de l’état de droit et des libertés fondamentales, exigence à laquelle nous ne nous dérobons jamais.

Nous avons répondu présent dans la lutte contre le terrorisme lors de l’examen des textes dont sont issues la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions et la loi du 19 février 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

M. Roger Karoutchi opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il s’agit pour nous non pas de réagir à l’émotion de nos concitoyens, mais de répondre à l’expérience des forces de sécurité et des juges, confrontés à la difficulté du travail d’identification des réseaux, de réunion des preuves et d’arrestation des coupables. Ils nous disent que les formes du terrorisme évoluent et se diversifient, que les moyens technologiques utilisés par les terroristes ne cessent de s’enrichir et que l’intensité des crimes que ceux-ci commettent ne cesse, à l’évidence, de s’aggraver.

En vérité, le travail des policiers, des gendarmes et des juges a fait apparaître des angles morts dans notre code de procédure pénale, qu’il est temps de combler.

Ce projet de loi vise à renforcer les pouvoirs des procureurs, après ceux des services de renseignement par la loi du 24 juillet 2015. Pour nous, il s’agit évidemment de leur donner à la fois des moyens de surveillance et les moyens d’obtenir des informations dont ils ne disposent pas, autant de moyens que nous avons attribués à la police et aux autres services de renseignement, notamment pour la captation à distance de données ou pour l’utilisation d’appareils tels que les IMSI-catchers.

Il s’agit aussi de respecter l’exigence de continuité des enquêtes en garantissant aux procureurs de ne pas en être dessaisis de manière prématurée au profit d’un juge d’instruction, comme cela a trop longtemps été le cas. C’est très important. En effet, jusqu’alors, seuls les juges d’instruction disposaient des pouvoirs que nous donnons désormais aux procureurs.

Grâce à l’apport du Sénat – il convient de le souligner –, le texte reconnaît désormais de nouvelles infractions, qui devront être sévèrement punies. C’est le cas des voyages sur des sites d’entraînement au djihad ou de la consultation régulière, et sans motif légitime, de sites internet incitant aux crimes terroristes. Nous avons également décidé de criminaliser un certain nombre de délits terroristes qui n’exposent aujourd’hui leurs auteurs qu’à des peines de dix ans de prison ; de tels délits pourront désormais donner lieu à des peines de quinze ans de prison, avec des circonstances aggravantes.

Lors de nos travaux, nous avons naturellement écarté la possibilité de la contrainte pénale, disposition créée par la loi de Mme Taubira, pour tout ce qui se rapporte au terrorisme. Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, nous avons allongé la période de sûreté au maximum, c’est-à-dire à trente ans. Nous avons aussi décidé de créer un délit pour les entreprises qui refuseraient de fournir les clés de décryptage et entraveraient ainsi le déroulement des enquêtes.

L’exécution des peines est également rendue plus sévère.

Ce texte interdit d’abord tout aménagement de peine pendant la durée d’incarcération des condamnés. Il prévoit ensuite la mise en œuvre d’une procédure visant à empêcher toute libération d’un terroriste condamné à la réclusion à perpétuité après l’achèvement de sa période de sûreté, laquelle, je le rappelle, a été étendue à trente ans. Est inscrit enfin le principe de la rétention de sûreté pour les personnes condamnées à des peines inférieures à la perpétuité, une fois que celles-ci auront purgé leur peine. Je rappelle que cette mesure ne s’applique aujourd’hui qu’aux criminels sexuels ayant été diagnostiqués malades psychiques.

En outre, ce texte renforce les pouvoirs de police de deux manières. D’une part, il prévoit l’assignation à résidence et un certain nombre de contraintes pour tout individu rentrant de sites d’entraînement au djihad. D’autre part, il crée une mesure de rétention de quatre heures pour tous ceux qui, à la suite d’un contrôle d’identité, mériteraient de voir vérifiées certaines informations les concernant, notamment par la consultation d’un certain nombre de fichiers. En effet, quand on parvient à tomber sur de tels individus au cours d’un contrôle d’identité, on ne veut pas les laisser disparaître dans la nature !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

On préfère – et c’est heureux ! – chercher à déterminer s’il existe des raisons de les placer en garde à vue et de les arrêter.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous recommande d’adopter ce texte, beaucoup plus sévère que celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « l’état d’urgence […] montre son efficacité, même s’il ne peut pas être un état permanent. C’est pourquoi un projet de loi est discuté en ce moment même au Parlement ». Ainsi s’est exprimé le Président de la République mercredi dernier, en annonçant la fin des débats sur le projet de loi visant à constitutionnaliser l’état d’urgence.

De tels propos clarifient les tenants et les aboutissants du texte sur lequel nous sommes aujourd’hui appelés à voter : ce projet de loi joue le rôle de relais à l’état d’urgence, qui prend fin le 26 mai prochain, soit quinze jours avant l’Euro 2016.

En même temps qu’il renonçait à la révision constitutionnelle et aux dérives sécuritaire et identitaire auxquelles elle conduisait, le Gouvernement est parvenu à faire passer dans notre droit commun des mesures directement issues de l’état d’urgence, et ce au terme de quelques jours de débat à peine, après avoir engagé la procédure accélérée.

Pourtant présenté comme un texte distinct des lois précédentes, cet énième projet de loi antiterroriste, initialement centré sur des mesures visant à alléger la procédure pénale, reprend des dispositions similaires à celles qui figuraient dans l’avant-projet de loi d’application de la révision constitutionnelle pour les introduire dans le droit commun. Il en est ainsi de la mesure relative à la rétention administrative de quatre heures sur simple soupçon.

Alors même que le Gouvernement n’a toujours pas pris de dispositions protectrices – comme celles que nous avons proposées par voie d’amendement – pour répondre aux condamnations prononcées contre l’État pour contrôles discriminatoires au faciès, cette mesure de police contribuera à aggraver les situations et à dégrader la confiance que les citoyens placent quotidiennement dans les forces de l’ordre.

Avec ce projet de loi, une salve d’autres mesures sécuritaires et attentatoires aux libertés publiques a été adoptée.

Désormais, les parquets seront en droit d’ordonner des perquisitions de nuit, prérogative jusqu’alors réservée aux juges. Les procureurs et les juges d’instruction seront autorisés à utiliser de nouvelles méthodes de surveillance, telles que les IMSI-catchers et la captation de données.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Les règles relatives à l’engagement armé des policiers sont assouplies.

Bien sûr, la droite sénatoriale a marqué ce texte de son sceau en s’appliquant à durcir davantage notre dispositif préventif et répressif.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Elle a ainsi contribué à l’adoption de plusieurs mesures aggravantes, telles que la pénalisation de la consultation régulière de sites incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie, mesure figurant déjà dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste déposée par M. Bas au mois de février dernier. La presse spécialisée elle-même s’interroge, évoquant une inquisition moderne. Comme si le blocage, le filtrage et l’interdiction de la consultation de tels sites représentaient la voie royale pour prévenir le terrorisme !

Malgré les graves distorsions que cette évolution introduit dans l’échelle des délits et des peines, la criminalisation de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste constitue une autre des mesures adoptées dans le projet de loi. Y figurent aussi la création d’une période de sûreté spéciale applicable à tous les crimes terroristes, y compris ceux qui ne sont pas punis de la réclusion criminelle à perpétuité, et surtout la possibilité donnée à la cour d’assises, lorsque le crime terroriste est passible de la prison à vie, soit d’allonger la période de sûreté à trente ans – contre vingt-deux ans actuellement –, soit de décider qu’aucune mesure d’aménagement de peine ne pourra être accordée : le principe de la perpétuité dite « incompressible » est ainsi inscrit dans la loi !

Évidemment, le Sénat a rejeté l’amendement que nous avions déposé et qui visait à supprimer cette disposition. Vous vous y êtes d’ailleurs également opposé, monsieur le garde des sceaux, déclarant que « le Gouvernement [était] conscient qu’en cette période il [fallait] durcir un certain nombre de sanctions ».

Pour notre part, nous considérons que la période n’est pas à la surenchère sécuritaire et démagogique ! Ces mesures concernant notamment la perpétuité réelle et la rétention de sûreté sont extrêmement graves : elles viennent entacher nos droits fondamentaux et mettre en péril le socle même du droit pénal français.

L’ensemble de ces mesures seront non seulement inefficaces au regard de l’objectif que le texte cherche à atteindre, à savoir la lutte contre Daech, mais surtout inapplicables, compte tenu des moyens dérisoires alloués à la justice. Quelle logique y a-t-il à aggraver les délits et étendre le quantum de la sanction pénale quand on sait que les tribunaux ne sont pas en mesure de suivre la cadence ?

Et quand bien même les finances publiques seraient au beau fixe, il faudrait tâcher de s’en servir à bon escient, ce dont nous ne pouvons que douter quand on voit le projet de société que vous nous proposez !

Nous le répétons : tous les moyens doivent être mis en œuvre pour les programmes de réinsertion, le milieu associatif, en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de la culture.

Bien entendu, nous devons renforcer nos services de renseignement et revaloriser de manière importante et urgente la justice, fille pauvre de notre République ! Nous devons aussi repenser notre politique publique de sécurité : elle doit être plus équilibrée et davantage en phase avec une réelle politique publique de la prévention, ainsi qu’avec le contexte international – nos choix diplomatiques – et national – nos choix sociétaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen le répète : ne tombons pas dans le piège tendu par les obscurantistes. C’est la liberté et le combat social qui permettront à la République de triompher !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre ce projet de loi. Alors que nous assistons à la banalisation de l’état d’urgence, nous observerons la plus grande vigilance lorsque ces mesures sécuritaires, inédites dans notre démocratie, viendront à s’appliquer !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voterons dans quelques instants – je l’espère – en faveur d’un texte qui montre la détermination du Gouvernement à lutter non seulement contre le terrorisme, mais également contre le crime organisé, deux formes de criminalités d’ailleurs souvent liées.

Mes chers collègues, nous nous accordons tous sur l’objectif. Nous sommes tous convaincus qu’il faut donner à la police, aux forces de l’ordre et à la justice les moyens de lutter contre le terrorisme.

Ce projet de loi a fait l’objet d’un large accord à l’Assemblée nationale, puisqu’il a été adopté par 474 députés !

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je dois reconnaître que les travaux qui ont été menés sur ce texte l’ont été avec pragmatisme et que des échanges très constructifs ont eu lieu aussi bien en commission que dans l’hémicycle. J’invite donc mon groupe à voter en faveur de ce texte, même si tous les articles qu’il comporte ne recueillent pas notre soutien ; j’y reviendrai.

Ce texte répond avant tout à la nécessité de donner davantage de moyens aux forces de l’ordre et à la justice pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, et ce – je tiens à le réaffirmer – dans le respect de notre État de droit.

En premier lieu, nous devons évidemment tenir compte des évolutions liées au développement de l’informatique, des réseaux et des moyens de connexion.

Il est en effet indispensable de permettre aux forces de l’ordre d’utiliser ces moyens modernes et, pour ce faire, monsieur le garde des sceaux – je le dirai aussi au ministre de l’intérieur –, il faut leur attribuer des moyens financiers.

Il convient aussi de se défendre contre les méthodes nouvelles auxquelles ont recours les réseaux terroristes, qui en font très bon usage, pour mettre en œuvre leurs intentions criminelles. Il est donc nécessaire de lutter non seulement contre la cybercriminalité, mais aussi contre le trafic d’armes, autre enjeu important de ce combat.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez cru devoir créer une infraction relative à la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme. Sur ce sujet, il faut être clair : nous ne souhaitons pas du tout encourager la consultation de ces sites. Cependant, pour nous, la vraie question est de savoir si cette nouvelle infraction, qui contribue à vous donner une image plus sécuritaire, est véritablement utile ou si elle ne risque pas, au contraire, d’empêcher les tribunaux de statuer sur le fondement d’infractions plus répressives, sans compter qu’il faut se donner les moyens de détecter ces infractions et de poursuivre leurs auteurs ! Par conséquent, ne glosons pas sur cette question, de nature essentiellement technique.

En second lieu, nous devons tenir compte de l’internationalisation du terrorisme et du crime organisé.

C’est la raison pour laquelle nous avons adopté – ce qui était loin d’être évident ! – la proposition du ministre de l’intérieur d’organiser des rétentions administratives, disposition précédemment amendée par l’Assemblée nationale.

Nous avons accepté que le pouvoir de police administrative soit renforcé en matière de contrôle. En effet, nos forces de l’ordre doivent pouvoir accéder, lors de l’arrestation d’un individu, à des informations provenant de l’étranger, plus particulièrement d’Europe, dont il faut attendre une meilleure organisation.

Nous avons également donné notre accord pour qu’il soit désormais possible de retenir et d’assigner à résidence un individu qui revient de théâtres d’opérations terroristes. Sur ce sujet, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez là aussi décidé de créer une nouvelle infraction, qui a donné lieu à un débat nourri. Là encore, l’enjeu n’est pas simplement de savoir s’il faut durcir ou non les peines : on peut ajouter des infractions à l’excès ! La vraie question est de savoir si elles sont véritablement utiles et efficaces.

N’oublions pas non plus, mes chers collègues, que nous avons passé du temps sur des articles relatifs au blanchiment d’argent. Ces articles sont importants, parce que cela vaut la peine de s’attaquer avec fermeté au problème du financement du crime organisé et du terrorisme, au moment précis où l’on parle de réseaux et de sociétés offshore. À ce sujet, monsieur Zocchetto, nous verrons si ce que vous avez obtenu en la matière a un avenir. Il n’est pas impossible que cela soit intéressant !

Répondre au terrorisme, oui, mais dans le respect des règles de la démocratie !

Monsieur le rapporteur, nous avons veillé à ce que chacun ait droit à un procès équitable. À l’heure où l’on renforce le rôle des procureurs de la République, ce qui constitue un nouveau mode d’organisation nécessaire notamment pour lutter contre le terrorisme, la cybercriminalité et le crime organisé, il nous faut des garanties ! Celles-ci résulteront de l’indépendance des procureurs – disposition qu’il faut parvenir à faire voter dans le cadre d’une future révision constitutionnelle –, de l’introduction de la procédure contradictoire à un stade déterminé de l’enquête préliminaire et du renforcement du rôle du juge des libertés et de la détention.

Enfin, si elle ne doit pas nous faire peur, la pénalisation ne peut pas constituer un instrument pouvant dissuader les terroristes. En réalité, ceux qui sont prêts à donner la mort en se la donnant à eux-mêmes ne seront jamais impressionnés par l’aggravation des peines. Certes, chers collègues de la majorité sénatoriale, il est sans doute utile d’y avoir recours, mais vous oubliez d’indiquer – même si nous avons insisté sur ce point – qu’étendre une peine de prison de dix ans à quinze ans aura surtout pour effet de surcharger la cour d’appel de Paris. Cette initiative ne sera donc pas forcément efficace, ce qui soulève une vraie question.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez également décidé de porter la durée de la détention préventive des mineurs de deux ans à trois ans. De notre côté, nous pensons qu’un mineur poursuivi pour actes de terrorisme doit être sanctionné – il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il accomplisse une longue peine de prison ! –, mais qu’il faut le sortir le plus rapidement possible de la détention provisoire et le placer dans un centre de rééducation et de déradicalisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

La question de l’application des peines a également été au cœur de nos débats. À ce sujet, beaucoup de choses restent à faire pour que chacun comprenne bien qu’il y a, d’une part, le temps de la peine, c’est-à-dire celui de la sanction, et, d’autre part, les garanties que la société souhaite obtenir pour sa sécurité quand un condamné sort de prison.

Cette question est loin d’être simple et, à mon sens, on peut facilement lui apporter une mauvaise réponse. C’est pourquoi il faut la revoir : il y a, d’un côté, les condamnés qui sont dangereux parce qu’ils ont des problèmes psychiatriques et, de l’autre, ceux qui le sont parce qu’ils continuent de croire qu’ils vont faire la guerre à la France. Pour ces derniers évidemment, aujourd’hui, la peine de réclusion à perpétuité est déjà « réelle ». En effet, bénéficier d’un aménagement de peine au bout de trente ans n’est qu’une possibilité et, en vérité, ces individus resteront souvent en prison jusqu’à la fin. On pourrait d’ailleurs citer plusieurs exemples à l’appui !

Mes chers collègues, avant que vous ne passiez au vote de ce texte, j’aimerais vous amener à méditer cette phrase de celui qui fut mon maître au barreau et qui fut également, je le crois, un grand garde des sceaux et un grand sénateur, Robert Badinter : « La grandeur et l’influence de la France sont pour moi à la mesure de son rôle au service des libertés. Qu’elles brillent chez elle d’un éclat sans pareil, alors son influence dans le monde se révèle supérieure à sa puissance réelle ».

C’est de cette influence que nous disposons et c’est avec les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que nous réussirons dans notre lutte contre le terrorisme !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Alain Bertrand et Raymond Vall applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’élaboration d’une intervention sur un projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme est devenue un véritable exercice de style, tant le Parlement a été mobilisé sur cette question au cours des dernières années.

Renforcer l'arsenal législatif quand la menace est élevée est légitime. C'est à la suite des vagues d'attentats que la France a connues dans les années quatre-vingt, puis en 1995, que les principales lois antiterroristes ont été adoptées.

