Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 5 avril 2016 à 15h15
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat a déjà eu l’occasion de se prononcer trois fois sur le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme. J’avais d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur du premier texte, au mois de décembre 2012.

Je ne vous surprendrai pas en disant que mon groupe restera fidèle à ses principes de liberté. Une majorité d’entre nous s’abstiendra, d’autres ont choisi de soutenir ce texte, Pierre-Yves Collombat votera contre.

Monsieur le président de la commission des lois, je crois que le Sénat, lui, n’est pas fidèle à son histoire en se prévalant, par votre voix, de fabriquer une loi plus répressive que celle de l’Assemblée nationale, qui, elle, est soumise à l’opinion et aux médias. Je vous le dis avec tout le respect et toute l’amitié que j’ai pour vous.

Nous sommes certes favorables au renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme dans le respect des principes qui garantissent l’État de droit et dans le cadre de réformes susceptibles d’améliorer le fonctionnement de notre système judiciaire. Dans cet ensemble trop magmatique et confus, on distingue plusieurs éléments positifs, notamment les dispositions prévues pour lutter contre le financement du terrorisme et contre le trafic d’armes à feu. Nous partageons aussi les objectifs visés à l’encontre de ceux qui reviennent des zones de conflits djihadistes.

En ce qui concerne le présent texte, de nombreuses approximations demeurent et il nous apparaît que la procédure accélérée, une fois de plus, a pris de cours jusqu’à ses instigateurs ! Je pense notamment aux dispositions que nous avons votées fort rapidement sur la fraude fiscale, monsieur le rapporteur.

Quand on va trop vite, on va souvent mal ! Il existe de nouvelles sources de confusion et de complexification, qui consistent par exemple à soumettre des mesures administratives au contrôle du juge judiciaire. Cette disposition sème un peu plus de trouble dans la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

La procédure de la retenue de quatre heures, dont la nature reste ambiguë, présente encore des zones d’ombre. Ni le rapporteur ni le Gouvernement n’ont pu nous renseigner sur la valeur juridique des échanges informels qui pourront advenir dans ce cadre. En réalité, bien qu’il présente aujourd’hui plus de garanties que dans le texte adopté à l’Assemblée nationale, ce dispositif ne parvient pas à se départir des vices qui lui sont inhérents et dont la pratique confirmera l’évidence.

Quant à la distinction entre mesures privatives de liberté et mesures restrictives de liberté, il faut bien être passé par l’ENA pour faire de la loi un sanctuaire de l’hypocrisie !

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