Ainsi, dans le débat mené au Parlement grec sur le plan d’austérité qui accompagne le pseudo-plan de soutien européen, Alexandra Papariga, députée d’Athènes et secrétaire générale du Parti communiste grec, a eu l’occasion de souligner que 6 278 contribuables fortunés étaient, fin 2007, redevables de plus de 15 milliards d’euros de dettes fiscales envers l’État grec, c’est-à-dire plus ou moins 2, 4 millions d’euros en moyenne par contribuable !
Que fait-on sur cette question ? Qu’exige-t-on ? Rien. Peut-être ne le voulons-nous pas non plus.
C’est donc un pays fragile, bien que non dépourvu d’atouts, qui est devenu la victime de la spéculation financière sans que les instances européennes réagissent de manière adaptée.
Quelle est, dès lors, la leçon essentielle de la crise ?
Il est temps que la politique reprenne le pas sur les marchés financiers et que la mise en œuvre des objectifs de l’Union passe par d’autres méthodes que celle consistant à laisser les États membres coincés entre les critères de convergence et les exigences des marchés financiers.
Nous avons indiqué que la Banque centrale européenne se fixait comme objectif la fameuse stabilité des prix.
La, son pendant aux États-Unis – pays libéral s’il en est – présente un visage tout à fait différent. Elle veille, en effet, à « maintenir la croissance à long terme, compatible avec le potentiel d’augmentation de la production à long terme de l’économie, de manière à promouvoir effectivement les objectifs de niveau d’emploi maximum, de stabilité des prix et de taux d’intérêt modérés à long terme ».
Cela signifie, entre autres, que de la grande crise de l’entre-deux-guerres, les États-Unis n’ont pas tiré la même conclusion que l’Europe. Ce qu’ils ont conclu, en effet, c’est que la Banque centrale devait être l’un des instruments de la politique économique générale, jouant de la création monétaire, de la valorisation de la devise ou encore du niveau des taux d’intérêt pour accompagner les choix macroéconomiques orientés vers l’activité, l’emploi, la production.
Pour autant, puisque la Banque centrale européenne est une institution reconnue, pourquoi ne met-elle pas en œuvre, à l’image de ce que laisse entrevoir cette crise obligataire grandissante, une politique d’intermédiation qui lève l’hypothèque de l’article 123, que nous avons cité en exergue, et qui permette aux États membres de l’Union de se refinancer à moindre coût ?
Pourquoi a-t-elle permis aux banques de se refinancer à 1 % en 2008 ? Pourquoi laisse-t-elle la France prêter à 5 % à la Grèce ? Qu’avons-nous avec ce texte ? Non pas l’émergence du fonds d’intervention de la BCE, susceptible d’aider les États membres en difficulté temporaire, mais un rafistolage où les mêmes États membres vont prendre pour eux le risque que les prêteurs actuels ne veulent plus porter !
Notons d’ailleurs les limites du dispositif : la Grèce va se trouver débitrice de quinze pays différents, lui faisant tous des conditions différentes de prêt, tant en amortissement qu’en taux d’intérêt.
Et la Grèce n’est pas forcément enchantée d’emprunter à l’Espagne, à l’Italie ou au Portugal, dont la signature vient d’être dégradée par les trop fameuses agences de notation !
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, les différents partenaires de la Grèce, tous déjà largement endettés et hors des critères de convergence de ce point de vue, vont être contraints d’aller sur les marchés trouver les ressources destinées à payer leur écot du plan de soutien des banques créancières de la République hellénique.
Ce n’est donc aucunement au travers d’un renforcement des ressources fiscales de chacun des États que l’on va dégager les moyens de l’action, mais bel et bien en passant à nouveau par les marchés financiers, trop contents de voir quinze États souverains passer sous les fourches caudines de leur dictature pour trouver les moyens de leur intervention ! À quand une véritable responsabilisation des acteurs des marchés, des banques comme des compagnies d’assurance, passant au besoin, et nous pensons que cela est désormais d’une impérieuse nécessité, par la mise en œuvre d’une taxation pénalisant la spéculation monétaire, décourageant le développement des montages financiers spéculatifs, rendant de fait plus transparents et plus lisibles les mouvements affectant les transactions sur devises ? Nulle trace de cette exigence citoyenne et démocratique dans le texte qui nous est soumis ici ! Et jamais, parce que l’on reste dans le droit-fil de la stratégie de Lisbonne, on ne s’affranchit de la prégnance de la spéculation, ni des critères de convergence, ni du pacte de stabilité, dont il est de plus en plus évident qu’il est au mieux caduc, au pire meurtrier pour l’Union !
Qu’on ne s’y trompe pas : cette cure d’austérité sans précédent imposée à la Grèce et à son peuple, mes chers collègues, souhaiteriez-vous l’imposer aux Français ?