Dans les années deux mille, d'autres textes ont été votés, en réaction au 11 septembre 2001 bien sûr, mais aussi en réaction aux attentats de Madrid en 2004 et de Londres au mois de juillet 2005.

Au mois de mars 2012, Mohammed Merah assassinait des militaires et des enfants juifs. La France découvrait alors avec horreur cette nouvelle forme de terrorisme djihadiste.

Les attaques se sont multipliées depuis, faisant chaque fois plus de victimes, et, chaque fois, nous avons voté de nouveaux textes. Nous avons ainsi adopté cinq lois majeures en quatre ans et des dizaines de dispositions disséminées dans les textes les plus divers que nous avons eu à examiner : renseignement, sécurité dans les transports, procédure pénale, etc. ; tout cela dans la précipitation, bien souvent sans bilan précis de l’efficacité de la précédente loi adoptée et, désormais, toujours en procédure accélérée, laquelle ne peut permettre un travail législatif réellement satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’ai porté, sur l’ensemble de ces textes, la voix du groupe écologiste et inlassablement rappelé nos convictions les plus profondes.

La lutte contre le terrorisme djihadiste, qui fait tant de victimes chaque jour dans le monde, est un devoir national. Pour être efficace, cette lutte doit être concertée, coordonnée avec nos voisins européens et envisagée au-delà de l’unique réponse répressive.

Les terribles attaques que nous avons subies en 2015 ont déstabilisé notre société. N’était-ce pas le but de ces meurtriers fanatisés ? Il me semble, malheureusement, que les débats que nous avons eus par la suite, au Parlement notamment, autour de ces textes qui nous sont soumis en cascade ont dégradé un peu plus un climat social déjà fortement fragilisé.

Chacun a prôné l’unité, le rassemblement de la Nation, mais qu’offrons-nous à nos concitoyens, sinon le triste spectacle de la division et, parfois, de la posture politicienne ?

Quiconque fera un examen de conscience reconnaîtra que l’on ne luttera pas contre le terrorisme à coup de déchéance de nationalité ou de perpétuité « réelle ». Dans sa large majorité, le groupe écologiste ne votera pas ce texte, même s’il reconnaît que certaines de ses dispositions sont pertinentes. §Ce n’est ni par laxisme ni par naïveté, mais c’est parce que nous avons la conviction profonde que nombre des mesures que contient ce texte constituent une atteinte grave à nos libertés et à nos droits fondamentaux.

Nous avons le devoir et la responsabilité de lutter résolument et sans relâche contre le terrorisme, mais nous devons le faire sans aucune concession s’agissant de la protection des valeurs républicaines et démocratiques qui sont les nôtres et de la défense de nos libertés.

Nous nous sommes majoritairement opposés à la prorogation de l’état d’urgence voilà quelques semaines. Nous ne pouvons donc soutenir un texte qui aboutit à faire entrer certains des aspects de ce dispositif dans le droit commun.

Je souhaite utiliser le temps qu’il me reste pour aborder certains points qui me semblent essentiels et qui ont été totalement occultés par des débats parfois quelque peu stériles.

Certains s’appliquent à faire de ces terroristes des monstres, des êtres qui n’auraient plus rien de commun avec l’humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il faudrait donc, parce que l’on ne peut les détruire au sens propre du terme, les isoler, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

…les enfermer pour toujours et jeter la clef.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Parce qu’ils ne nous ressemblent plus et parce qu’ils ont commis des actes « monstrueux », il est devenu irresponsable de s’interroger sur les causes, de proposer des mesures de prévention et d’éducation. Envisager des programmes de réinsertion…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Impossible de les réinsérer ! Il ne faut pas rêver !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

…est parfois considéré comme une insulte à la mémoire des victimes.

Mes chers collègues, je crois qu’il s’agit là d’une immense erreur, en même temps que d’une certaine défaite de la pensée, qui ne nous protégera contre aucune menace.

Je terminerai en citant le philosophe Frédéric Worms.

Marques d’étonnement sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Si vous ne le connaissez pas, je n’y peux rien… Il faut lire un peu !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il est normal qu’ils ne le connaissent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. « Il importe avant tout que la transgression radicale de l’ordre social, que constituent les crimes de terrorisme, par la violence aveugle qu’ils sèment, ne tombe pas dans l’oubli. Mais il convient tout autant de réfléchir à une réponse adaptée à cette violence extrême qui met en cause la paix civile et met en danger la société politique. Cette réponse ne saurait consister à prétendre exclure radicalement ceux qui ont radicalement trahi le contrat social. En effet, la maturité d’une société politique se mesure à sa capacité à connaître et surmonter ses divisions intérieures, aussi graves soient-elles. »

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite profiter des trois minutes qui sont allouées aux non-inscrits pour insister sur deux points sur lesquels j’ai essayé de présenter des amendements, mais qui, à mon avis, n’ont pas été abordés. Or ils me paraissent importants au regard des problèmes du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance.

Le premier de ces points choque nombre de nos concitoyens. C’est la possibilité pour un terroriste, un criminel ou un délinquant…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

…de se porter partie civile lorsqu’il est blessé par une de ses victimes. Ainsi, si quelqu’un est agressé et se défend un peu trop vivement, le délinquant ou le criminel peut essayer d’obtenir des dommages et intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Un délinquant n’est pas forcément un terroriste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Notre système juridique devrait aussi être beaucoup plus restrictif dans ce domaine, qui concerne de nombreux faits divers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Par exemple, nos concitoyens sont nombreux à s’étonner qu’un bijoutier qui tire sur celui qui tente de commettre un hold-up dans son magasin puisse être ensuite poursuivi et, surtout, se voir demander des dommages et intérêts par son agresseur, si celui-ci a été blessé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je crois que, dès lors que la légitime défense n’est pas retenue, il n’est pas normal que la famille de l’auteur d’une agression ou cet auteur lui-même puisse se constituer partie civile contre une victime ou contre les forces de l’ordre.

À bien des égards, il est choquant que les auteurs de crimes ou de délits ou leurs ayants droit aient la possibilité de se constituer partie civile contre leurs victimes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

…voire – et c’est encore pire ! – contre les forces de l’ordre. Il ne faut en effet pas s’étonner ensuite si la police, ou parfois la gendarmerie, hésite à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour attraper les délinquants ou les criminels !

Il serait donc absolument indispensable, mais chaque fois que j’en parle je me heurte malheureusement à un refus, ce qui ne m’empêchera pas de le redire inlassablement, de modifier la loi sur ce point.

Le second point que je veux évoquer est celui de l’utilisation de leurs armes par les forces de police.

Actuellement, il y a une grande différence entre la gendarmerie et les forces de police. Alors que leurs fonctions sont identiques – elles assurent conjointement la protection des citoyens et le maintien de l’ordre public, en particulier en appréhendant les auteurs de crimes et délits –, les moyens dont elles disposent ne le sont pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Contrairement aux gendarmes, les fonctionnaires de la Police nationale ne peuvent faire usage de leurs armes qu’en situation de légitime défense. Cette restriction est à mon sens extrêmement dangereuse, car il y a une incertitude juridique pour les policiers.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’ai terminé… Je dirai simplement qu’il aurait été pertinent que les policiers se voient donner les mêmes droits que les gendarmes pour l’utilisation de leurs armes de service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat a déjà eu l’occasion de se prononcer trois fois sur le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme. J’avais d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur du premier texte, au mois de décembre 2012.

Je ne vous surprendrai pas en disant que mon groupe restera fidèle à ses principes de liberté. Une majorité d’entre nous s’abstiendra, d’autres ont choisi de soutenir ce texte, Pierre-Yves Collombat votera contre.

Monsieur le président de la commission des lois, je crois que le Sénat, lui, n’est pas fidèle à son histoire en se prévalant, par votre voix, de fabriquer une loi plus répressive que celle de l’Assemblée nationale, qui, elle, est soumise à l’opinion et aux médias. Je vous le dis avec tout le respect et toute l’amitié que j’ai pour vous.

Nous sommes certes favorables au renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme dans le respect des principes qui garantissent l’État de droit et dans le cadre de réformes susceptibles d’améliorer le fonctionnement de notre système judiciaire. Dans cet ensemble trop magmatique et confus, on distingue plusieurs éléments positifs, notamment les dispositions prévues pour lutter contre le financement du terrorisme et contre le trafic d’armes à feu. Nous partageons aussi les objectifs visés à l’encontre de ceux qui reviennent des zones de conflits djihadistes.

En ce qui concerne le présent texte, de nombreuses approximations demeurent et il nous apparaît que la procédure accélérée, une fois de plus, a pris de cours jusqu’à ses instigateurs ! Je pense notamment aux dispositions que nous avons votées fort rapidement sur la fraude fiscale, monsieur le rapporteur.

Quand on va trop vite, on va souvent mal ! Il existe de nouvelles sources de confusion et de complexification, qui consistent par exemple à soumettre des mesures administratives au contrôle du juge judiciaire. Cette disposition sème un peu plus de trouble dans la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

La procédure de la retenue de quatre heures, dont la nature reste ambiguë, présente encore des zones d’ombre. Ni le rapporteur ni le Gouvernement n’ont pu nous renseigner sur la valeur juridique des échanges informels qui pourront advenir dans ce cadre. En réalité, bien qu’il présente aujourd’hui plus de garanties que dans le texte adopté à l’Assemblée nationale, ce dispositif ne parvient pas à se départir des vices qui lui sont inhérents et dont la pratique confirmera l’évidence.

Quant à la distinction entre mesures privatives de liberté et mesures restrictives de liberté, il faut bien être passé par l’ENA pour faire de la loi un sanctuaire de l’hypocrisie !

Sourires sur les travées du RDSE et du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En outre, si nous partageons le constat selon lequel le crime organisé alimente les réseaux terroristes en liquidités, en matériels et parfois aussi en hommes, l’opportunité de l’extension des moyens de renseignements à l’ensemble des infractions régies par le texte nous paraît discutable. Il suffit d’ailleurs de lire la liste des incriminations pour s’en convaincre.

Dans le sillage des débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence, il ne convient pas de rétrécir la compétence dévolue constitutionnellement à l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.

Mes chers collègues, vous connaissez notre détermination à combattre avec fermeté les « ennemis de la liberté ». De ce point de vue, nous nous féliciterions de l’intransigeance pénale ici prévue à l’encontre des agents de la terreur et de ceux qui les soutiennent, si nous n’avions pas conscience des difficultés que rencontrera notre système judiciaire pour les faire appliquer.

Comment ignorer ces difficultés quand vous-même, monsieur le garde des sceaux, dénoncez l’augmentation inéluctable des coûts cachés du système pénitentiaire et de ceux du système judiciaire, grevé par le prix des mesures d’enquête et d’expertise ?

Ce projet de loi facilite le recours à ces coûteuses techniques d’interception et de captation des communications. Il nécessitera des moyens humains considérables pour traiter et analyser les données ainsi collectées.

Cette constatation s’applique également aux dispositions qui inscrivent de nouveaux délits dans le code pénal et prévoient d’aggraver le quantum des peines d’infractions en lien avec des activités terroristes.

À cet égard, je tiens à réaffirmer, dans la tradition du groupe du RDSE, que l’accumulation des lois pénales réactives est un non-sens, que le suivisme par le Parlement d’une opinion publique exacerbée par les médias est toujours un danger démocratique, que lutter contre le crime organisé par une multiplication constante des incriminations et une aggravation non moins constante de l’échelle des peines est une absurdité que la France ne cesse de faire sous les quinquennats successifs sans aucun succès pratique.

On ne lutte pas contre le terrorisme en envoyant des messages aux médias ; c’est en donnant aux forces de sécurité et à la justice les moyens matériels et humains nécessaires que l’on y parvient.

L’état catastrophique de la justice relève, depuis des décennies, d’une responsabilité collective tant des gouvernants que des citoyens qui n’ont jamais voulu en faire une priorité.

Comment ne pas être indigné de constater dans le même temps les sommes fabuleuses dépensées aux fins de construire des stades pour l’Euro 2016 et la pénurie dans nos greffes et nos commissariats ? Mes chers collègues, quand les Romains ont abusé de l’adage « panem et circenses », leur civilisation s’est effondrée.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – Sourires sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Surtout, l’objectif de lutte contre le terrorisme et le crime organisé a considérablement occulté la question de la réforme de la procédure pénale. Il s’agit pourtant de la finalité originelle du projet de loi.

La volonté d’aménager la disparition du juge d’instruction au profit du couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention innerve l’ensemble du texte, sans que nous ayons eu le temps nécessaire pour en débattre.

Certes, il y a la promesse d’une réforme constitutionnelle – à l’issue incertaine – destinée à renforcer l’indépendance du parquet, mais, en raisonnant à droit constant, on s’aperçoit au contraire que le projet de loi consacre l’omniprésence d’un magistrat nommé par le pouvoir exécutif, auquel on reconnaît en outre une faculté d’ubiquité.

C’est un bouleversement dont les conséquences n’ont pu être pesées dans le cadre d’un examen en procédure accélérée.

En conclusion, mes chers collègues, l’économie générale de ce texte pâtit de la précipitation dans laquelle il a été conçu. L’évolution de la procédure pénale qu’il comporte ne nous paraît pas souhaitable sans l’assurance préalable de l’indépendance du parquet et compte tenu du risque bien réel qui existe quant au respect des droits et libertés de chacun.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Catherine Tasca, Philippe Adnot et François Fortassin, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert et je suspends la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 194 :

Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés328Pour l’adoption299Contre 29Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je remercie le Sénat pour le résultat de ce vote.

Après l’adoption du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 8 mars, par 474 voix pour et 32 contre et ce vote très significatif du Sénat – 299 voix pour et 29 contre –, nous avons maintenant parcouru la moitié du chemin. Évidemment, le texte n’est plus le même, compte tenu des modifications apportées par la Haute Assemblée, sous la responsabilité de son éminent rapporteur, Michel Mercier. Je veux d’ailleurs saluer son travail et l’écoute dont il a fait preuve vis-à-vis des positions du Gouvernement, ainsi que l’attention constante et, je crois, bienveillante du président de la commission des lois, Philippe Bas.

Cela étant, le Gouvernement n’est pas en accord avec la totalité du texte adopté et espère que, sur certains éléments, des progressions seront envisageables. Je vous en donne un exemple, mesdames, messieurs les sénateurs, qui est en résonance avec l’actualité.

Nous avons souhaité que le texte autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de nous permettre de transposer, avant le mois de décembre 2016, la quatrième directive européenne contre le blanchiment de capitaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Sénat, et je comprends ses motivations, a souhaité que cette disposition figure « en dur » dans la loi. Il a donc refusé d’accorder l’habilitation. Or si nous en restons à une procédure législative traditionnelle, nous ne parviendrons pas à transposer la directive « anti-blanchiment ». Chacun comprendra que nous devons agir sans délai sur cette question, non pas que notre arsenal soit incomplet – il l’est assez depuis la loi de 2013, qui a créé un parquet national financier –, mais parce que nous risquons, sans cela, de manquer de temps.

L’Assemblée nationale et le Sénat vont désormais se réunir en commission mixte paritaire. C’est la seule instance de la vie parlementaire au sein de laquelle le Gouvernement n’est pas représenté. Je fais donc totalement confiance aux députés et aux sénateurs pour aboutir. S’il m’est permis d’émettre un vœu, c’est celui qu’un accord soit trouvé en CMP et que celui-ci respecte les positions de chacune des assemblées.

L’objectif central du projet de loi est d’améliorer nos moyens de lutte contre le terrorisme, et ce sujet, comme d’autres, me semble mériter ce climat de concorde, qui est né à l’Assemblée nationale et que j’ai retrouvé, à l’occasion de ce débat, au Sénat. Je remercie donc l’ensemble des sénateurs ayant participé à cette discussion, singulièrement ceux qui ont un peu plus porté la voix, notamment le rapporteur et le président de la commission des lois. J’espère que les deux prochaines étapes après la commission mixte paritaire, c’est-à-dire les votes finaux, se dérouleront dans ce même climat bienveillant d’unité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'environnement, mais je me réjouis que Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité me réponde. Cette question concerne les lanceurs d’alerte, dont chacun mesure la nécessité en tous domaines.

Alors que des initiatives de protection sont en projet, alors que les « Panamapapers » montrent les milliards volés, la loi de 2013 n’est pas appliquée – loi pourtant soutenue ici bien au-delà de la majorité gouvernementale !

Il faudra un jour un texte harmonisé, global et exigeant. En attendant, l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et la lutte contre les conflits d’intérêts, éléments décisifs de la démocratie, ne sont pas garanties. La transparence et la vigilance sur les panels des lieux de décision ne sont pas assurées, car la commission ad hoc, votée ici en 2013, n’est pas installée !

Nous savons comment l’écoute de salariés, d’usagers ou de riverains aurait pu permettre d’éviter hier des drames sanitaires et environnementaux : l’amiante, le Mediator, les prothèses PIP. Mais nous sommes privés des outils de recours et de contrôle !

