J’ai présenté, comme auteur, la proposition de loi n° 416, je vais maintenant prendre part à la discussion au nom de mon groupe.
Il me semble important que nos échanges ne cèdent pas à la confusion. J’ai écouté attentivement Mme la rapporteur, laquelle, par un exposé assez précis, a justifié notre choix de légiférer sur ce sujet. Contrairement à M. Jean-Pierre Leleux, elle n’a pas considéré que la régulation se faisait « de façon naturelle ».
Le débat apparaît donc nécessaire, et j’entends la différence d’appréciation de ces propositions de loi entre, d’une part, les propos de Mme la rapporteur et, d’autre part, les déclarations tenues devant nous par certains patrons de presse et de médias et relayées presque exactement par M. Leleux.
La régulation naturelle n’existe pas et en matière de droit et d’indépendance de la presse et des médias, il n’a jamais été question de s’en remettre à cela.
Nous posons des droits, des règles et des principes, qui doivent précisément permettre une régulation qui ne soit pas naturelle et sauvage. Il ne s’agit pas, ici, de l’audiovisuel public, mais de groupes privés, au sein desquels les rapports de force sont clairs : ceux qui possèdent décident. S’agissant d’information, la définition de protections apparaît donc nécessaire.
Nous échangeons avec Mme la rapporteur à propos des précisions qu’il reste à apporter sur plusieurs sujets. Nous ne formulons sans doute pas les choses de la même manière, mais le débat porte sur le rôle du CSA, sur la désignation, la composition ou le champ d’action des comités indépendants d’éthique ou de déontologie, voire sur le regard que doit porter sur eux le CSA.
Il en va de même des chartes, à propos desquelles nous devons éviter toute confusion. Je soutiendrai ici que celles-ci ne pourront pas être des chartes maison déconnectées des principes généraux de la profession. Nous devons, à ce sujet, tenir compte des propos tenus par Pierre Laurent. Toutefois, la référence à des textes infralégislatifs qui n’offrent peut-être pas la stabilité juridique nécessaire ne me semble pas idoine pour fixer des principes généraux.
Tous ces débats sont légitimes. Comme nous légiférons sans doute un peu trop rapidement, je ne suis pas toujours certain de défendre la meilleure position. Pour cette raison, un de nos amendements vise, sinon à mettre en place une clause de revoyure, au moins à permettre au Parlement, ensuite, d’observer le fonctionnement des mesures adoptées et de juger de leur justesse ou de la nécessité de les compléter. Personne ne saurait affirmer aujourd’hui que ses choix sont les bons. Nous devons nous efforcer d’établir ces garde-fous.
Un autre débat est lancé par M. Leleux, lequel affirme qu’il ne s’agirait ici que d’embêter des entreprises déjà confrontées à des difficultés, plutôt que de leur venir en aide.
Franchement, je ne connais pas une entreprise de médias ou de presse qui, au vu de son capital ou de ses moyens propres, puisse se dire maltraitée par les pouvoirs publics, notamment en matière d’aide financière. Suivez mon regard ! Il conviendrait plutôt de remercier l’État de son aide, y compris en matière de distribution. L’implication de l’État au service de la défense de ce pluralisme doit être saluée.
Pour terminer, j’ajoute un élément que je compte introduire par amendement, relatif aux reventes spéculatives de fréquences. Mme Catherine Morin-Desailly avait introduit dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, après un vote unanime du Sénat, la taxation à 20 % des plus-values tirées de ces opérations, afin de produire un effet dissuasif. Il y a longtemps, j’avais proposé 5 %, sans rencontrer l’unanimité ; elle se fait aujourd’hui sur 20 %, je suis pour !
Le CSA a ensuite réagi conformément aux souhaits de Mme Morin-Desailly à la vente spéculative de la chaîne Numéro 23. Le Conseil d’État a cassé cette décision. Je défendrai un amendement tendant à donner au CSA les moyens d’exercer sa mission sans être entravé, en soumettant les attributions de fréquences à une période probatoire. Cela permettra de s’assurer, après deux ans et demi, que les engagements pris sont tenus. Je m’en expliquerai.
À mon sens, nous devons être capables de légiférer en répondant aux situations concrètes qui s’imposent à nous. Nous avions unanimement considéré que les reventes spéculatives de fréquences étaient néfastes à la démocratie ; la situation actuelle constitue pour nous un véritable camouflet.