Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France n’a jamais eu autant de médecins et, pourtant, leur présence sur le territoire est très inégalement répartie. Contrairement aux idées reçues, si les territoires ruraux isolés sont particulièrement touchés, des villes moyennes et des métropoles sont également concernées.
Le vieillissement des praticiens et la difficulté à trouver des remplaçants expliquent en partie ce phénomène de désertification médicale, d’autant que, chaque année, 25 % des médecins diplômés de la faculté française décident de ne pas s’inscrire à l’ordre pour exercer d’autres professions. Il est évident que les jeunes médecins qui ont fait huit ans d’études hésitent à venir s’installer dans les zones rurales où le bureau de poste, l’école et les petits commerces ont bien souvent disparu.
À la fois confident, assistant social, soignant aussi bien de l’âme que du corps, le médecin de campagne, comme en témoigne le film de Thomas Lilti sorti sur les écrans il y a deux semaines, est malheureusement une espèce en voie de disparition, tout comme les maternités de proximité, dont nous avons débattu l’année dernière. La fermeture de ces structures obligera ainsi les femmes à parcourir jusqu’à une heure de route pour aller accoucher, ce qui aggravera les inégalités territoriales du point de vue de l’accès aux soins et pourra mettre en danger la sécurité des mères et des nouveau-nés.
Maintenir une offre de soins satisfaisante sur l’ensemble de notre territoire est une impérieuse nécessité ; un retour en arrière dans ce domaine ne serait ni compréhensible ni acceptable. De nombreuses initiatives locales, pour le moins originales, tentent de remédier à la pénurie de médecins : l’opération « SOS Villages », la plateforme d’offres d’emploi de médecin trocundoc.com, l’organisation de généralistes datings ou encore l’Instal’box, qui propose aux professionnels de santé de passer deux jours tous frais payés et en famille dans un département, pour découvrir un lieu où ils pourraient exercer.
Si ces initiatives locales prêtent à sourire, elles reflètent aussi une situation dramatique pour bon nombre de nos communes rurales, qui souffrent de la pénurie de médecins.
Je sais, madame la secrétaire d’État, que la lutte contre la désertification médicale est l’une des préoccupations du Gouvernement. J’en veux pour preuve les résultats du pacte territoire-santé lancé fin 2012, qui vise à améliorer l’accès aux soins de proximité, à réduire les inégalités entre les territoires et à lutter contre les déserts médicaux. Ce dispositif a permis l’installation de plus de 500 professionnels dans des territoires manquant de médecins.
En outre, je sais que le pacte territoire-santé 2 prévoit l’installation, d’ici à 2017, de 1 000 généralistes et spécialistes. Ce pacte contient de nouvelles mesures pour « que chaque Français puisse se faire soigner facilement près de chez lui partout sur le territoire ». Cela se traduira notamment par une augmentation du numerus clausus dans dix régions manquant de médecins et le développement de la télémédecine. Ces mesures vont certes dans le bon sens, mais suffiront-elles à lutter contre les déserts médicaux ?
Évoquons également la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires, dispositif qui participe pleinement à la diversité de l’offre de soins dans nos territoires ruraux. La médecine libérale évolue et le développement de ces structures est en effet indispensable pour attirer les jeunes médecins qui hésitent de plus en plus à travailler de manière isolée. La mutualisation des ressources médicales leur offre un certain confort de travail et leur permet d’assurer un meilleur suivi des patients.
De la même façon, si nous nous réjouissons de la création, par la loi de modernisation de notre système de santé, des groupements hospitaliers de territoire, nous nous inquiétons de la trop faible place laissée aux élus locaux dans leur gouvernance, lesquels ont, je le rappelle, une connaissance très précise de leur territoire et de ses besoins en santé.
Notre collègue Raymond Vall l’a parfaitement démontré : l’offre de soins dans nos territoires ruraux soulève de fortes inquiétudes et nous impose de mettre en place une véritable réforme, plus contraignante. Les pistes qu’il a évoquées et que préconise le Conseil national de l’Ordre des médecins sont particulièrement intéressantes et mériteraient que l’on s’y attarde pour améliorer notre système de santé, aujourd’hui en grande souffrance.