Mesdames, messieurs les ministres, plusieurs d’entre vous sont concernés. Il s’agit de santé et d’environnement ! Il s’agit de démocratie ! Il s’agit de loyauté du Gouvernement vis-à-vis de la chose votée ! Pourquoi cette commission n’est-elle pas opérationnelle, alors que le Gouvernement affirme sa volonté sur le sujet ? Si des instances participantes n’ont pas désigné leur représentant, ne faut-il pas s’interroger sur leur peu d’appétit à voir fonctionner un outil de suivi de leurs bonnes ou mauvaises pratiques ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité

Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur l’avancement des actions prévues dans la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, issue d’une proposition de loi que vous avez déposée.

Ce texte, vous le savez, me tient particulièrement à cœur, car il donne le droit à toute personne de rendre publique une information en cas de risque grave sur la santé ou sur l’environnement. Il prévoit la possibilité d’exercer ce droit d’alerte au sein de l’entreprise, au profit de représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, mais aussi de tout salarié. Il crée également une commission nationale chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, ainsi qu’aux procédures d’enregistrement des alertes.

Cette loi doit être mise en œuvre. Pour cela, deux décrets ont été publiés le 26 décembre 2014 : le premier fixe la liste des établissements et organismes publics qui tiennent un registre des alertes en matière de santé publique et d’environnement ; le second est relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, celle-là même que vous mentionnez.

La composition de cette commission est aujourd’hui quasiment finalisée. Il ne manque plus que la désignation des représentants du Conseil d’État, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, du ministère de l’agriculture et du ministère de la recherche. La désignation de ces personnalités est imminente.

La commission nationale, qui est donc chargée de veiller aux règles déontologiques s’appliquant à l’expertise scientifique et technique, pourra être nommée tout de suite après par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Elle pourra alors, sans attendre, démarrer ses travaux.

Applaudissements sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le garde des sceaux, il semblerait que vous ayez découvert soudainement l’état calamiteux de la justice de notre pays. Après avoir été quatre ans président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, il n’est jamais trop tard…

Rires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

À ce sujet, je tiens à saluer l’initiative du Syndicat de la magistrature et du Syndicat des avocats de France, qui mettent en scène des « tribunaux d’opinion » où le prévenu, l’État, est poursuivi pour « mise en danger de la justice » et « non-assistance à justice en danger ». Il y a effectivement urgence à lui donner les moyens de se redresser : il y va de la remise à flot du service public de la justice et de l’accès à un procès équitable pour tous. Mais, des moyens, pour quoi faire ? Du tout-carcéral ? Certainement pas pour nous, comme nous venons de le dénoncer lors du vote précédent.

Mon interpellation porte plus précisément sur la situation des personnels d’insertion et de probation fortement mobilisés depuis plusieurs semaines. Vous avez enfin reçu hier l’intersyndicale. Vous vous félicitez d’avoir déjà pu avancer sur certains points comme celui du dispositif de la « pré-affectation ». Pourtant, l’heure n’est pas aux félicitations. Il faut aujourd’hui des mesures urgentes pour mettre fin à l’indigence des ressources humaines qui paralyse l’action même de ces agents favorables à une politique pénale progressiste et humaniste, les seuls agents de la pénitentiaire exclus de toute revalorisation. Le plan triennal d’ouverture des postes doit se prolonger, pour assurer la réinsertion en milieu ouvert comme fermé, garantie indispensable contre la récidive.

Monsieur le garde des sceaux, ma question porte sur la situation de ces personnels mobilisés. Comme tous les agents de la pénitentiaire, ils n’ont pas le droit de grève et expriment leur colère et leur revendication par d’autres biais : des « jeudis morts » du SPIP à une grande manifestation nationale le 10 mai prochain. Or certains reçoivent aujourd’hui des menaces de leur administration, sur leurs évolutions de carrière ou leur salaire. Que comptez-vous faire pour leur garantir, comme à tout citoyen, la possibilité de s’exprimer librement ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de dire toute ma considération pour les personnels d’insertion et de probation. Sachez que je ne les ai pas « enfin » reçus ; je les ai reçus hier comme nous en étions convenus avec les trois organisations composant l’intersyndicale. Je les reverrai d’ailleurs dans huit jours, parce que je veux avancer avec eux sur un diagnostic partagé.

Vous l’avez évoqué, 1 000 créations de postes ont été décidées pour la période 2014-2017, dont 640 conseillers d’insertion et de probation. Il existe un désaccord entre l’administration et les syndicats sur l’état des lieux – j’ai besoin que l’administration confirme les chiffres qu’elle m’a donnés –, mais les engagements pris par Christiane Taubira concernant les créations de postes, y compris les 70 directeurs d’insertion et de probation, seront tenus.

Je ne découvre pas la situation ; je l’ai d’ailleurs dit au Sénat dès mes premières réponses aux questions d’actualité. J’ai simplement souhaité donner l’alerte sur la gravité de la situation.

Le budget de la justice, qui est le huitième de l’État en importance, s’élève à 8 milliards d’euros. Cela montre l’effort considérable qui a été fait depuis 2012. J’imagine que, lors de chaque discussion budgétaire, vous avez apprécié les progressions enregistrées, notamment en termes de postes – si nous pouvons créer 1 000 postes, c’est justement grâce aux efforts qui ont été réalisés. Reste que nous sommes dans une situation d’urgence. Je l’ai dit pour que nous puissions, là aussi, partager ce diagnostic et pour que nous puissions, ensemble, dans la logique et la solidarité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement, décider des mesures utiles à une bonne administration de la justice, à laquelle font appel chaque année 4 millions de Français.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le secrétaire d’État Eckert, vous le savez, les parlementaires ne sont ni juges ni policiers. En revanche, ils exercent leur vigilance – c’est particulièrement la tradition du Sénat grâce à sa commission des finances – sur tout ce qui a trait à l’évasion et à la fraude fiscales.

Ainsi, lors du précédent quinquennat, le Sénat avait refusé de ratifier la convention fiscale entre la France et le Panama

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

Cahuzac !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Néanmoins, à la suite de la signature de cette convention, qui avait été ratifiée par l’Assemblée nationale, celle-ci ayant eu le dernier mot, le Panama avait été sorti de la liste noire française le 4 avril 2012 – j’ai vérifié la date – par arrêté gouvernemental.

Votre collègue Sapin, répondant à l’un de nos collègues députés à l’Assemblée nationale, vient de déclarer…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. … qu’il avait décidé de réinscrire le Panama sur la liste noire à la suite du scandale qui vient d’éclater.

Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le secrétaire d’État, il suffit d’un simple arrêté ministériel. Ma question est donc simple : quand le prendrez-vous ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Madame la sénatrice, vous m’interrogez opportunément sur le Panama. Il y aurait beaucoup à dire, mais votre question est précise.

Vous avez, là aussi opportunément, rappelé les raisons pour lesquelles le Panama a été sorti de la liste noire et à quelle date. Ce pays a été sorti de cette liste, parce qu’il avait signé une convention. Or nous avons constaté que cette convention n’était pas respectée. C’est pour cette raison que, dès la fin de l’année dernière, le ministre Sapin, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, celui-ci étant retenu à l’Élysée

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

– ça arrive…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

L’arrêté qui réintroduira le Panama sur la liste des États et territoires non coopératifs – c’est une décision extrêmement lourde de conséquences, car les retenues à la source lors des transactions s’élèvent systématiquement à 75 % des montants – sera pris par le ministre des finances dans les jours qui viennent.

J’ajoute, puisque des interrogations se posent sur les banques – vous verrez ce soir à l’occasion d’une émission de télévision un certain nombre de choses sur une grande banque française –, que les dirigeants de cette grande banque française seront reçus dans les heures qui viennent par le ministre des finances en vue d’éclaircir la situation. Comme vous le voyez, nous agissons, même s’il reste encore beaucoup à faire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Dans deux jours aura lieu la Journée mondiale de la santé, qui sera consacrée cette année au diabète. Cette maladie chronique touche 3 millions de personnes en France et 350 millions dans le monde. Il est difficile d’imaginer les contraintes qui pèsent non seulement sur les patients atteints de cette maladie, mais aussi sur leurs enfants ou sur leurs parents, qui, à leur chevet, surveillent la bonne prise d’insuline à la suite de la mesure de la glycémie.

Je voudrais insister aujourd’hui sur la chaîne des procédures. De la recherche à l’innovation, de l’autorisation au remboursement, je demande que tout soit mis en œuvre pour réduire les délais, favoriser la recherche grâce à des financements et permettre la mise sur le marché de nouveaux produits, sans pour autant négliger le rapport bénéfices-risques. Or le Comité économique des produits de santé, qui décide si un dispositif est remboursable par l’assurance maladie, semble accuser un retard d’un an dans l’instruction des dossiers. Je souhaiterais que nous adoptions un système aujourd’hui proposé à certains patients, mais dont tous ne peuvent pas bénéficier, car il n’est pas remboursé par l’assurance maladie : la mesure du glucose en continu.

En attendant le pancréas artificiel, tout juste à l’essai, et les capteurs de technologie Flash, ne pourrait-on pas avancer sur ces systèmes de mesure du glucose en continu, qui apportent beaucoup de satisfaction à ceux qui l’utilisent quand ils peuvent se l’offrir ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la sénatrice, vous l’avez souligné, la Journée mondiale de la santé, organisée par l’Organisation mondiale de la santé chaque 7 avril, sera cette année consacrée à la lutte contre le diabète, afin de sensibiliser aux conséquences de cette maladie.

Aujourd’hui, dans le monde, le nombre des personnes atteintes de diabète augmente chaque année de 5 % à 6 %. En France, comme l’avez indiqué, plus de 3 millions de personnes sont concernées.

Les facteurs de croissance de cette maladie, nous les connaissons bien : l’obésité, le surpoids, l’absence d’exercice physique… C’est pourquoi nous devons répéter des messages de prévention. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont vous étiez corapporteur, ont d’ailleurs été votées des dispositions permettant d’améliorer la prévention comme l’étiquetage nutritionnel, la mise en place d’un parcours éducatif en santé ou l’interdiction des fontaines à soda.

Pour mesurer la glycémie, les personnes malades doivent se faire une piqûre plusieurs fois par jour, ce qui est à la fois désagréable et contraignant. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les dispositifs médicaux de mesure du glucose en continu que vous avez évoqués puissent être admis au remboursement. Pour ce faire, les discussions actuellement menées par le Comité économique des produits de santé doivent aboutir le plus rapidement possible à un accord avec les industriels. Ainsi, la vie quotidienne de ces patients, notamment des plus jeunes, pourra être améliorée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mme Élisabeth Doineau. Ce n’est pas tant une question que je voulais poser qu’un cri que je souhaitais pousser pour l’ensemble des patients souffrant de diabète. Ils attendent avec impatience de pouvoir utiliser ces nouveaux dispositifs, qui représentent une réelle avancée comme en témoignent tous les patients qui en ont bénéficié.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Les magistrats français sont confrontés à toujours plus de missions avec toujours moins de moyens. L’insécurité croissante dans laquelle le pays est plongé aggrave la situation des tribunaux.

Devant le nombre d’affaires à traiter, la Conférence nationale des procureurs de la République a annoncé le désengagement du parquet dans des procédures jugées « non prioritaires ». Voilà qui ouvre encore plus largement la voie à l’impunité !

On observe une grande disparité de délais de jugement sur le territoire. La justice n’est plus la même pour tous sur l’ensemble du territoire français. Dans les Hautes-Alpes, on compte en théorie trois magistrats – un procureur et deux substituts –, puisque le vice-procureur exerce à temps partiel. C’est pourtant cette même équipe, amputée de 20 % de ses effectifs, qui doit assumer toutes les audiences, l’ensemble des permanences, les réunions à l’extérieur et, bien sûr, les déplacements dans un département qui n’a pas été épargné, avec 45 personnes décédées en montagne au cours de l’année 2015.

Alors que notre société se judiciarise, que la délinquance augmente, le ministère public est happé par la lutte contre la radicalisation, sans aucun moyen supplémentaire. Certaines juridictions sont asphyxiées.

Nous l’avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, vous estimez que la justice est à bout de souffle. Vous venez de faire un terrible héritage. Or quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour que l’institution judiciaire reprenne une activité normale, pas seulement à Bobigny où vous avez fait des annonces, mais dans tout l’Hexagone ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je pourrais, mais j’ai choisi de considérer la justice comme un élément de rassemblement.

Aujourd’hui, 480 postes de magistrat ne sont pas pourvus. La raison en est simple : en 2008, en 2009, en 2010

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n’est pas de la polémique, ce sont les faits. Je ne cherche pas à faire des effets, mais simplement à ce que chacun comprenne.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

En trois ans, 105 postes ont été ouverts au concours, contre 368 cette année.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Ces années-là, moins de 200 greffiers ont été recrutés.

Quand un ministre de la justice ouvre 105 postes en trois ans, alors que tout le monde sait que 1 400 personnes vont partir à la retraite dans les quatre ans à venir, on construit la paupérisation de la justice. §Vous me forcez à dire la vérité, je vous la dis ; vous voulez des chiffres, je vous les cite !

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre juridiction est préservée : les trois postes au parquet sont occupés, de même que les neuf postes au siège. Il manque deux fonctionnaires, des adjoints administratifs ; leur absence sera comblée au mois de septembre. À Gap, pas un effectif ne manquera !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

En attendant, je vous invite à vous rendre avec moi à l’École nationale de la magistrature et à l’École nationale des greffes et à saluer les 368 fonctionnaires et les 761 greffiers que nous allons embaucher !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le garde des sceaux, voilà quatre ans que votre majorité gouverne !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Le budget de la justice, par habitant, classe désormais la France au trente-septième rang en Europe, juste derrière l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il y a donc urgence à se consacrer aux vrais problèmes des Français, aux vrais problèmes de la justice. Il n’y a pas de temps à perdre dans d’hypothétiques réformes constitutionnelles.

Soyez concret : sans réorganisation, sans moyens, sans révision des règles qui régissent la procédure pénale, nous nous éloignerons d’une justice sereine et efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la crise qui frappe le Haut-Karabagh. Cette crise réveille les blessures d’un conflit qui, dans les années quatre-vingt-dix, avait fait pas moins de 30 000 morts.

Les affrontements qui ont débuté dans la nuit du vendredi 1er avril opposent les forces azerbaïdjanaises et arméniennes. Les premiers bilans humains laissent craindre une reprise durable du conflit pour le contrôle de cette partie montagneuse du Caucase, à fort enjeu politique, stratégique pour l’acheminement des hydrocarbures, et peuplée par 150 000 personnes environ, majoritairement des Arméniens. L’escalade militaire dans cette région intervient à un moment où la Russie et la Turquie sont en pleine crise diplomatique.

Cela fait près de vingt-deux ans maintenant que, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, vingt-deux pays au sein du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, cherchent une issue à ce conflit.

Alors même que sont réunis aujourd’hui à Vienne des médiateurs pour essayer d’arriver à une solution et qu’un cessez-le-feu aurait été trouvé en ce début d’après-midi, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre.

Le représentant du Haut-Karabagh en France a déclaré : « Aujourd’hui, nous sommes à une telle escalade qu’il ne suffit plus de se contenter d’appels pour revenir au calme. Il faut absolument prendre des mesures sérieuses et concrètes, pour contraindre le pouvoir du régime azerbaïdjanais à cesser cette attaque, cette offensive et surtout ces bombardements sur les villes. »

Dois-je rappeler le triste bilan de l’Azerbaïdjan dans nos efforts de rapprochement : suspension des négociations pour un accord d’association avec l’Union européenne en 2014, fermeture du bureau de l’OSCE à Bakou en 2015 ?

Ainsi, monsieur le ministre, je me dois de vous demander quelle est, au-delà de la posture convenue d’appel à un cessez-le-feu, la position de la France dans ce conflit. Quelles initiatives concrètes le gouvernement français compte-t-il prendre à travers le groupe de Minsk ?

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison de souligner le caractère extrêmement grave des affrontements qui ont repris vendredi soir au Haut-Karabagh.

La France, vous l’avez rappelé, joue un rôle particulier dans ce conflit. En tant que coprésidente du groupe de Minsk de l’OSCE, aux côtés de la Russie et des États-Unis, elle a en charge la tentative d’une solution de paix entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh. Elle suit donc avec une très grande attention l’évolution de la situation.

Toutes les autorités de l’État sont mobilisées. Dès samedi, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu. Jean-Marc Ayrault s’est également entretenu samedi avec son homologue arménien, puis avec son homologue azerbaïdjanais. Il a insisté sur le fait que ce conflit ne pouvait être résolu par la force et qu’un retour rapide à la table des négociations était indispensable.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Ces démarches ont déjà produit leurs premiers effets. Il était bel et bien urgent que cessent des affrontements meurtriers.

Un cessez-le-feu a été annoncé. La France demande à ce qu’il soit entièrement, intégralement respecté.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Les parties au conflit ont accepté de recevoir les médiateurs du groupe de Minsk, qui se rendent sur place aujourd’hui même. Ils seront à Bakou ce soir, puis ils iront à Stepanakert et à Erevan.

Parallèlement, l’OSCE est saisie à Vienne. Nous sommes en contact étroit avec l’Allemagne, qui préside actuellement cette organisation. Jean-Marc Ayrault s’entretient du reste en ce moment même avec son homologue allemand, qui est en visite à Paris.

Notre mobilisation est la hauteur de la gravité de l’enjeu.

