Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
L'offre de soins dans les territoires ruraux

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de longue date, cette question majeure de l’offre de soins, en particulier dans les territoires ruraux, mais pas seulement, donne lieu à de nombreux échanges et contributions. Le diagnostic est partagé sur deux points : les professionnels de santé se répartissent spontanément de manière très inégale sur le territoire national, les perspectives de renouvellement démographique sont négatives pour les dix années à venir et le secteur hospitalier est dans l’incertitude s’agissant d’une partie de son personnel et de ses finances. Nous nous accordons également pour constater qu’aucune mesure prise isolément n’est à même de remédier à ces difficultés.

Le programme de réformes engagé en 2012 traduit cette nécessité d’agir sur tous les déterminants de notre système de santé, selon une approche décloisonnée de la prévention, du soin proprement dit et de l’accompagnement, pour créer un parcours de santé coordonné assurant la continuité des prises en charge. La stratégie nationale de santé en a fixé le cadre, avec pour priorité d’assurer l’accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire. Pacte de confiance pour l’hôpital, pacte territoire-santé en 2012, poursuivi et complété en 2015, et loi de modernisation de notre système de santé relèvent très concrètement de cet objectif.

Nombre des mesures prises étaient attendues et sont largement approuvées. Elles concernent la formation des professionnels de santé – stages en médecine de ville, augmentation ciblée du numerus clausus –, les conditions d’installation dans les territoires sous-dotés – contrats d’engagement de service public, dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale et de médecine ambulatoire pour les spécialistes, référent installation unique dans chaque région. Elles concernent aussi les conditions d’exercice : travail en équipe, communautés professionnelles territoriales de santé volontaires, structures regroupées en maisons de santé pluridisciplinaires, pôles ou centres de santé, nouveaux modes de rémunération, pratique avancée de premier recours. J’insiste sur cette évolution de l’exercice infirmier en pratique avancée, qui peut constituer un axe de réponse au problème des déserts médicaux en termes de proximité, de délais et de coût, limitant le recours aux urgences et à l’hospitalisation, mais aussi en matière de prévention, d’éducation thérapeutique, de suivi des patients chroniques, de vaccination ou de prescription.

Cette politique de maillage territorial inclut la permanence des soins avec le développement de la télémédecine et l’augmentation du nombre de médecins référents du SAMU de 150 en 2012 à 600 à la fin de 2015.

La loi doit-elle instaurer un conventionnement sélectif pour les médecins dans les zones sur-dotées ou, à tout le moins, comme le prévoyait un amendement adopté par la commission il y a peu, une obligation de négocier sur ce point lors de la révision de la convention médicale ? Il est vrai que la charte d’installation de la médecine libérale date de 1927 et que la situation n’est plus tout à fait la même aujourd’hui. La régulation des installations mise en œuvre depuis 2008 pour les infirmiers a eu un effet positif, sans pour autant permettre de résorber totalement les disparités entre territoires.

L’opposabilité du schéma régional d’organisation des soins est également une option, dont nous avons débattu lors de l’examen de la loi HPST portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, en 2009, puis à nouveau en 2010 dans le cadre de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade. Le choix du Gouvernement a été et reste celui de l’incitation et de la responsabilité des médecins libéraux.

Les jeunes générations de praticiens, quant à elles, aspirent à de nouvelles pratiques professionnelles ; elles sont ouvertes à l’innovation et aux coopérations. Plusieurs syndicats les représentant ont d’ailleurs participé aux négociations conventionnelles en cours, durant lesquelles – je ne sais pas s’il y a un lien direct de cause à effet – a été décidée la mise en place d’un groupe de travail sur les questions de coopération, à l’identique de celui qui a été créé entre ophtalmologistes et orthoptistes par la loi du 26 janvier 2016.

La restructuration du secteur hospitalier, qui participe lui aussi à l’offre de soins, est également largement engagée depuis 2012 : adaptation de la tarification à l’activité, système de facturation, renforcement de l’attractivité de l’exercice en hôpital public à la suite du rapport de notre ancien collègue Jacky Le Menn, financement au titre des activités isolées des hôpitaux locaux, rétablissement du service public hospitalier, ce qui n’est pas la moindre des évolutions.

La création de groupements hospitaliers de territoire, source de mutualisation et d’efficacité, constitue une réforme majeure. Ses modalités de mise en œuvre ont fait l’objet de concertations attentives avec les élus locaux, qui en seront bien parties prenantes.

Ainsi, tous les leviers sont utilisés pour adapter notre système de santé aux mutations démographiques, épidémiologiques et technologiques que nous connaissons, sans pour autant – ce point est essentiel – le déstabiliser.

Ce programme de réformes pour garantir l’accès aux soins est aussi transversal et trouve place parmi les objectifs fixés par le comité interministériel aux ruralités, qui devrait tenir une troisième réunion à la suite de l’entretien entre l’Association des maires ruraux de France et le Président de la République du 1er mars dernier. Il est également soutenu par une politique de redressement des comptes sociaux dont les résultats positifs de 2014 se confirment en 2015. Le retour aux équilibres est bien le premier garant des innovations et du progrès.

En seulement quatre ans, un résultat, insuffisant certes, se dessine, qui confirme que la trajectoire suivie est la bonne. Exiger qu’en si peu de temps s’effacent les conséquences d’un mouvement poursuivi sur une décennie ne serait ni réaliste ni honnête à l’égard de nos concitoyens. Seule une approche globale, volontaire permettra d’atteindre ce qui peut se résumer par la formule suivante : « les bons soins par les bons professionnels, au bon moment ».

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