Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. Les questions relatives aux soins occupent une place majeure dans les préoccupations de nos concitoyens et elles constituent un enjeu central du lien social dans les territoires ruraux français. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, abordera dans quelques instants le fond du problème, à savoir la reconnaissance du métier et la nécessité que l’on connaisse, dans notre pays, le coût réel de la santé.
Pour ma part, je souhaite insister aujourd’hui sur un problème bien concret affectant les soins en milieu rural de montagne et soulignant les inégalités croissantes d’accès à la santé.
Madame la secrétaire d’État, je vous ai déjà sollicitée à ce sujet par voie postale, ainsi que, le 4 février dernier, au travers d’une question orale sans débat, mais, à ce jour, je n’ai toujours pas reçu de réponse de votre part. Aussi, je souhaite à nouveau vous alerter, ainsi que mes collègues ici présents, sur un sujet qui peut concerner d’autres départements de montage. En effet, avoir un débat sur l’offre de soins, c’est bien, mais répondre aux inquiétudes des professionnels de santé qui interviennent chaque jour dans ces zones, c’est encore mieux.
La caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère a annoncé voilà quelques mois sa décision de ne plus prendre en charge, pour les professionnels de santé installés en plaine, les indemnités kilométriques des trajets de montagne au tarif applicable à cette zone, et ce même si le domicile du patient se situe, lui, en zone de montagne. Cela conduit à une différence de 15 centimes par kilomètre parcouru pour administrer des soins à domicile en zone montagneuse.
Cette modification de la prise en charge kilométrique va largement affecter les professionnels de santé du département de l’Isère et elle soulève de nombreuses interrogations au sein des professions concernées, infirmières et soignants à domicile.
Alors que l’ensemble des élus locaux et nationaux et l’État, que vous représentez, madame la secrétaire d’État, appellent à l’adéquation de l’aménagement du territoire aux besoins des populations, il semble aujourd’hui nécessaire de prendre en compte la réalité du quotidien des professionnels pour démontrer la nécessité de moyens destinés à assurer l’égal accès aux soins. Or cette décision de la CPAM, qui se fonde sur l’article 13 de la nomenclature générale des actes professionnels, laquelle fait d’ailleurs l’objet d’interprétations variables entre départements – cela pose problème –, met en péril les soins à domicile dans ces zones souvent difficiles d’accès.
À titre d’exemple – j’ai moi-même rencontré des professionnels de santé –, pour un trajet de 4 kilomètres dans une zone auparavant concernée par la tarification applicable à la montagne, le changement d’indemnité et d’abattement kilométriques entraîne une diminution des indemnités de 1, 90 euro par aller-retour, soit 1 387 euros par an pour un soin quotidien.
Alors que les trajets en montagne s’avèrent plus longs et plus coûteux – en raison des contraintes géographiques et de l’usure accrue des véhicules – qu’en plaine, cette modification de la prise en charge des indemnités kilométriques par la CPAM de l’Isère renforcera, dans un avenir proche, l’apparition de déserts médicaux dans ces secteurs montagneux, où, par ailleurs, la demande en soins augmente.
De même, la CPAM de Savoie a modifié les modalités de remboursement kilométrique des professionnels de santé, notamment des infirmières, sur la base d’une nouvelle interprétation du calcul des indemnités, bien qu’aucune loi n’ait modifié les textes en vigueur.
Tout cela m’inquiète ; c’est source de déstabilisation pour l’offre de soins en milieu rural montagnard. Les décisions prises par les différentes CPAM dans ces zones montagneuses menacent directement l’offre médicale dans ces secteurs ; c’est dramatique et nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi il me paraît important, madame la secrétaire d’État, que des mesures concrètes soient prises rapidement pour mettre en cohérence les actes avec le discours s’opposant à l’émergence de déserts médicaux.