Le Président de la République ne ménagera aucun effort. Il a déjà accueilli le président azerbaïdjanais Aliyev et le président arménien Sarkissian à Paris, et il a indiqué qu’il était disposé à les recevoir de nouveau.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Notre mobilisation est indispensable. On ne peut pas parler de « conflit gelé » à propos d’un affrontement qui a fait des milliers de victimes depuis près de trente ans. On ne peut laisser perdurer indéfiniment un foyer de déstabilisation potentielle dans une région qui est déjà en proie à de graves instabilités.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre engagement est constant. Il est clair. Il a pour base les principes dits « de Madrid » : le non-recours à la force, le respect de l’intégrité territoriale des États et le droit à l’autodétermination des peuples. J’insiste sur ce point, car c’est là la condition d’une paix durable dans la région.

Applaudissementssur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question s'adresse à M. le ministre des finances.

La semaine dernière, l’INSEE a publié, pour ce qui concerne l’économie française, les chiffres d’exécution budgétaire de 2015 et ses prévisions révisées pour 2016. Je n’évoquerai, à cet égard, que deux indicateurs.

Premièrement, l’INSEE établit la croissance à 1, 2 % en 2015 et l’estime à environ 1, 6 % pour 2016, soit au-dessus du niveau prévu dans la dernière loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. J’espère vivement que tout le monde se réjouit de ces bons chiffres

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Je ne peux pas parler, monsieur le président !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Deuxièmement, l’INSEE évalue le déficit public – cela vous intéressera à coup sûr, chers collègues – à 3, 5 % en 2015, au lieu des 3, 8 % prévus.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Permettez-moi de le souligner, le déficit s’élevait à 140 milliards d’euros en 2010. Cette année, il n’est plus que de 77 milliards d’euros. Il a donc été réduit de moitié.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Et la dette ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce n’est pas la peine de crier, cela ne résout pas le problème du déficit !

Ce résultat est allé de pair avec une réduction d’impôts de 17 milliards d’euros pendant l’exercice 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le fait de crier ne résoudra pas non plus ces problèmes-là !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Eh oui, tout a été transféré sur la fiscalité locale !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je suis constamment interrompu !

J’observe qu’il s’agit là de sujets assez sensibles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… mais le constat que je dresse correspond à la vérité. Il faut dire la vérité et il faut la regarder en face !

Ma question est la suivante

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

: au regard des nouvelles estimations de l’INSEE, quelles sont les prévisions pour l’exécution de la loi de finances pour 2016, voire au-delà ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Monsieur Yung, je ne reprendrai pas les chiffres que vous venez de citer : je ne pourrais bien entendu que les confirmer.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Je vous indiquerai simplement le contexte dans lequel cette exécution budgétaire s’est inscrite. Il est bon de l’avoir à l’esprit.

Au milieu de l’année dernière, un certain nombre de lanceurs d’alerte nous déclaraient : « Les recettes fiscales ne seront pas au rendez-vous. Vous avez annoncé des dépenses que vous ne saurez pas financer. » Ils nous prédisaient une catastrophe budgétaire !

Certes, nous sommes toujours en déficit, mais le déficit s’établit à un niveau inférieur à nos prévisions.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Tout le monde peut effectivement s’en réjouir, sans forcément s’en satisfaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons également financé des priorités, qu’il s’agisse de l’éducation nationale

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. le garde des sceaux l’a dit : il faut des moyens supplémentaires pour la police, pour la gendarmerie, pour la justice, mais aussi pour nos armées. En la matière, nous avons tenu les engagements pris par le Président de la République au début de l’année dernière.

Les résultats obtenus l’ont confirmé : il est possible de concilier ces objectifs avec une inflexion à la baisse de la trajectoire des déficits. C’est ce que nous ambitionnons de réitérer. Nous présenterons notre programme de stabilité à nos partenaires européens au cours des jours qui viennent.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce programme sera examiné en conseil des ministres le 13 avril prochain. Il s’agira toujours de financer des priorités, qui peuvent nous être imposées par l’actualité, par le contexte international ou par la crise que subissent un certain nombre de secteurs ; je pense notamment aux baisses de cotisations de près de 1 milliard d’euros que nous avons d’ores et déjà mises en œuvre pour l’agriculture.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics. Elle est un cri d’alarme des collectivités locales, qui votent en ce moment leur budget.

La France accuse un déficit public bien supérieur à la moyenne de l’Union européenne. Avec le Portugal et la Croatie, elle est l’un des trois États membres présentant à la fois des déséquilibres macroéconomiques et un déficit public jugé excessif. Or ce tableau n’empêche pas le Gouvernement de se féliciter, pour cette année 2015, d’un déficit de 3, 5 % dû essentiellement à la baisse des investissements des collectivités

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Comment pouvez-vous vous réjouir de ce chiffre, qui ne résulte d’ailleurs pas des efforts de l’État mais d’une ponction décidée arbitrairement sur les budgets des collectivités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Le complément est dû à un environnement économique favorable, que nos voisins, eux, ont su mettre à profit pour réduire leur déficit public.

Les collectivités territoriales ont dégagé un excédent de 700 millions d’euros en 2015. Cela est dû notamment à une baisse de leurs dépenses d’investissement, résultant de la baisse drastique des dotations de l’État.

À ce titre, nous nous étonnons des chiffres transmis ce matin aux communes par la direction générale des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Mme Anne Chain-Larché. La baisse de la dotation globale de fonctionnement se révèle encore bien plus importante que l’année dernière.

Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

C’est du vol !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ces chiffres transmis par la Direction générale des collectivités locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Chain-Larché

Mme Anne Chain-Larché. Avez-vous donc pour but de continuer à présenter des bilans établis sur le dos des collectivités locales ?

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, pardonnez-moi de commencer mon propos par un rappel technique – de temps à autre, il faut accepter d’en faire – : les transferts financiers entre l’État et les collectivités territoriales sont neutres au sens du déficit public.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si vous supprimez une dépense d’un côté et une dépense équivalente de l’autre, vous aboutissez à un résultat à somme nulle.

Vives exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs, je réitère la proposition que j’ai déjà adressée à Mme Michèle André : je suis prêt à venir devant la commission des finances de la Haute Assemblée pour que nous nous expliquions sur ce point.

Madame Chain-Larché, vous m’interrogez sur les dispositions budgétaires à venir. L’excédent de 700 millions d’euros, qui a été dégagé par les collectivités territoriales et sur lequel vous avez insisté, est effectivement une nouveauté, au regard d’un déficit qui, l’année dernière, était de l’ordre de 4, 5 milliards d’euros.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Cela ne sert à rien de s’agiter, les chiffres sont là !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Cet excédent prouve qu’il existait une certaine capacité d’investissement, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … laquelle n’a pas été nécessairement mobilisée, et ce pour différentes raisons : transferts de compétences, fusions de collectivités, incertitudes quant à l’avenir.

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est là ma conviction : je vous invite à examiner les comptes des collectivités territoriales.

Je répète ce que j’ai indiqué dès le mois de janvier dernier : ce soir, demain, la semaine prochaine, je suis prêt à venir, chiffres en main, débattre de ce sujet devant votre commission des finances !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Après la révélation de nouveaux cas de maltraitance animale, le doute, sinon l’opprobre, est jeté sur les 263 abattoirs que compte la France.

Interrogé ici même en novembre dernier, vous affirmiez, monsieur le ministre : « L’État contrôle et continuera à contrôler les abattoirs et à renforcer ses contrôles. » Au total, précisiez-vous, 104 avertissements et 60 mises en demeure ont été adressés aux abattoirs au cours de l’année 2014. Vous promettiez également la création, d’ici à 2017, de 160 postes dans les services vétérinaires.

Confronté à de nouveaux cas de maltraitance, vous demandez aujourd’hui aux préfets de mener, dans un délai d’un mois, des inspections spécifiques dans tous les abattoirs. Naturellement, tout sera clean au cours de ce mois. Mais après ? C’est là toute la question !

Vous annoncez également la désignation, parmi les salariés des abattoirs de France, de représentants pour la protection animale bénéficiant d’un statut protecteur. Mais ces délégués existent déjà, notamment à Mauléon-Licharre, où l’on a pu constater leur efficacité.

Il s’agit de rendre confiance aux éleveurs et aux consommateurs. La protection animale doit être prise en considération au même titre que les conditions sanitaires et les conditions de travail des salariés concernés.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire cesser ce scandale ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, vous faites référence aux images tournées par l’association L214 et diffusées par plusieurs chaînes de télévision. Vous avez également rappelé mes propos.

Dès le mois de mai 2014, j’ai demandé à la DGAL de mettre en place une stratégie globale relative au bien-être animal, car je suis conscient que ce sujet ne doit pas simplement être traité au gré de l’actualité.

En outre, un certain nombre de mesures ont été votées au Sénat, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, qui autorisent la transparence sur toutes les publications des services de l’État.

Vous avez rappelé que la France compte 263 abattoirs que l’État a la responsabilité de contrôler. À cet égard, je vous confirme que ce gouvernement a créé 60 postes de vétérinaire supplémentaires en 2015 et qu’il en créera autant en 2016 et en 2017, soit 180 postes au total. Lorsque je suis arrivé au ministère, 440 emplois de vétérinaire avaient été supprimés !

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces créations de postes ne suffiront donc pas encore à compenser ceux que vous aviez supprimés.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans les débats qui animent l’opposition, j’entends qu’on va supprimer 300 000 fonctionnaires. Je vous demande de bien considérer vos propres propositions.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Quant à moi, je vais assumer ma part de responsabilité. Vous l’avez dit, celle-ci doit être partagée. J’ai trop souvent entendu dire qu’il reviendrait à l’État d’assumer la totalité du suivi du bien-être animal dans les abattoirs. Ce n’est pas entièrement le cas. Il existe un système d’autocontrôle et de responsabilité partagée, qui explique qu’un nouveau statut soit maintenant conféré aux représentants pour la protection animale. Il est vrai qu’il en existe déjà, mais il s’agit de salariés qui, dès lors qu’ils craignent de perdre leur emploi, peuvent renoncer à dénoncer les mauvais traitements commis dans leur abattoir.

Je voudrais qu’on se mette à la place de ceux qui travaillent dans les abattoirs, qu’il importe de respecter. Ce métier est pénible ! C’est pourquoi je défends la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites, que certains contestent aujourd’hui.

En outre, au-delà des salariés, il y va également de la responsabilité de l’encadrement et des directeurs d’abattoirs. Nous créerons donc un délit pénal dans le cadre de la loi Sapin au mois de juin, afin que chacun se sente responsable.

Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

S’y ajoutent des innovations techniques entrant dans le cadre de la stratégie pour le bien-être animal. Un exemple concerne le sexage des poussins : nous avons suffisamment vu d’images atroces de broyage des poussins, la France sera donc le premier pays à mettre en œuvre une innovation permettant le sexage dans l’œuf, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

La France innove !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane Le Foll, ministre

Sur ce sujet, nous sommes en avance en Europe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous êtes au pouvoir depuis quatre ans !

Vous pouvez, en outre, vous faire confirmer par votre collègue garde des sceaux que l’article 521-1 du code pénal réprime déjà les actes de cruauté envers les animaux.

Je souhaite simplement que vous écoutiez les propositions utiles émises par le Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire : renforcement des contrôles vétérinaires, installation de caméras dans les postes de saignée de tous les abattoirs, création de comités d’éthique dans les abattoirs, composés de représentants des éleveurs, des bouchers, des associations de défense des animaux, des mairies et de la société civile, comme il en existe déjà dans les laboratoires pratiquant des expériences sur les animaux. Vous devriez y prêter attention !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Le troisième plan autisme 2013-2017 a prévu un budget de plus de 205 millions d’euros pour répondre aux nombreuses difficultés que rencontrent les personnes autistes et leurs familles dans leur parcours de vie. Durant cette période, 3 400 places d’accueil supplémentaires sont programmées.

Ce troisième plan préconise un dépistage de l’autisme dès l’âge de dix-huit mois, une prise en charge précoce et intensive et une évolution des pratiques professionnelles conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous dresser un nouveau bilan d’étape ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

La volonté politique est forte et les moyens mobilisés sont importants, mais la liste des problèmes rencontrés est encore longue : erreurs de diagnostic ; diagnostic tardif du fait des délais de prise en charge auprès des centres de ressources autisme ; encombrement des centres médico-psychologiques qui ne permet pas une prise en charge optimale ; enfin, pénurie de places dans les établissements spécialisés.

Par ailleurs, les enfants et les adultes atteints de troubles du spectre autistique aspirent à être des citoyens à part entière. Cela requiert que chacun d’entre nous lutte contre les a priori, contre la peur de l’autre, la peur de la différence.

Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a récemment adressé à la France une série de recommandations. Il préconise notamment de mener des campagnes de sensibilisation pour combattre la stigmatisation et les préjugés.

Pouvez-vous nous indiquer les mesures prises par le Gouvernement dans ce domaine, au lendemain de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Madame la sénatrice, je connais votre implication sur le sujet du handicap et de l’autisme en particulier. Vous m’interrogez sur le bilan du troisième plan autisme. Je n’aurai pas assez de deux minutes pour le détailler. Sachez toutefois que je présenterai ce bilan devant le Comité national de l’autisme le 21 avril et devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 27 avril, à sa demande. Je serais très heureuse de le présenter également à la commission des affaires sociales du Sénat, si son président et ses membres me le demandaient.

Les préconisations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU ont fait suite à l’audition de la France sur ce sujet. Certaines portent sur la scolarisation des enfants. La scolarisation des enfants avec des troubles du spectre autistique fait bien partie des priorités du troisième plan autisme. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous y travaillons. Les unités d’enseignement en maternelle sont une vraie réussite : nous en avions prévu cent, mais il y en aura finalement dix de plus, qui ouvriront à la rentrée de 2016. Nous poursuivrons cet effort.

Concernant les campagnes de sensibilisation et d’information, l’ONU les a effectivement recommandées. J’ai lancé la première campagne de sensibilisation gouvernementale sur l’autisme le 2 avril, laquelle intègre plusieurs éléments.

Le premier est un spot grand public qui raconte l’histoire du petit Elliot et qui est visible dans plus de 250 cinémas en France jusqu’au 15 avril.

Le deuxième est un site expérientiel, qui permet à chacun d’entre nous de se mettre à la place d’une personne avec des troubles du spectre de l’autisme. Je vous recommande de vous y rendre, à l’adresse dismoielliot.fr.

Le troisième est un site internet de référence, qui diffusera toutes les informations officielles à partir du mois de septembre 2016.

Enfin, le quatrième est le fruit du travail de vidéastes, de Youtubers, comme l’on dit en anglais, qui se sont mobilisés pour réaliser des vidéos sur le sujet, lesquelles ont été vues plus de 500 000 fois.

Vous le voyez, le Gouvernement est mobilisé pour informer sur ce qu’est l’autisme et pour faire diminuer les préjugés envers les personnes autistes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 28 avril 2016 et seront retransmises sur France 3 et Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de trois sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national de la montagne.

La commission des affaires économiques, la commission de l’aménagement du territoire et la commission des lois ont été invitées à présenter chacune une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. André Reichardt, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 75 bis et 76.

Lorsqu’un sujet d’actualité internationale est particulièrement grave, la chambre haute doit pouvoir s’en saisir directement. C’est ce que je souhaite faire en appelant l’attention sur la reprise des opérations militaires sur la ligne de contact du Haut-Karabagh depuis la nuit de vendredi à samedi, lesquelles auraient déjà fait, selon mes informations, plusieurs dizaines de morts, tant militaires que civils.

La France, qui copréside le groupe de Minsk, ne peut pas rester inactive. Elle semble être déjà intervenue pour faire cesser les hostilités, si j’en crois les propos que vient de tenir le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Cette violence déclenchée sur la ligne de front montre que le statu quo dans ce conflit n’est plus admissible ni tenable et qu’il faut que la communauté internationale se mobilise pour le rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, qui subit une agression militaire depuis plus de vingt-cinq ans.

Il est urgent que la France et les pays concernés réagissent dans les plus brefs délais pour imposer le respect, par l’Arménie, des quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur ce sujet. Rappelons que l’Arménie occupe ni plus ni moins 20 % du territoire azerbaïdjanais depuis maintenant vingt-cinq ans. Cette situation n’est naturellement pas acceptable.

Seul le respect du droit international apportera la paix et la justice dans cette partie du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme (proposition n° 373, texte de la commission n° 515, rapport n° 514, avis verbal n° 509).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard , secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis ma prise de fonction au sein du Gouvernement il y a deux ans, vous le savez, j’ai souhaité engager une nouvelle dynamique sur les enjeux du supportérisme.

C’est dans les murs du Sénat que j’avais pu exprimer, lors d’un colloque organisé par le Conseil national des supporters, le souhait du Gouvernement de garantir les conditions d’une reconnaissance du supportérisme par les institutions et les acteurs du sport professionnel.

Cette reconnaissance avait un double enjeu : d’une part, reconnaître la contribution et l’apport des supporters au développement du sport et à l’animation de nos stades et, d’autre part, mieux associer les supporters aux politiques de sécurité au sein des stades pour renforcer leur efficacité.

L’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme a permis d’avancer dans cette voie.

