Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux à mon tour remercier le groupe du RDSE d’avoir initié ce débat sur l’offre de soins dans les territoires ruraux. C’est une question d’importance, que l’on peut élargir, plusieurs collègues l’ont souligné, à la pénurie de l’offre de soins dans un certain nombre de zones urbanisées.
Quoi qu’il advienne, l’ensemble du groupe CRC espère que, à l’issue de ce débat, des mesures pourront être engagées par le Gouvernement pour moderniser et améliorer l’offre de soins dans notre pays, en particulier dans les territoires ruraux.
Que constatons-nous sur l’ensemble du territoire ? Les inégalités d’accès aux soins tendent à augmenter dans les zones rurales, mais également dans les quartiers populaires. L’apparition de déserts médicaux dans certaines zones surdenses tend à généraliser les difficultés d’accès aux soins.
À cela s’ajoute la mauvaise répartition territoriale des professionnels de santé. Alors que, depuis 2005, la France a perdu 3 500 généralistes, la population a crû de 3 millions de personnes, faisant ainsi reculer la densité de généralistes de 8, 5 %. Malgré le relèvement sensible, en 2011, du numerus clausus, le nombre de médecins en activité ne retrouvera son niveau actuel qu’en 2030 ; pendant ce temps, la population continuera de vieillir.
Les études prévoient d’ici à 2030 une diminution du nombre de médecins de 25 % dans les territoires ruraux. Le non-remplacement des départs en retraite des médecins baby-boomers amputera donc d’un quart le nombre de médecins exerçant en zone rurale.
Cette situation n’est pas isolée puisque le nombre de médecins exerçant en couronne périurbaine ou dans une commune multipolarisée diminuera de 10 % et le nombre de médecins exerçant dans un pôle urbain sans CHU de 6, 2 %.
Si l’on ajoute à cette situation les conséquences de la création par la loi de modernisation de notre système de santé des groupements hospitaliers de territoire, qui vont supprimer les structures de proximité – Françoise Laborde a évoqué le drame des maternités –, l’accès aux soins dans les territoires ruraux et urbains va encore se dégrader.
Pour lutter contre les inégalités territoriales de santé, il faut donc s’attaquer en priorité à la répartition géographique des médecins, des personnels médicaux et paramédicaux. Or cette répartition est très inégale, et les pénuries de ressources médicales s’aggravent.
La théorie économique libérale de l’autorégulation, selon laquelle les médecins s’implanteront dans les lieux où ils pourront percevoir les revenus les plus élevés, c’est-à-dire là où la demande est plus importante que l’offre, est contredite par les faits.
Dès lors, si la liberté d’installation ne permet pas naturellement de parvenir à un équilibre territorial de l’offre médicale, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures incitatives, voire plus contraignantes.
Une première approche, fondée sur la persuasion, consiste à respecter strictement la liberté d’installation des médecins tout en les incitant à mieux se répartir sur le territoire.
Ainsi, depuis une dizaine d’années, les mesures d’aide à l’installation dans les zones déficitaires se multiplient. Elles sont financées par les collectivités locales – je pense aux bourses d’études en troisième cycle, aux aides à l’installation, aux subventions d’investissement ou encore aux exonérations fiscales –, mais aussi par l’assurance maladie – je pense à la rémunération forfaitaire, à la modulation des cotisations sociales, etc. Ces mesures incitatives n’ont malheureusement pas permis jusqu’à présent d’inverser la tendance des départs non remplacés des médecins.
Pour garantir l’égalité d’accès aux soins et mettre en œuvre une réelle couverture territoriale, ne faudrait-il pas agir de manière plus contraignante ? Les études dans le domaine de la santé étant le fruit d’investissements publics, est-il absurde de proposer que les professionnels de santé contractualisent leur installation sur le territoire ?
Pour sa part, le groupe CRC estime que, en contrepartie du financement des études de santé, les jeunes diplômés devraient s’engager à exercer dans le service public ou dans les zones qualifiées de désert médical pendant au moins cinq ans. Une telle pratique est en vigueur dans l’éducation nationale, les enseignants commençant par exercer dans les zones en difficultés. Pourquoi, madame la secrétaire d’État, ne pas expérimenter ce processus dans le domaine de la santé ?
En parallèle, il faut également revoir la formation des professionnels de santé afin de revaloriser les professions de médecin généraliste et de soignant.
Pour relever les défis à venir, il est également nécessaire d’augmenter le numerus clausus à la hauteur des besoins estimés.
Enfin, les problèmes d’installation des médecins libéraux traduisent une crise des vocations. Aujourd’hui, les femmes, mais aussi les hommes qui achèvent leurs études de médecine souhaitent pouvoir profiter de leur vie sociale, quitte à en rabattre sur leurs rémunérations.
La solution consiste pour ces jeunes médecins à se regrouper dans les territoires, au sein de structures où s’exercent plusieurs spécialités. Dans cet esprit, les centres de santé sont une solution concrète répondant à leurs aspirations. Les centres de santé, organismes gestionnaires publics ou privés à but non lucratif, à ne pas confondre avec les maisons de santé libérales, constituent la meilleure réponse de proximité, d’accessibilité et de démocratie sanitaire.
Les 357 centres de santé actuels sont développés sur le fondement d’une évaluation territoriale permettant de définir des zones prioritaires d’implantation, du point de vue tant économique que géographique, en vue de rétablir une égalité d’accès aux soins.
Comme le préconise le professeur Vigneron, le Gouvernement doit lancer un plan de développement des centres de santé de premiers recours sur l’ensemble du territoire national. Il faudrait en créer 400 en France pour répondre aux besoins en matière de santé.
Ce plan de développement doit s’accompagner d’une revalorisation des moyens des centres de santé existants afin que ces derniers puissent remplir leurs missions. Je les rappelle ici : délivrance des soins ambulatoires, prévention, promotion de la santé, éducation thérapeutique, pratique de l’IVG ambulatoire.
Ces missions, qui sont actuellement toutes assurées grâce au tiers payant, permettent de supprimer les barrières financières d’accès aux soins.
Vous le voyez, madame la secrétaire d’État, des solutions crédibles et alternatives existent pour améliorer l’offre de soins sur l’ensemble de notre territoire partout où l’on constate une pénurie de professionnels de santé, notamment dans les zones rurales ; j’en ai évoqué un certain nombre. Le Gouvernement a désormais le choix, madame la secrétaire d’État, et j’en appelle à vous en particulier, entre les mettre en œuvre ou laisser les inégalités d’accès aux soins s’aggraver.