Dans sa version initiale, le texte limitait la question du supportérisme à l’angle répressif. Il montre désormais un véritable ancrage dans une volonté d’équilibre. C’est donc un nouveau texte qui est porté à notre étude aujourd’hui. Je précise qu’il concerne tous les supporters des sports professionnels et ne se restreint pas au football.

Je veux remercier tous ceux qui ont permis cette avancée, en particulier les députés François de Rugy et Jean Glavany. Je veux aussi saluer les sénateurs Dominique Bailly, Jean-Jacques Lozach, Corinne Bouchoux, Ronan Dantec et Mireille Jouve, qui ont apporté un nouveau regard sur le supporter grâce à leur proposition de loi relative à la représentation des supporters, dont l’esprit a été conservé au sein de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.

La nécessité de garantir la sécurité dans les stades, notamment dans un contexte de menace terroriste au plus haut niveau, est aujourd'hui une préoccupation partagée par tous. Je veux croire que chacun a également conscience que nos actions répressives doivent s’accompagner de mesures de prévention dans lesquelles les supporters eux-mêmes peuvent et doivent jouer un rôle majeur.

Le sport doit demeurer une fête. Je suis foncièrement convaincu que penser la sécurité, c’est avant tout peser la nécessité d’intégrer le supporter à la politique engagée afin de proposer un équilibre. N’enfermons pas le supporter dans une stigmatisation négative. Évitons d’assimiler l’ensemble des supporters qui font vivre le sport français, qui le célèbrent, aux quelques hooligans pour lesquels le sport n’est qu’un prétexte à la violence.

Il s’agit désormais de s’orienter vers « la désescalade de la violence », pour reprendre les termes de Nicolas Hourcade, éminent sociologue spécialiste des questions de supportérisme. Pour lui, la stigmatisation à l’égard du supporter est frappante en France, où il est trop souvent pointé du doigt, mal perçu et vu de façon globale.

Il est dès lors important de ne pas faire de confusion quant à la définition des supporters : les hooligans, qui cristallisent la violence et nuisent au bon déroulement des compétitions sportives, ne peuvent être admis comme supporters. Le supporter, par définition, est celui qui porte plus haut le sport qu’il soutient. Ce n’est pas celui qui le rabaisse.

Les supporters amateurs de sport et les « ultras » sont tout à fait légitimes. Ils défendent simplement à une échelle différente leur engagement pour un sport dans le respect des valeurs citoyennes. Le supporter n’est pas un fauteur de troubles. Il participe au contraire à l’élan positif et enthousiaste suscité par la compétition. Il fait vivre, il anime une équipe.

Bien sûr, la violence dans les stades est inacceptable. Elle l’est d’autant plus que le sport, notamment le football, suscite l’intérêt de centaines de milliers de nos jeunes, qui bien souvent se projettent dans les exploits de leurs équipes favorites. Qu’un enfant souhaitant assister à un match de football, au stade ou devant sa télévision, se trouve confronté à l’expression de haines et de violences justifie totalement notre action la plus résolue.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard , secrétaire d'État

Des mesures de répression et de prévention des violences doivent donc être prises.

Nous sommes en état d’urgence. Je félicite d’ailleurs mon collègue Bernard Cazeneuve pour sa rigueur dans l’organisation de la sécurité liée à l’Euro de football. Je crois que, dans ce contexte, les forces de l’ordre ont d’autres priorités que d’accompagner les supporters. Il faut que les supporters le comprennent.

Cet accompagnement est visé par les articles 1er et 2 de ce texte de loi. Si ces mesures sont justifiées par des impératifs de sécurité, elles doivent toutefois être précisément encadrées afin de limiter toute forme d’arbitraire et de se conformer aux principes de notre droit.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard , secrétaire d'État

Permettre le refus de délivrance de billets en cas de non-respect des règles en matière de sécurité me paraît aller dans ce sens.

À cet égard, le décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, devra impérativement encadrer ce nouveau pouvoir des clubs quant aux motifs, à la durée de ces mesures, à la publicité des règlements intérieurs des stades et des conditions générales de vente ainsi qu’aux conditions de recours.

À l’article 2, consacrer le principe du contradictoire en matière d’interdiction administrative de stade permettrait à mon sens de poursuivre ce même objectif. Les interdictions de stade et de déplacement sont pleinement justifiées lorsqu’elles visent des individus au comportement notoirement violent et dangereux.

Mais, comme je le disais, les outils de l’action publique pour prévenir les violences, prévenir le hooliganisme doivent être étendus. Il faut responsabiliser les supporters. En Allemagne et en Angleterre, où les hooligans sont plus nombreux qu’en France, la politique du supportérisme n’est pas limitée au répressif : elle inclut un dialogue avec le supporter. Dans ces pays, les fédérations de supporters entretiennent de véritables relations de dialogue avec les différentes instances sportives. C’est aujourd’hui ce que vise cette proposition de loi au travers de l’article 5, qui pose les fondements d’un supportérisme à la française. Admettre la place essentielle du supporter dans la compétition, c’est lui offrir le rôle qu’il mérite enfin.

Si, dans sa version initiale, cette proposition de loi n’envisageait la question que sous le prisme de la lutte contre le hooliganisme, son nouvel intitulé – « proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme » –, voulu par le Gouvernement, traduit bien cette volonté de considérer plus largement la question du supportérisme et de lui accorder une véritable reconnaissance.

Il n’y a pas là, de notre part, une quelconque volonté de laxisme. Il s’agit de comprendre qu’instaurer le dialogue avec les supporters dans un climat de confiance revient à mener une politique préventive pour désamorcer les problèmes en amont et trouver des solutions. C’est essentiel !

En 2010, un Livre vert du supportérisme suscité par la ministre Rama Yade avait déjà souligné ce besoin de reconnaissance des supporters vis-à-vis des instances sportives et institutionnelles. En 2013, un excellent rapport parlementaire que j’ai eu le plaisir de commettre avec Marie-Georges Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français allait dans ce sens. Le rapport de 2014 de Jean Glavany intitulé Pour un modèle durable du football français soutenait lui aussi la nécessité d’associer les supporters et leurs associations à la prévention de la violence et la nécessité de développer un dialogue solide au niveau tant local que national. Enfin, en juin 2015, une proposition de loi était examinée à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le sujet de la représentation des supporters.

En marge de l’action politique, l’évolution est également palpable au niveau associatif. J’ai participé le mois dernier à la troisième édition des ambassades de supporters. Là aussi, il y a un désir fort d’être partie prenante dans les compétitions, notamment dans les grands événements sportifs internationaux. Les supporters souhaitent être entendus et s’engager de façon concrète. Je crois qu’il est possible, et même tout à fait opportun, d’envisager des partenariats. C’est ce que prévoit cette proposition de loi.

Au niveau local, il s’agit pour chaque club professionnel de faire appel à des supporters crédibles pour entreprendre un dialogue avec ces nouveaux référents. Si les députés ont acté le principe de référents désignés par les clubs, il paraît nécessaire de préciser les conditions exactes de leur désignation, leurs missions ainsi que les modalités de leur formation. Ils ne doivent pas être les responsables de la sécurité des clubs mais de véritables médiateurs.

Au niveau national, l’objectif est de créer une instance nationale du supportérisme, force de réflexion, de dialogue et de proposition dont la composition et les missions seront précisées par décret. En effet, cette instance devra être paritaire, composée de représentants des ministères concernés, des fédérations, des ligues professionnelles et des clubs, des associations de supporters, des collectivités locales ou encore de personnalités qualifiées. Ses missions seront notamment de rendre des avis sur les textes législatifs ou réglementaires, de faire des propositions ou de conduire des missions sur tout sujet relevant du supportérisme.

Un texte réglementaire fixera tous ces objectifs, car je pense que ce n’est pas à la loi de le faire. Je préfère prévenir dès maintenant que je demanderai le retrait de certains amendements tendant à ce que les missions de cette instance nationale soient inscrites dans la loi. Nous en reparlerons tout à l’heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le calendrier sportif à venir est riche. Il dépasse l’Euro de football désormais tout proche. Envisager le supporter autrement, l’inclure dans l’organisation des événements peut être très porteur. Je suis convaincu de la nécessité de lier dialogue et sécurité. Cette proposition de loi peut offrir un élan neuf et instaurer un climat de confiance dans les événements à venir. Le mot-clé de cette loi est le dialogue : il nous appartient de le prolonger et d’échanger pour en tirer toute la richesse. Il vous appartient de renverser ce climat et de créer enfin entre les supporters et le sport professionnel, plutôt qu’un climat de défiance, un climat de confiance.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de la violence dans le sport a fait l’objet de nombreux travaux législatifs afin de renforcer la répression de comportements violents au sein des stades.

Je souhaite tout d’abord insister sur la différence existant entre les supporters et les hooligans. Ces derniers ne sont que des casseurs qui recherchent l’affrontement violent avec les autres, en particulier avec les forces de l’ordre. Toutefois, le supporter très engagé et très passionné, usuellement désigné sous le nom d’« ultra », a un rapport ambigu à la violence, et je pèse mes mots. Cela a été souligné dans le Livre vert du supportérisme.

Le présent texte concerne tous les sports, mais j’observe que les violences parmi les supporters touchent principalement le football et qu’il existe une spécificité à Paris.

En premier lieu, le cadre juridique actuel pour réprimer la violence dans les stades est déjà très complet.

En second lieu, je souhaiterais insister sur deux difficultés résiduelles auxquelles le texte a pour objet de répondre : la difficulté des clubs à faire face à certains comportements dangereux et la nécessité d’intégrer les supporters qui refusent la violence.

Le cadre juridique est articulé autour de sanctions pénales et de mesures administratives. Sans détailler toutes ces mesures, j’observe qu’il existe des dispositions spécifiques au sein du code du sport, notamment des infractions d’introduction ou de lancer d’engins pyrotechniques, des infractions réprimant les provocations à la haine ou à la violence, ou encore l’exhibition de signes ou de symboles racistes notamment. Ces peines peuvent être complétées de mesures d’interdiction judiciaire de stade, prononcées à titre de peine complémentaire des autres infractions précitées pour cinq ans au plus.

Ce dispositif pénal est complété par un dispositif préventif relevant de la police administrative.

Le préfet peut prononcer une interdiction administrative de stade à l’encontre d’une personne constituant une menace pour l’ordre public. Le ministre de l’intérieur peut également interdire un déplacement de supporters en cas de risque de trouble grave à l’ordre public. Enfin, une procédure spéciale permet de suspendre ou de dissoudre par décret une association sportive dont les membres ont commis des actes d’une particulière gravité.

Ces dispositions ont effectivement permis de faire diminuer les violences depuis la saison 2009-2010, fondatrice dans la lutte contre les violences au sein des stades, à la suite de la mort d’une personne en 2010. Actuellement, il existe 328 mesures d’interdiction de stade en cours sur tout le territoire, contre 342 pour la saison dernière, dont 160 interdictions administratives et 168 interdictions judiciaires.

Les interdictions de déplacements sont beaucoup plus nombreuses que les années précédentes, même s’il y a bien sûr un effet induit de l’état d’urgence. Toutefois, en février, une circulaire du ministre a rappelé aux préfets la nécessité de ne pas les utiliser de manière trop extensive.

Quelques difficultés persistent, auxquelles le présent texte vise à répondre.

Les clubs sportifs ont une obligation générale d’assurer la sécurité des personnes et des biens au sein des enceintes. Ils reçoivent ainsi communication des listes de personnes faisant l’objet d’une interdiction de stade. Cette information leur permet de ne pas vendre de billets à celles qui font l’objet d’une telle mesure ou de résilier leur abonnement. À l’intérieur du stade, les organisateurs peuvent se prévaloir des conditions générales de vente comme du règlement intérieur pour les opposer aux personnes ne respectant pas les règles imposées et les expulser le cas échéant.

Toutefois, aussi bien lors de mon déplacement au Parc des Princes que lors des auditions, plusieurs personnes entendues ont fait part des difficultés des clubs à répondre à leurs obligations en matière de sécurité dans la mesure où un certain nombre de comportements ne font pas l’objet d’une réponse répressive, alors même qu’ils peuvent présenter des risques pour la sécurité ou pour le bon déroulement du match : insultes, bagarres, etc. Dès lors, les clubs n’ont aucune trace de ces incidents et ne peuvent refuser ultérieurement de vendre des billets aux auteurs de ces incivilités. C’est ce qui a expliqué la création par le PSG d’un fichier non déclaré des personnes ayant un comportement « non conforme aux valeurs du club ». Ce critère, extensif et subjectif, était inadapté et a été justement abandonné à la suite des contrôles diligentés par la CNIL.

Je pense moi aussi qu’il est sage d’associer les supporters. J’ai rencontré l’association nationale des supporters et diverses associations de supporters. Ils s’inscrivent dans une démarche de responsabilité, et je pense qu’il ne faut pas qu’ils ratent cette opportunité de devenir de réels partenaires des pouvoirs publics et des clubs. Mieux les intégrer, comme le prévoit la proposition de loi, permettrait en effet de les responsabiliser.

Cette proposition de loi a fait l’objet d’un important travail de la part de nos collègues députés et du Gouvernement. Ce travail a permis de trouver un équilibre que je pense adéquat. La commission s’est donc inscrite dans cette logique.

En premier lieu, l’article 1er offre la possibilité aux clubs de répondre à leur obligation de sécurité en leur permettant de mettre en œuvre un traitement automatisé pour fonder un refus de vente ou des résiliations d’abonnement pour des manquements aux dispositions relatives à la sécurité et au bon déroulement des matchs figurant dans le règlement intérieur ou les conditions générales de vente. C’est une réelle avancée.

Sur mon initiative, la commission a précisé la rédaction de cet article pour faire disparaître toute ambiguïté dans la définition du traitement automatisé et pour en simplifier, bien évidemment, la formulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’idée a été de rendre la définition du traitement la plus objective possible.

La proposition de loi prévoit aussi diverses mesures de sécurisation, avec un principe de maîtrise de la vente des places par le club, l’allongement de la durée des interdictions administratives, ou encore la prohibition de l’accès aux zones de retransmission en public des matchs pour les personnes interdites judiciairement de stade, comme c’est déjà possible pour les personnes faisant l’objet d’une interdiction administrative.

En second lieu, le présent texte crée un mécanisme de nature à mieux associer les supporters. La commission a simplement précisé, sur mon initiative, que le référent supporters du club serait désigné après avis des associations de supporters agréées et non par toutes les associations. Cette restriction est, à mon sens, nécessaire, sous peine de fragiliser le mécanisme. Elle s’inscrit aussi pleinement dans la logique de responsabilisation des associations de supporters, auxquelles j’en ai préalablement parlé et qui étaient d’accord avec moi.

Mes chers collègues, c’est donc une proposition de loi utile et équilibrée que je vous propose d’adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi est débattue dans un contexte sportif marqué par la richesse de son actualité et l’adoption récente d’avancées significatives.

Citons quelques exemples : la loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale ; la conférence nationale sur le sport professionnel qui est en cours ; la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 ; l’organisation prochaine de l’Euro 2016 de football ; le déploiement du plan « Citoyens du sport » ; la mise en place du sport sur ordonnance dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé ; une meilleure prise en compte de la dimension environnementale ; sans oublier l’assainissement financier du CNDS, le Centre national pour le développement du sport, l’incidence de la réforme territoriale avec, notamment, la décentralisation des CREPS, les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, qui s’avère d’ores et déjà une réussite, ainsi que le regain d’intérêt de l’Union européenne, notamment du Conseil de l’Europe, pour le sport.

En un mot, l’actualité sportive se porte bien, et elle s’enrichit aujourd’hui de cette proposition de loi visant à renforcer le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

L’équilibre de ce texte réside dans la bonne articulation de deux têtes de chapitre du Livre vert du supportérisme de 2010 intitulées, d’une part, Allier prévention et répression et, d’autre part, Intégrer les associations de supporters pour pacifier les stades. Nous sommes convaincus que la réussite d’une telle entreprise contribuera à améliorer la fréquentation des stades.

Je ne reviendrai pas sur le détail des articles qui nous a été présenté par Mme la rapporteur de la commission des lois. J’observe seulement que la nécessité de limiter au minimum les atteintes portées aux droits a été au centre des préoccupations du travail des députés, notamment à l’article 1er concernant le refus de délivrance des titres d’accès et des accès.

Ce texte, grâce à l’article 5 ajouté lors des débats à l’Assemblée nationale et que la commission de la culture a particulièrement examiné, constitue une avancée vers une association plus étroite des supporters à la vie économique et sociale des clubs, si ceux-ci s’emparent pleinement de cette possibilité. Mais le dispositif proposé devra être complété au cours des années qui viennent.

Dominique Bailly avait pris l’initiative, le 17 juin 2015, de déposer une proposition de loi relative à la représentation des supporters, cosignée par des collègues de toute tendance, qui visait à créer un conseil des supporters chargé d’assurer l’expression collective de ceux-ci et permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion comme à l’évolution économique et financière des clubs.

La proposition de loi susvisée prévoyait également la création d’un organisme national représentatif des supporters et la nécessité pour les ligues professionnelles de dialoguer régulièrement avec les supporters.

On retrouve une influence certaine de ce texte dans l’article 5 de la présente proposition de loi, même si ce dernier ne va pas aussi loin pour ce qui concerne les conseils de supporters. Il s’agit néanmoins d’une première étape, qui pourra servir de base à des développements futurs.

Nous appelons de nos vœux la poursuite de la concertation entre tous les acteurs concernés et sa traduction législative, dans le continuum d’un processus engagé lors du premier congrès national des associations de supporters de football qui s’est déroulé au mois de janvier 2010 au Stade de France.

D’autres initiatives doivent également permettre d’avancer dans la voie d’un nouveau supportérisme, comme la mise à niveau et une conception moderne de nos stades et enceintes sportives, alliées à notre système de formation et d’apprentissage à la citoyenneté, qui doivent concourir à la sécurisation des rencontres. Ces actions participent à la nécessité de faire du sport une source de plaisir et d’éducation.

L’évolution du sport et sa mondialisation mettent en compétition les organisations et les modèles nationaux, les systèmes fiscaux et sociaux, les environnements juridiques, la qualité des infrastructures. Mais elle intégrera de plus en plus la capacité pour un pays d’organiser des compétitions sans violence ni incivisme dans les stades et autour de ceux-ci.

Ce texte a pour finalité une organisation apaisée – normale – d’un événement sportif, quel qu’il soit. On évoque bien sûr ici le football, car nous sommes à quelques semaines de l’Euro 2016, mais cette proposition de loi concerne l’ensemble des sports, la globalité des relations entre organisateurs de manifestations et clubs de supporters, dans toutes les disciplines. Elle vise l’image du sport en général.

Ne l’oublions pas, sans spectateurs, il ne peut y avoir de clubs professionnels ! Les dirigeants et les entraîneurs passent, les joueurs aussi, mais les supporters restent.

Par ailleurs, ce texte rejoint le rapport de Jean Glavany publié en 2014 et intitulé Pour un modèle durable du football français. La proposition n° 1 de ce document n’est-elle pas intitulée : renforcer la sécurité et le civisme dans le football en associant fermeté et dialogue ?

Permettez-moi de citer un passage de ce rapport : « Il convient de renouveler les politiques de répression des comportements délictuels et de développer la coordination entre tous les acteurs du football : la sécurité est leur responsabilité collective. Le dialogue entre les autorités publiques, les clubs et les associations de supporters est une pièce maîtresse dans cette lutte. »

Cette coopération peut comporter divers volets : organisation des déplacements, animation et accueil dans le stade, lutte contre toutes formes de discrimination, formation citoyenne aux valeurs du sport, contribution à un climat convivial, festif et populaire autour des rencontres.

Gardons également à l’esprit que la violence concerne parfois le sport amateur. Dans les tribunes, à l’occasion de telle ou telle rencontre, nous trouvons aussi des spectateurs venus simplement pour la beauté du geste sportif ou la convivialité de l’ambiance, sans être obligatoirement animés par le résultat du compétiteur, qu’il fût individuel ou collectif.

Face à une jeunesse qui fonctionne beaucoup par identification et mimétisme, l’exemplarité du sportif de haut niveau n’est pas non plus à négliger dans la disposition d’esprit du supporter. Comme l’écrit Pascal Boniface, « la célébrité doit créer des obligations et pas seulement des droits. »

Monsieur le secrétaire d'État, de façon très consensuelle, la commission de la culture s’est prononcée favorablement sur cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui, je l’espère, recueillera l’unanimité de notre assemblée, s’inscrit clairement dans la perspective de l’Euro 2016, un événement qui s’annonce sensible du point de vue de la sécurité.

En effet, outre la menace terroriste qu’il serait irresponsable de nier, se pose la question des actes de hooliganisme dans les stades et aux abords de ceux-ci.

Ces derniers mois, au moins trois matchs ont été ternis par de violents affrontements entre supporters ultras : les rencontres OM-OL en septembre 2015, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

… Le Havre-Lens en janvier dernier et Reims-Bastia en février.

Ces faits intolérables, condamnés par les associations de supporters que je qualifierai de « majoritaires », puisque les hooligans se disent également spectateurs et amateurs de sport, doivent trouver une réponse à la hauteur des actes : stricte et sans appel et, naturellement, répressive.

Je m’inscris en faux contre les objections consistant à affirmer que nous élaborons des lois circonstancielles : les derniers événements et la perspective de l’Euro 2016 motivent certes l’adoption rapide de cette proposition de loi, mais celle-ci s’inscrit dans un arsenal législatif mis en place tardivement en comparaison des autres pays européens.

L’histoire du hooliganisme français et de la réponse de la puissance publique est, en effet, faite de non-dits. La question des pratiques des ultras en France a pendant longtemps été étouffée, pour deux raisons majeures.

Première raison, la représentation sociale du hooligan « à l’anglo-saxonne ». Jeune, pauvre ou mal inséré socialement, alcoolisé, se revendiquant d’une idéologie d’extrême droite ou appartenant à des groupuscules nazis, le hooligan dans toute sa violence serait typiquement britannique. Or les ultras eux-mêmes le disent : ils sont d’abord fans de football, ne sont pas toujours délinquants et voient dans le hooliganisme « une culture, un style de vie ».

Seconde raison, les affrontements ont pendant longtemps eu lieu hors des stades en France, dans des zones reculées. Or les études ont montré que le hooliganisme français est identique à celui que connaît la Grande-Bretagne en termes de quantité, de fréquence et de degré de violence.

Pourtant, les autorités françaises se sont emparées assez tardivement du sujet, puisqu’il a fallu attendre les années 2000 pour voir s’esquisser des mesures probantes en matière de lutte contre le hooliganisme.

Depuis 2009, la création d’une division nationale de lutte contre le hooliganisme et l’adoption de dispositions réglementaires et législatives visant à prévenir les troubles à l’ordre public ont permis de réduire les actes de violence et de rouvrir le chemin des stades aux familles et aux amateurs d’un sport dont les valeurs sont assises sur le fair-play, la tolérance et le respect de l’autre, des valeurs que nous partageons tous dans cet hémicycle.

Néanmoins, les violences persistent, et le bilan de la saison 2014-2015 des championnats professionnels des ligues 1 et 2 fait état d’une recrudescence des actes de hooliganisme.

Pour mettre un coup d’arrêt à ces pratiques et éviter l’emballement des affrontements, il est indispensable de prendre de nouvelles mesures. C’est tout l’objet de cette proposition de loi, qui a été utilement étoffée par les députés en séance publique, à tel point que le nombre d’amendements déposés au Sénat est relativement faible au regard d’autres textes.

Possibilité pour les clubs professionnels de football de mettre en place un fichier des hooligans ; allongement de la durée de l’interdiction administrative ; transmission aux organismes sportifs internationaux d’éléments relatifs aux personnes interdites de stade ; limitation des possibilités de vente de cartes annuelles d’abonnement et possibilité d’autoriser la vente de billets nominatifs ; création d’une instance nationale du supportérisme ; peine complémentaire d’interdiction d’accès à toute zone de retransmission publique d’un match : autant de mesures qui contribueront à garantir le déroulement paisible des matchs, en laissant la place au jeu et au spectacle.

Certes, la proposition de loi est encore perfectible, et les amendements qui nous seront soumis sont, pour l’essentiel, empreints de bon sens et justifiés. J’en ai déposé quelques-uns et j’en soutiendrai certains autres.

Cependant, le texte présenté par la commission, pour reprendre l’excellent propos de Mme la rapporteur, « permet un équilibre bienvenu entre les nécessaires compléments devant être apportés aux clubs sportifs et le respect des garanties applicables en matière de traitements automatisés de données ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

La proposition de loi consacre également le rôle des associations de supporters, dont la prise en compte est indispensable à la fois pour lutter contre le hooliganisme et pour récompenser la qualité de leur pratique du supportérisme, dans l’esprit du sport.

À l’instar de Jean-Jacques Lozach, le rapporteur pour avis de la commission de la culture, je pense que ce texte aurait pu aller plus loin sur ce point, en institutionnalisant la place des supporters dans les clubs, ainsi que le prévoit la proposition de loi soutenue par notre collègue Dominique Bailly. Mais vous nous en direz certainement plus, monsieur le secrétaire d'État, au cours de ce débat, sur votre vision du rôle des supporters dans l’évolution des pratiques sportives.

Permettez-moi de souligner un dernier point. Si l’esprit du sport est parfois malmené dans toutes les disciplines, il est vrai que le hooliganisme est caractéristique du football.

Sport populaire par excellence, diffusé et pratiqué dans le monde entier, le football subit durement l’image de ces ultras, qui cherchent à influer le cours du match par des actes d’une violence extrême, une situation intolérable, à l’image des rencontres qui sont suspendues ou arrêtées par le comportement d’ultras qui lancent des objets sur les joueurs ou cassent des équipements.

Je forme le vœu que les dispositions que nous allons examiner seront adoptées et, surtout, mises en place dès le mois de juin prochain, afin que les festivités liées à l’Euro 2016 ne soient en rien gâchées par des violences intolérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

M. Claude Kern. Il va de soi que le groupe UDI-UC votera ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le football, de par ses chiffres impressionnants, tient une place toute particulière dans le monde du sport français : plus de 2 millions de licenciés – on note une augmentation nette depuis 2012 –, presque 10 millions de personnes dans les stades pour les rencontres professionnelles au cours de cette saison, sans parler du nombre de téléspectateurs.

Lieu de divertissement, exaltation du courage, de l’esprit d’équipe – c’est en tout cas ce que j’espère dans la plupart des cas –, c’est aussi parce que le stade est le lieu idéal pour mener un travail idéologique que, à la fois, les empires, les républiques et, même, les régimes totalitaires ont mené des politiques sportives d’ampleur.

Le football, mais aussi, dans une autre dimension, le cyclisme, a, à ce titre, fait l’objet d’un traitement particulier.

Sport populaire par excellence, le football a les qualités de ses défauts. Et c’est au législateur de réunir les conditions susceptibles d’atteindre un équilibre, afin de préserver le caractère populaire du stade, tout en assurant la sécurité des biens et des personnes.

À ce titre, nous ne pouvons que souscrire à l’article 5 de cette proposition de loi introduit par l’Assemblée nationale. Malheureusement, alors même que deux modèles économiques et sociaux s’opposent diamétralement dans l’Europe du football, la France a choisi de se tourner vers la Grande-Bretagne plutôt que vers l’Allemagne. Cette dynamique s’est manifestée de plusieurs façons.

Tout d’abord, on a assisté à une politique d’incitation à refermer le football professionnel sur lui-même, malgré les dispositifs tels que la prime à la formation, permettant aux clubs amateurs de souffler financièrement, mais les plaçant sous la dépendance directe des structures professionnelles.

Ce constat s’est par ailleurs accompagné d’une souveraineté de plus en plus forte de la Ligue de football professionnel, la LFP, qui se conduit de plus en plus comme le réceptacle des lobbies des clubs que comme une instance régulatrice d’un monde du football gavé par l’argent, ce en oubliant l’immense majorité invisible que constituent les clubs amateurs.

Ce renfermement est apparu notamment pour ce qui concerne les droits télévisuels. Petit à petit, et sous l’impulsion d’une partie des présidents des clubs de l’élite, on se dirige vers une polarisation de ces revenus : les gros clubs, plus bankable que d’autres, et dont les rencontres sont donc plus diffusées, toucheraient plus de droits télévisuels, ce qui leur permettrait de se renforcer et ainsi d’être encore plus attirants l’année suivante.

De la même manière, la réforme future des promotions et des rétrogradations des clubs entre la ligue 1 et la ligue 2 va conduire à un nouvel isolement des clubs de première division, sous prétexte de sécuriser les investisseurs, au détriment de l’enjeu sportif.

Par ailleurs, le rapprochement avec le modèle anglo-saxon s’est exprimé au travers de la politique de « nettoyage des tribunes » que cette proposition de loi souhaite encore, à mon avis, amplifier.

Premièrement, ce fut le cas en soumettant les horaires de matchs aux exigences des diffuseurs. C’est ainsi qu’il avait fallu une mobilisation des supporters – je rapporte là leurs propos ! – pour que les matchs de la ligue 2, relégués les vendredis et les lundis, soient joués à vingt heures et non plus à dix-huit heures quarante-cinq, car il était alors compliqué pour les supporters de venir au stade.

Deuxièmement, cela se vérifia en usant et en abusant de l’arsenal mis en place par la LOPPSI notamment, mais nous y reviendrons plus longuement au cours du débat.

Rappelons tout de même que, en Grande-Bretagne, c’est par la désinstitutionnalisation des tribunes que s’est développé le hooliganisme, qu’il a ensuite fallu combattre en menant une répression importante et, surtout, en augmentant drastiquement le prix des places.

Enfin, cette politique a poussé les clubs à posséder leur propre stade. En France, ce mouvement s’est concrétisé, par exemple, avec le stade Pierre-Mauroy, propriété d’Eiffage jusqu’en 2043, et le stade des Lumières, propriété d’OL Groupe.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard

Ce n’est pas la même chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Quel rapport avec le « nettoyage des tribunes » ? La construction d’un nouveau stade, par ailleurs propriété privée, a deux conséquences essentielles. Premièrement, le prix des places est forcément plus élevé. Deuxièmement, les stades quittent les centres-villes au profit de la périphérie, cette nouvelle localisation les rendant, d’ailleurs, la plupart du temps, beaucoup plus difficiles d’accès. Ce constat est confirmé par la baisse moyenne du taux de remplissage.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, je veux à la fois rappeler l’attachement du groupe CRC au sport en général, en tant que pratique fédératrice et populaire, et dire que cette proposition de loi ne nous semble pas protéger suffisamment cet idéal.

Comme je l’ai fait remarquer, la France a suivi le modèle anglo-saxon, qui a poussé la marchandisation du football à son extrême, au risque d’exclure des catégories populaires des stades, laissant les structures privées gouverner le football professionnel et ne faisant aucune distinction entre supporter, ultra et hooligan – je partage votre avis sur ce point, monsieur le secrétaire d'État !

M. le secrétaire d'État s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Pourtant, d’autres modèles, promus en Europe, perfectibles, mais meilleurs, auraient pu permettre de sortir de cette impasse, que nous estimons sécuritaire et, surtout, très libérale.

Pour l’heure, la philosophie générale de cette proposition de loi ne nous satisfait pas. Nous serons attentifs au cours des débats et aux avis qui seront émis sur nos amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus de quatre mois après les attentats du 13 novembre, deux semaines après les attaques de Bruxelles et à deux mois de l’Euro de football de 2016, le contexte dans lequel nous examinons la proposition de loi du groupe Les Républicains renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme est bien évidemment loin d’être anodin.

Le hooliganisme est un phénomène qui reste, et c’est heureux, relativement minoritaire en France. Pour le combattre, notre pays s’est déjà doté, au fil des années, d’un arsenal répressif important relatif aux supporters, avec l’interdiction administrative de stade, ou IAS, et l’interdiction judiciaire de stade, l’IDS.

Alors que la législation en vigueur comporte les dispositions nécessaires pour prévenir et sanctionner les violences dans les enceintes sportives, l’article 1er de la présente proposition de loi permettrait aux clubs de football de refuser l’accès aux stades à des supporters ne faisant pas l’objet d’une IAS, mais qui présenteraient un danger pour la sécurité ou le bon déroulement de la rencontre sportive. Ces mêmes clubs pourraient ensuite ficher ces personnes à l’aide d’un traitement automatisé de données à caractère personnel.

Le député Guillaume Larrivé, coauteur et rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, précise, dans son rapport, que ces dispositions, qui « devrai[en]t conduire à une moindre mobilisation des forces de police lors des rencontres sportives, appara[issen]t d’autant plus nécessaire[s] qu’actuellement les forces de l’ordre doivent être prioritairement mobilisées pour lutter contre la menace terroriste islamiste. » Afin de mieux lutter contre cette menace, il faudrait déléguer les prérogatives de la police et des préfets aux clubs de football en matière de gestion de la sécurité, de l’accès aux stades et de fichage des supporters.

Cette évolution me semble quelque peu problématique. Laisser l’exercice de ces compétences aux mains de sociétés commerciales non contrôlées constitue un risque d’arbitraire bien trop élevé.

Bien sûr, le fichier tenu par les organisateurs de manifestations sportives sera soumis à un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et mis en œuvre dans les conditions définies par le Conseil d’État. Mais peut-on s’assurer qu’un tel fichier sera sciemment utilisé pour écarter les personnes violentes, et non pour effectuer un tri sur d’autres critères ? En effet, les clubs pourraient profiter de ces nouvelles dispositions pour écarter des supporters jugés trop revendicatifs – par exemple, ceux qui dénonceraient une gouvernance autocratique ou s’opposeraient à une politique tarifaire excessive.

De surcroît, l’article 6 de la proposition de loi étend l’interdiction de stade aux lieux de retransmission des matchs. Dans le contexte actuel et à l’approche de l’Euro 2016, nous comprenons, bien sûr, que l’accès aux fan zones, qui pourraient réunir entre 10 000 et 100 000 personnes, soit restreint et que les contrôles soient renforcés. Mais comment appliquer une telle disposition au regard du nombre très élevé d’établissements où seront retransmis les matchs de football, qu’il s’agisse des bars, des restaurants, ou encore des salles de sport ?

Évidemment les actes de violence et de discrimination devraient être sanctionnés de manière vigoureuse, mais il est tout aussi important de promouvoir un encadrement très strict des mesures susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles et d’être utilisées à des fins discriminatoires.

Il importe également de sortir d’une logique uniquement punitive et de s’engager dans une logique préventive, qui intègre les premiers acteurs concernés, à savoir les représentants des supporters. En effet, la représentation des supporters au sein tant des instances nationales du sport que des sociétés exploitant les clubs professionnels est la garantie d’une meilleure politique de prévention, permettant de lutter plus efficacement contre les phénomènes de violence et de discrimination au sein des enceintes sportives.

Sur ce point, l’article 5 permet de faire entrer dans la loi une définition positive des supporters, ainsi qu’une représentation à la fois locale et nationale de ces derniers.

Ces mesures, nous les soutenons. D’ailleurs, mon collègue Ronan Dantec présentera des amendements visant à garantir un meilleur partage de la gouvernance entre fédérations, clubs et représentants des supporters.

De nombreux amendements ont été déposés. Ceux du groupe écologiste ont été élaborés dans un esprit tout à fait constructif.

Au final, il s’agira de savoir si le texte revisité par le Sénat atteindra l’équilibre entre répression et prévention. De cet équilibre dépendra le vote du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte a considérablement évolué depuis sa transmission au Sénat, qui l’a déjà profondément transformé.

Face aux supporters, deux philosophies s’opposent : la fermeté et la compréhension.

Cela étant, les supporters de football, comme des autres sports, d'ailleurs – c’est toutefois dans le domaine du football que les problèmes se posent avec le plus d’acuité, les difficultés étant, en général, proportionnelles au nombre de spectateurs – se divisent en deux catégories : d’un côté, ceux dont le comportement est tout à fait correct et qui ne créent pas de problèmes et, de l’autre, ceux que l’on pourrait appeler les « agités », qui se livrent à des exactions.

Je pense qu’il ne faut pas aller trop loin dans la compréhension à l’égard de ceux qui cassent tout, qui se battent… On n’a pas besoin de tels individus, que je considère comme des parasites, dans les stades ! À cet égard, je regrette très vivement que la CNIL ait en quelque sorte censuré la tentative du Paris Saint-Germain d’éliminer leur présence : si on avait laissé le PSG réagir, les supporters actuels seraient peut-être moins virulents et certainement beaucoup plus calmes.

Il faut prendre la mesure des dérapages. Ce n’est pas parce que l’on soutient une équipe que l’on doit donner des coups de poing à son voisin ou casser la vitrine de commerces !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

On ne souligne jamais assez que ce sont certains clubs spécifiques qui posent des problèmes. Il faudrait peut-être sanctionner les clubs concernés de manière beaucoup plus vigoureuse. Cela aurait un effet dissuasif. Or, bien souvent, les dirigeants de certains clubs ne sont pas mécontents que des petites péripéties se produisent : cela fait parler du club, cela donne l’impression qu’il est important, cela stimule l’enthousiasme des spectateurs…

Il faudrait peut-être intégrer une forme de responsabilité des clubs et faire en sorte que ces derniers s’autodisciplinent beaucoup plus qu’actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Cela figure déjà dans la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je souhaite que l’on ne sombre pas dans l’excès de compréhension et que l’on continue de faire preuve d’une certaine fermeté dans la répression, car les hooligans comprennent certainement mieux celle-ci que celle-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne peut justifier que des violences puissent survenir en marge des rencontres sportives, que ce soit dans les stades ou à l’extérieur de ceux-ci. À cet égard, nous entendons, à l’instar de nos collègues, faire preuve de la plus grande fermeté contre toutes ces violences, qui n’ont pas leur place dans le sport.

Toutefois, de ce point de vue, l’arsenal répressif est depuis la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2, plutôt satisfaisant en ce qui concerne le traitement des supporters violents et les mesures coercitives pour éloigner ceux-ci des stades.

Pourtant, la version initiale du texte déposé à l’Assemblée nationale visait exclusivement à renforcer ces mesures répressives, sans jamais poser la question de leur application et de leur efficacité : sont-elles toujours ciblées sur les faits les plus graves ? Les sanctions sont-elles toujours proportionnelles à la gravité des faits ? Comment, enfin, concilier au mieux les impératifs de sécurité et le respect des libertés publiques ?

Pour preuve que ces interrogations ne paraissaient pas fondamentales, aucun représentant ni des clubs de football ni des associations de supporters n’a été auditionné par le rapporteur à l’Assemblée nationale, alors que ces organismes sont les premiers concernés par cette proposition de loi.

Je sais gré à notre rapporteur d’avoir réparé cet impair en permettant à des dirigeants de clubs, aux représentants d’associations de supporters, mais aussi à des chercheurs spécialistes de ces mouvements d’exprimer leur point de vue et, ainsi, d’avoir élargi la réflexion.

Une articulation entre la répression des comportements violents et le dialogue avec les associations de supporters susceptibles justement d’enrayer les comportements à risque semble indispensable si l’on veut mener une politique tout à la fois efficace sur le plan de l’ordre public et respectueuse des libertés individuelles. C’est ce que traduit le nouvel intitulé de la proposition de loi. Nous nous félicitons également de l’intégration en son sein de dispositions visant à améliorer le dialogue et la prévention, même si nous pensons que le texte peut aller encore plus loin.

L’article 1er permet aux clubs d’exclure des supporters. À l’inverse de plusieurs de mes collègues, je ne suis pas convaincue de la nécessité de confier aux clubs des pouvoirs de police appartenant au juge et au préfet, pouvoirs qu’aucun club, hormis le Paris Saint-Germain, ne réclamait. Certes, la situation du club de la capitale, avant le plan de sécurité dit « Leproux », nécessitait un traitement spécifique, mais la loi n’est pas là pour s’adapter aux cas particuliers. En ce sens, je veux citer un extrait du rapport Faut-il avoir peur des supporters ?, issu de travaux menés dans l’enceinte de la Haute Assemblée en 2007 : « la responsabilité d’expulser physiquement un spectateur récalcitrant d’un stade incombe aux services de police ou de gendarmerie. » Eu égard à l’exemple du PSG, épinglé par la CNIL à plusieurs reprises, entre 2013 et 2015, pour fichage illégal, comment contrôler d’éventuels abus de la part des clubs ? La question demeure et justifiera les amendements que nous défendrons ultérieurement.

Demeurent également des interrogations sur la pertinence de l’allongement des interdictions administratives de stade prévu à l’article 2. Il faut savoir que l’interdiction judiciaire de stade permet déjà d’écarter un supporter considéré comme violent pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, à l’instar, par exemple, des législations allemande ou espagnole. Renforçons cette mesure ! À l’inverse, la vocation préventive des interdictions administratives de stade paraît en contradiction avec la volonté d’étendre leur durée. Ces interdictions, émanant du préfet, visaient à l’origine à faire la jointure avec la procédure judiciaire, non à se substituer à elle. En allongeant leur durée, ne s’expose-t-on pas à ce qu’elles deviennent la voie de recours normale ?

N’oublions pas, mes chers collègues, que ces mesures n’offrent pas les garanties du contradictoire et peuvent s’avérer très invalidantes pour les supporters incriminés, ainsi que l’a fait remarquer Mme la rapporteur, d’autant plus que l’on constate un taux anormalement élevé d’annulations de ces mesures de la part des tribunaux administratifs. Ces recours qui aboutissent devraient nous alerter sur un dispositif qui s’est peut-être écarté de sa finalité première !

Enfin, il apparaît que les interdictions administratives de sortie du territoire – destinées, je le rappelle, aux Français présumés terroristes – présentent un régime plus protecteur pour les personnes que les interdictions administratives de stade, ce qui semble difficile à justifier.

Les dispositions de l’article 5 qui prévoient la création d’une instance nationale du supportérisme et d’un agent de liaison entre les supporters, les clubs et les pouvoirs publics nous semblent tout à fait positives – je le répète –, mais le rôle des associations de supporters est déterminant dans la régulation des comportements à risque. Il faut donc dialoguer avec celles-ci et, ainsi, contribuer à les responsabiliser. De ce point de vue, s’il fallait trouver des exemples en Europe, c’est moins du côté de la Grande-Bretagne que de l’Allemagne, où ce dialogue permet souvent de désamorcer les tensions, qu’il faut chercher.

Enfin – j’en terminerai sur ce point –, il nous paraît important de rendre publics les chiffres du ministère de l’intérieur relatifs aux interdictions de stade et de déplacement, afin d’orienter au mieux une politique publique efficace.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous avons des propositions à faire pour enrichir ce texte de loi !

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, avant que nous n’abordions ce texte dans le détail, de procéder à un petit rappel de contexte. On ne peut pas traiter du supportérisme et du hooliganisme sans rappeler que le sport permet le dépassement de soi et qu’il est porteur de valeurs universelles de solidarité, de respect de l’autre et des règles communes, ainsi que d’un message de concorde.

Si chacun s’accorde à en reconnaître les vertus, tant pour la santé physique et mentale de ceux qui le pratiquent que pour son incidence sociale à travers les valeurs qu’il prône et les vrais moments de communion qu’il permet de vivre, il est aussi un miroir de notre société et de ses dimensions moins glorieuses : compétition acharnée, attrait et pouvoir de l’argent, individualisme et, dans les cas les plus extrêmes, nationalisme et xénophobie.

Le sport, depuis ses origines, doit composer entre sa dimension humaniste et les passions exacerbées qu’il suscite. Ainsi, la violence, dans les stades et autour de ceux-ci, ne date pas de l’ère contemporaine. Déjà les légions romaines, à l’instar de nos forces de l’ordre, intervenaient pour réprimer les débordements de ceux que l’on n’appelait pas encore les supporters lors des courses de chars à Constantinople.

Les chars ont disparu, mais la violence est malheureusement toujours là. Les stades en ont donné l’illustration la plus vive, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi chez nous. J’en veux pour preuve les derniers incidents en date qui se sont déroulés au Havre, dans mon département.

On peut s’interroger sur les causes de ces comportements : présence nombreuse, effet de foule, confrontation d’équipes dont l’une, gagnante, est possiblement arrogante et l’autre, perdante, probablement frustrée…

Toutes les explications peuvent être fournies et les études ne manquent pas. Il n’en reste pas moins que la violence, qui doit être en permanence prévenue, contenue et réprimée, est inacceptable.

Dans le même temps, les événements sportifs ont toujours rassemblé des foules enthousiastes, venues partager un spectacle, soutenir l’image de leur territoire et l’excellence de ses représentants. Ce sont, pour elles, des moments de convivialité et de partage, créateurs de lien social, qu’il faut absolument préserver.

C’est pourquoi il faut, sans relâche, et en s’adaptant aux évolutions de notre société, rechercher et trouver le meilleur équilibre possible entre le maintien de la sécurité dans nos stades et la reconnaissance des valeurs portées par les supporters.

De nombreuses réflexions ont déjà été engagées sur cette question, comme l’ont rappelé les précédents orateurs : la révision en cours de la convention européenne de 1985, le Livre vert de 2010, le rapport de Jean Glavany intitulé Pour un modèle durable du football français, ou encore la proposition de loi de notre collègue et ami Dominique Bailly, dont nous reprendrons, sous forme d’amendements, plusieurs préconisations.

La présente proposition de loi, dans son aspect répressif, complète un arsenal déjà important qui a permis de réduire les actes de hooliganisme, notamment à travers la mise en œuvre du fichier national des interdits de stade, même si nous constatons un rebond des incidents en 2015.

Il est utile de préciser que si ce fichier s’adresse à toutes les manifestations sportives, il concerne essentiellement le football, qui cumule, à lui seul, 367 interdictions de stades en 2015, contre 3 pour le rugby, 3 pour le basket et aucune pour les autres disciplines sportives.

De façon plus générale, ce texte a le mérite de clarifier la répartition des rôles en matière de sécurité entre les organisateurs de manifestations sportives et l’État, et de responsabiliser les premiers en leur donnant les moyens d’assumer pleinement leurs obligations : refus d’accès au stade, résiliation d’abonnement, création de fichiers spécifiques.

Ces dispositions ont été encadrées pour préserver les libertés fondamentales. Toutefois, elles mériteraient de l’être davantage encore pour rassurer les supporters, qui craignent de possibles décisions arbitraires visant à éloigner du stade des personnes revendicatrices, mais peu ou pas dangereuses pour autant. Plusieurs des amendements déposés vont dans ce sens.

Le texte prévoit également d’allonger la durée des interdictions administratives de stade. Si l’on peut admettre cette mesure afin de rendre ces interdictions pleinement efficaces, j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur l’usage croissant de telles interdictions : celles-ci n’ont en effet pas vocation à se substituer aux mesures judiciaires et sont trop souvent assorties d’obligations de pointage qui peuvent rendre la vie d’un supporter particulièrement difficile quand le club qu’il soutient dispute près de soixante rencontres par an. Nous le rappelons : ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques que représente la personne concernée.

Enfin, il nous paraît judicieux d’étendre les interdictions judiciaires à ce que l’on appelle les « fan zones », tout en considérant nécessaire d’en préciser le périmètre.

Sur les sept articles que compte cette proposition de loi, cinq concernent la dimension répressive. L’article 5, particulièrement important et attendu, marque un véritable tournant en ce qu’il reconnaît – enfin ! – l’existence, le rôle et la place des supporters. Il existe aujourd’hui une réelle volonté de la part de ces derniers de se structurer et de devenir des interlocuteurs crédibles des autorités et des clubs. Cela s’est traduit par la tenue des assises du supportérisme, ici même, au Sénat, et par la création du Conseil national des supporters de football et de l’Association nationale des supporters.

Il est indispensable d’accompagner les supporters et de stimuler leur rôle non seulement social et démocratique, mais aussi d’acteurs de prévention des comportements indésirables.

Les associations de supporters doivent être reconnues et dissociées clairement des hooligans : elles jouent un rôle d’intégrateur social pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives, notamment pour les plus jeunes ; elles constituent des espaces d’apprentissage de la vie associative et militante ; elles sont enfin régulatrices de la violence lorsqu’elles exercent un contrôle efficace sur leurs membres – c’est la raison pour laquelle nous considérons qu’elles doivent avoir connaissance des interdits de stade liés à leur club.

Les autorités publiques, les collectivités territoriales, mais aussi les sociétés commerciales organisatrices d’événements sportifs doivent poursuivre et approfondir le dialogue avec ces associations – et, quand cela n’est pas encore fait, l’engager – et aider à leur structuration.

Ainsi, l’amélioration de la représentation de ces associations, à travers la création d’une instance nationale du supportérisme, est une excellente décision, qui mériterait d’être prolongée – ce sera l’objet de deux amendements. Ce serait le gage d’une plus grande transparence et d’une plus grande durabilité du sport, vecteur de cohésion sociale et de responsabilité sociétale.

Nous plaidons donc, monsieur le secrétaire d’État, pour que soit trouvé le meilleur équilibre entre adaptation des mesures répressives, garantie des libertés individuelles et reconnaissance du rôle des associations. Nous soutiendrons toutes les avancées qui feront de ce texte une loi contre les hooligans et pour les supporters.

Applaudissements sur les travées du groupe so cialiste et républicain – Mme la rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les compétitions sportives constituent des moments importants de cohésion. Ces rencontres sont parfois dégradées par des individus totalement étrangers aux valeurs sportives qui profitent des insuffisances de notre législation ; des individus dont la haine n’a rien à voir avec la passion et l’enthousiasme des supporters.

En raison de certaines lacunes juridiques qui empêchaient de remédier aux débordements lors de rencontres sportives, il était nécessaire de compléter et d’améliorer notre arsenal législatif.

À cet égard, je salue les avancées contenues dans le dispositif qui nous est proposé. Je salue également nos collègues de l’Assemblée nationale qui ont permis à cette initiative de voir le jour. Je remercie enfin la commission des lois, son président, Philippe Bas, et Catherine Troendlé qui ont examiné ce travail constructif pour répondre aux nécessités de l’actualité sportive.

Cette proposition de loi répond tout d’abord à l’impossibilité de communiquer aux fédérations et groupements sportifs la liste des personnes indésirables. Le Conseil d’État avait même récemment annulé la communication de ces données aux fédérations et groupements sportifs agréés, au motif que ces organismes n’exerçaient aucune mission dans le maintien de l’ordre public. Seule une modification législative pouvait mettre fin à cette impossibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Ce sera chose faite, monsieur le président de la commission des lois, si la proposition de loi et son article 1er sont adoptés.

Désormais, le fichier des indésirables pourra être créé et utilisé par des organisateurs d’événements sportifs.

Cette avancée met fin à un blocage qu’il était impossible de contourner, sous peine d’illégalité. Il sera dorénavant possible de refuser des supporters – les individus visés ne méritent d’ailleurs pas ce nom !

Ce texte comporte d’autres avancées. La durée légale des interdictions administratives de stade est, à ce jour, dérisoire et inadaptée par rapport à la saisonnalité des championnats. Ne laissons pas ces interdits de stade revenir régulièrement, un peu à la manière de la mauvaise saison.

À cet égard, j’approuve l’élargissement de la durée de l’interdiction administrative de douze à vingt-quatre mois, voire à trente-six en cas de récidive.

De même, je me réjouis que la liste des personnes sous le coup d’une interdiction administrative de stade soit communiquée aux organismes sportifs internationaux.

En tant qu’élu parisien, je sais que la ville de Paris est concernée par l’Euro 2016. Pour éviter les débordements, il faut donc agir en amont et faciliter le travail des instances européennes et internationales. Instaurer la possibilité de savoir qui est interdit de stade est une mesure de bon sens.

Pour éviter que certains hooligans ne contournent les vérifications d’identité, la proposition de loi prévoit aussi la généralisation de la vente nominative d’abonnements, ce qui permettra d’éviter la pratique des ventes de billets en bloc.

Enfin, je me réjouis que le rôle et la responsabilité des supporters soient reconnus à travers la création d’une instance nationale du supportérisme placée auprès du ministre des sports. Les supporters pourront ainsi contribuer au bon déroulement des compétitions sportives.

Il est important que ces derniers soient consultés. Leur rôle ne doit pas seulement être passif. Les supporters sont bien plus que des spectateurs, ce sont des acteurs à part entière. Ils contribuent à l’intensité de l’ambiance des grandes compétitions sportives.

J’approuve l’élargissement des interdictions judiciaires de stade aux fan zones. La retransmission d’un événement sportif doit être l’occasion d’une scène de liesse, non de jets de tessons… Il convient donc d’aller au-delà des stades et de leurs abords, en élargissant précisément la notion de périmètre couvert par l’interdiction judiciaire de stade.

Je salue, à cet égard, le dispositif introduit à la suite de l’adoption d’un amendement de Philippe Goujon, à l’Assemblée nationale. Cette initiative est fondamentale. Ne laissons pas ceux qui ont violé la loi profiter de ses insuffisances et de ses flous. Les interdits de stade doivent être éloignés de tous les lieux où ils peuvent sévir. Il s’agit d’une avancée aussi importante que la possibilité de créer des listes de personnes indésirables dans les stades.

Mes chers collègues, il y a urgence : l’Euro 2016 approche. Ne laissons pas nos pelouses parisiennes devenir le terrain de jeu de batailles rangées. À Paris, nous avons encore le souvenir des débordements inacceptables du 13 mai 2013. Nous avions alors déploré l’inertie des pouvoirs publics, plus prompts à sévir lors de certaines manifestations qu’à s’occuper des casseurs.

De ce point de vue, étant donné la configuration des lieux et les risques de débordement, les fan zones doivent être évitées dans la capitale au cours de l’Euro 2016. Il y va de la tranquillité publique. J’en profite pour relayer les demandes et les craintes de ceux qui veulent éviter de voir Paris devenir un terrain d’affrontement. Cela permettrait aussi de ne pas disperser les forces de l’ordre, souvent sollicitées depuis le 13 novembre dernier.

Pour toutes ces raisons, j’approuve ce dispositif, fruit d’un travail transpartisan. Parce que c’est à la fois le cœur et la raison qui s’expriment, je suis favorable à l’adoption de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour ses auteurs, la proposition de loi que nous étudions vise à permettre aux clubs professionnels de mieux assumer leur responsabilité en matière de sécurité dans les stades, via le refus de vente de billets et la mise en place d’un fichier d’exclusion, et à allonger la durée des interdictions administratives de stade.

Je mesure et partage la nécessité de garantir la sécurité de l’Euro 2016, que notre pays accueillera dans un peu plus de deux mois, ce dans un contexte particulier de menace terroriste. Il s’agit bien évidemment d’une priorité du Gouvernement. Les mesures de sécurité prévues à cette fin ont d’ailleurs été renforcées pour les stades, leurs abords et les fan zones.

Toutefois, sans amoindrir l’enjeu que constitue l’Euro 2016 en matière de sécurité, les supporters ne peuvent être appréhendés uniquement sous l’angle de la répression. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que nos collègues de l’Assemblée nationale, avec votre soutien, aient pu dépasser ce premier volet sécuritaire pour introduire des dispositions en faveur du dialogue avec les supporters.

Comme vous l’avez souligné dans votre propos introductif, le nouvel intitulé de cette proposition de loi en atteste et permet de faire une différence, à mon sens cruciale, entre supporters et hooligans. C’est en effet dans un souci de dialogue avec les supporters et leurs représentants que je souhaite aborder ce texte.

Selon moi, les supporters sont un maillon essentiel du dispositif sportif. Nous avons tout à gagner à les écouter et à les impliquer davantage, en particulier pour préserver la sécurité lors des rencontres sportives. Tel est d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, le sens de la proposition de loi relative à la représentation des supporters que j’ai déposée au mois de juin 2015 et que vous avez mentionnée, préparée avec les associations de supporters et signée par une soixantaine de collègues, de tous bords politiques.

Je me félicite que le texte qui nous occupe ce soir reprenne déjà, en partie, certaines des dispositions que j’ai proposées, notamment la création d’une instance nationale du supportérisme – j’y reviendrai dans quelques instants.

L’article 1er de la présente proposition de loi permet aux clubs organisateurs de refuser la vente de billets à certains spectateurs, auteurs d’actes inciviques ou manifestant des comportements violents, et de créer ce fameux fichier de hooligans.

Si je soutiens la nécessité de donner aux clubs les moyens de lutter contre la violence dans les stades, la formulation de cet article doit, selon moi, être précisée pour éviter tout risque d’arbitraire dans les décisions de refus d’accès que prendront les clubs. Nous présenterons donc un amendement allant dans ce sens.

L’article 2, quant à lui, allonge la durée de l’interdiction administrative de stade. Si l’existence d’une telle mesure est nécessaire, il convient là aussi de préciser les choses. On constate en effet que deux tiers des recours mènent à l’annulation de l’arrêté contesté. C’est pourquoi nous présenterons deux amendements : l’un, relatif au principe du contradictoire ; l’autre, relatif aux obligations de pointage, comme l’évoquait à l’instant Didier Marie.

L’article 3 prévoit la transmission de l’identité des interdits de stade aux organismes sportifs internationaux, lorsqu’une équipe française participe à une manifestation sportive à l’étranger. Nous proposons d’étendre cette disposition aux compétitions organisées par ces mêmes organismes sur le sol français.

Par ailleurs, dans un souci de responsabilisation des associations de supporters et afin de leur permettre de promouvoir les valeurs du sport, nous proposons que le préfet communique l’identité des interdits de stade aux associations de supporters agréées, au même titre qu’aux clubs et aux fédérations.

L’article 5, consacré aux supporters, insère un nouveau chapitre dans le code du sport, ce dont je me félicite. Il pose une définition des supporters et des associations de supporters.

Je profite de cette tribune pour vous remercier une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, de cette initiative gouvernementale de création d’une instance nationale du supportérisme et d’un référent supporters.

Cet article va réellement dans le bon sens. Comme j’aimerais qu’il aille encore un peu plus loin, les membres de mon groupe et moi-même avons déposé trois amendements : le premier tend à préciser les conditions de désignation et de formation du référent, ainsi que ses missions ; le deuxième et le troisième s’inspirent de certaines des dispositions contenues dans ma proposition de loi de juin 2015. En effet, le présent texte instaure une représentation des supporters à l’échelon national. Nos amendements visent non seulement à décliner cette représentation à l’échelle des clubs, mais aussi à élargir la composition des fédérations aux représentants des supporters.

Assurer la sécurité au sein des enceintes est un objectif que nous partageons, mais pas au détriment des supporters. C'est la raison pour laquelle nos amendements tendent à préciser et à proportionner les dispositions, ainsi qu’à associer et à responsabiliser les supporters.

En conclusion, j’aimerais dire qu’il est temps d’appréhender les supporters sous un autre angle que celui de la répression, de prendre conscience qu’ils font partie intégrante du mouvement sportif et que les inclure et les responsabiliser ne peut qu’être un atout pour le sport professionnel français.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Les supporters constituent l’âme du football professionnel. Sans eux, le football professionnel ne serait pas très différent d’un sport amateur ou d’un divertissement quelconque. Alors que la plupart des joueurs et des entraîneurs changent de clubs au cours de leur carrière, les supporters honorent leur engagement contre vents et marées et restent fidèles à leur équipe.

Je suis satisfait de voir arriver au Sénat cette proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, texte comportant à la fois des dispositions répressives et d’autres plus novatrices, car axées sur le dialogue.

Nous sommes à deux mois de l’UEFA Euro 2016. Notre pays ayant la chance d’accueillir un tel événement, on attend de lui qu’il soit irréprochable en matière de sécurité.

Ainsi, dans son volet répressif, la proposition de loi décline un panel de mesures demandées par les clubs, désabusés face à certains comportements, heureusement minoritaires, de supporters.

La durée maximale de l’interdiction administrative de stade, déjà portée à six mois en 2010, puis à douze mois en 2011, atteindrait désormais vingt-quatre mois. En cas de récidive, elle passerait de vingt-quatre mois à trente-six mois.

Cette interdiction serait étendue aux fan zones, comme c’est déjà le cas pour les interdictions judiciaires de stade.

Par ailleurs, la proposition de loi tend à permettre aux organisateurs de refuser ou d’annuler la vente d’un titre d’accès au stade, pour raisons de sécurité.

Enfin, et c’est là une disposition nouvelle importante, les clubs seront autorisés à automatiser le traitement des données de supporters. Ce fichier automatisé des supporters sera néanmoins limité aux personnes contrevenant « aux dispositions des conditions générales de vente ou de règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations ». Le simple supporter ne posant aucun problème ne se retrouvera donc pas fiché ; en revanche, les hooligans le seront. La précision est de taille. À cet égard, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier Mme le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la qualité de leurs travaux.

Aujourd’hui, notre système est répressif, proche de celui de la Grande-Bretagne. Nous sommes conscients de l’importance d’aller vers un système axé sur le dialogue avec les supporters et les associations de supporters et permettant de construire une véritable relation de confiance. En effet, la confiance entre les différents acteurs du sport constituera un moyen d’améliorer la sécurité ; cette proposition de loi va dans ce sens.

Elle prévoit notamment de mettre en place, dans chaque club, des référents chargés des relations avec les supporters. Je suis pleinement favorable à un tel dispositif. Ces référents seront désignés après avis des associations respectant les valeurs du sport, en particulier celles qui bénéficient de l’agrément du ministère des sports. Chaque club professionnel aura donc l’obligation de désigner un ou plusieurs représentants officiels des supporters chargés des relations entre le club, ses supporters et les associations de supporters.

À l’échelon européen, l’UEFA partage cette idée, puisqu’elle a elle-même mis en place des responsables de l’encadrement des supporters, ou RES.

La responsabilité de choisir, sélectionner, former un tel responsable reviendra à la direction du club. Principal prérequis : être bien connu des supporters, entièrement accepté et à même de comprendre les groupes cibles. Ce responsable sera employé, dans les grands clubs, de préférence à plein temps. Dans les plus petits clubs, il bénéficiera d’un temps partiel ou interviendra bénévolement. Le dialogue avec les supporters commence avec leurs référents.

Pour avoir été responsable de l’organisation des matchs de l’Europa League – ce n’était malheureusement pas à Marseille –, je sais que le dispositif des RES fonctionne, permettant en particulier d’aider au debriefing précédant le match, qui réunit différents intervenants, à savoir, notamment, le club et les représentants de l’État et de la ville. Il peut permettre d’anticiper les éventuelles difficultés.

Le dialogue est également recherché avec la création auprès du ministère chargé des sports d’une instance nationale du supportérisme qui reconnaît le rôle des associations de supporters. Elle sera composée de l’ensemble des acteurs du sport.

Enfin, il était opportun de créer un statut du supporter, reconnu en tant qu’acteur du sport respectueux de l’éthique sportive et des valeurs éducatives et citoyennes du sport. Il est rappelé que le supporter doit participer au bon déroulement des manifestations sportives.

La création d’un statut de supporter et d’instances de représentation au sein des institutions et des clubs est un symbole important. Les supporters deviennent de véritables interlocuteurs. Il faut qu’ils soient associés aux discussions, que leurs voix soient prises en compte dans la gouvernance du sport, comme c’est le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni. À ce titre, la représentativité des instances créées constituera un véritable enjeu.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai bien sûr ce texte, le dialogue avec les supporters me paraissant primordial. Nous assistons aujourd’hui en France à une baisse des niveaux de fréquentation des stades. L’incompréhension entre les acteurs grandit. Nous sommes en outre dans une période difficile de lutte contre le terrorisme, laquelle nécessite que des mesures sécuritaires soient prises. Dans ce contexte, la concertation me semble la meilleure des alliés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques-Bernard Magner applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale et présentée par Guillaume Larrivé arrive fort opportunément, à quelques semaines seulement de l’ouverture de l’Euro 2016. Elle devrait fournir aux organisateurs les moyens législatifs d’assumer beaucoup mieux leurs obligations en matière de sécurité.

Ce n’est pas la première fois que le Parlement se préoccupe de ces problèmes de hooliganisme et d’insécurité dans nos stades et nos enceintes sportives. J’ai ainsi souvenance d’une réflexion menée au Sénat en 2006 et 2007 par nos anciens collègues Bernard Murat et Pierre Martin, au sein d’un groupe de travail auquel je participais et dont le thème était le suivant : faut-il avoir peur des supporters ?

Il se trouve que les principales propositions des rapporteurs de l’époque rejoignaient déjà les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je pense, en particulier, à la nécessité du « renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters » et de la « création d’un fichier européen commun des interdits de stade », ainsi qu’aux mesures de prévention, qui nous auraient permis de gagner dix ans en la matière.

Plus récemment, en 2011, j’ai été moi-même rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, d’un texte relatif à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016. Si la finalité essentielle de cette loi était de permettre le financement de la rénovation de six enceintes sportives et de la création de quatre nouveaux stades réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif par le biais d’une éligibilité aux subventions publiques et aux participations financières extérieures, la sécurité dans les nouveaux stades faisait partie intégrante du cahier des charges de l’UEFA pour l’Euro 2016. Jean-Jacques Lozach a évoqué le travail mené par Dominique Bailly sur le même sujet au mois de juin 2015.

Les aspects essentiels de la proposition de loi ayant été évoqués par les précédents orateurs, je me bornerai à souligner les trois points qui me paraissent primordiaux.

Tout d’abord, les cartes d’abonnement doivent évidemment être nominatives. Une photo devrait également être exigée. Certes, une telle disposition est sans doute de nature réglementaire. Toutefois, elle permettrait d’éviter la présentation de fausses identités, phénomène assez fréquent.

Ensuite, l’interdiction des stades doit être effective pour ceux qui sont condamnés. À cet égard, le délai de trois ans me paraît raisonnable.

Enfin, il convient de renforcer le dialogue entre les supporters, leurs représentants et les dirigeants des clubs. C’est certainement la préconisation le plus importante. Il faut que le club et les groupes de supporters tombent d’accord sur la désignation de responsables officiels des supporters qui doivent dès lors assumer pleinement leurs responsabilités, et faire respecter les engagements pris avec le club, dans le cadre, comme l’a dit tout à l’heure M. le secrétaire d’État, d’un véritable partenariat.

Par ailleurs, les hooligans, venus de Grande-Bretagne, sont, après les associations d’ultras, les plus dangereux. Leur attachement au club, probablement réel au début, dévie très vite vers un soutien violent, devenu le seul motif de leur venue au stade. Ils se regroupent de manière informelle, dans des bandes et non des associations, afin d’organiser ce qu’ils appellent des « fights » avec d’autres supporters. Ce sont des batailles de rue ou de tribune n’ayant comme but que la violence elle-même.

C’est surtout ce type d’individus qui n’a plus rien à voir avec un supporter sportif qu’il faut absolument éradiquer, comme l’a réussi en partie le Paris Saint-Germain. Ces personnes ne doivent plus pouvoir pénétrer dans les stades.

Toutefois, cela a été dit à maintes reprises, gardons-nous de faire un amalgame ! Les associations de supporters ne doivent pas être uniquement envisagées sous l’angle de la violence. Le ciment d’identification locale que constitue un club sportif est un élément essentiel pour une ville ou une collectivité qui doit donc s’investir en matière de problématique des supporters.

Les associations de supporters jouent en effet un rôle d’intégration sociale pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives pour les plus jeunes. Elles sont aussi régulatrices de la violence, lorsqu’elles exercent un contrôle efficace de leurs membres, ce qui en fait des acteurs sociaux incontournables.

Le renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters est donc bien évidemment l’élément clé de cette proposition de loi. Étendre ce dialogue à l’échelon national par la création d’une instance nationale du supportérisme va tout à fait dans le bon sens.

Je soutiens également la publication des fichiers des interdits de stade au plan européen. Toutefois, comme l’a dit Dominique Bailly, la réciprocité de cette mesure doit impérativement être mise en œuvre.

Nous ne voulons plus connaître les épisodes tragiques qui ont touché Glasgow en 1971, Bruxelles, au stade du Heysel, en 1985, Sheffield en 1989, Gênes en 1995, mais aussi Paris, aux abords du Parc des Princes, en 2006 et 2013. C’est pour cette raison que nous voterons sans hésitation le texte élaboré par la commission des lois, lequel ne peut que renforcer efficacement la lutte contre le fléau que constitue le hooliganisme.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.